(ATTENTION ! il existe une version plus récente : le prix des vignes édition 2024)
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Comme on pouvait s’ y attendre, les statistiques officielles du marché foncier rural diffusées par la FN Safer (Fédération Nationale des Safer) et calculées à partir des chiffres 2020 ne ressemblent en rien aux statistiques des années précédentes : la crise du Covid 19 est bien passée par là.
Du jamais vu !
On enregistre un nombre de transactions historiquement bas sur 30 ans et un repli des surfaces vendues de 20% détaille Loïc Jégouzo de la direction des études de la FNSafer. Et tous les bassins viticoles sont concernés. Dans sa région c’est un constat partagé par Philippe Tuzelet de la Safer-Nouvelle-Aquitaine : en Gironde, on est passé de 550 actes de vente de vignobles par an à 300 en 2020, il y a une réelle contraction des marchés.
ACTIVITE NATIONALE | 2020 | 2019 | évolution |
transactions | 8190 | 9200 | -10,9% |
surfaces | 14600 ha | 18300 ha | -20,3% |
valeurs | 861 M/€ | 987 M/€ | -13,5% |
Nous présentions l’année précédente comme l’année du record des surfaces échangées avec des prix toujours en hausse. Et bien 2020 sera donc celle du repli généralisé.
En chute libre
N’hésitez pas à cliquer sur les graphiques pour les grandir ! Attention : des exceptions notables pondèrent les moyennes du prix de vente et les rendent moins impressionnantes !
Vignes AOP 150.500€/ha soit + 1,3%.
Vignes hors champagne 78100€/ha + 4,2%.
Vignes Eaux-de-Vie AOP 55400€/ha + 6,9%.
Vignes hors AOP 14500€/ha +0,9%.
En Champagne le marché se replie en surface comme en valeur. La baisse des exportations et la montée de produits effervescents concurrents avaient déjà fragilisé la filière. La baisse de la consommation et la fermeture des lieux de vie n’a fait qu’aggraver la situation.
Quant au Cognac, il esquive la crise remarque Loïc Jégouzo . L’eau-de-vie, qui n’était pas ciblée par les taxes US, a continué à s’exporter avec un prix moyen des vignes en augmentation de de 7%.
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des prix en trompe l’oeil
Aucune région ne s’en sort bien. Pourtant alors que l’ensemble des vignobles a été impacté par la crise sanitaire, la valeur échangée dans le vignoble bordelais a progressé de 4,7% soutenue par 8 ventes de domaines prestigieux représentant 72% de la valeur du Bordelais ! Nous dit la Safer. Le prix moyen des vignes des appellations Pauillac, Pomerol, Saint Julien, Margaux, considérées comme des valeurs refuge augmente de 8,9% tandis que se confirme la baisse amorcée des appellations génériques dont les consommateurs avaient commencé à se détourner avant la crise sanitaire.
prime au bio ?
Il n’existe pas encore d’indicateur qui permettrait de mesurer l’impact de la labellisation bio sur le prix des vignes nous précise Loïc Jégouzo.
Pourtant il y a des signes : là où en appellation Bordeaux et Côtes de Bordeaux les prix accusent une baisse de 13%, les lots bio, eux, avec du matériel végétal en bon état, des parcelles groupées qui permettent d’optimiser les travaux à la vigne, tirent plutôt bien leur épingle du jeu et peuvent encore s’échanger sur la base de 22 000 euros/ha.
Viennent ensuite les vignes en bon état, cultivées en conventionnel, situées sur des terroirs très qualitatifs pour lesquelles les prix peuvent varier de 15 000 à 20 000 euros/ha.
Enfin, les parcelles situées sur des terroirs plus communs ou réputés gélifs peinent à trouver preneur et s’échangent, en fonction de leur état, à des niveaux de prix qui peuvent descendre jusqu’à 4 000 euros/ha.
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Qui achète ?
Le recul du nombre d’acquisitions est très marqué pour les fermiers en place, personnes physiques agricoles (-30%) ou sociétés d’exploitation (-30,5%). La tentation de sécuriser le foncier exploité aura été douchée cette année : les trésoreries ont été impactées par le confinement et on préfère passer son tour.
A l’inverse, les particuliers non agricoles attirés par un placement foncier -ils représentent le deuxième volume d’achats de vignes chaque année- maintiennent à peu près le cap avec seulement -2,5% de baisse. La crise a manifestement conforté leurs projets d’investissement dans le foncier viticole.
Ce chiffre est sans doute à mettre en parallèle avec d’autres signaux faibles détectés les années passées. Par exemple : la volonté d’être un investisseur éthique en choisissant des fonds de portage pour l’installation de néo-vignerons ou encore l’exode inversé qui s’amplifie -le contraire de l’exode rural-
acheter au son du canon et vendre au son du clairon ?
Cet adage du parfait spéculateur est-il de mise sur le marché des vignes ? Il serait plutôt mal à propos. C’est vrai qu’il ne faut pas se priver d’acheter des vignes ou un domaine lorsque l’occasion se présente mais le retour sur investissement se fait sur un temps long et le propre du vigneron n’est pas de tout plaquer lorsque l’orage gronde mais bien de faire le dos rond en cas de coup dur. La résilience, une qualité majeure de la profession.
François
Photo à la Une : ©Interloire Saint-Nicolas de Bourgueil