Dans le monde du vin, l’année 2024, c’est celle des centenaires ! A commencer par l’année internationale de la vigne et du vin qui commémore les cent premières années d’activité de l’OIV, celle du consortium du Chianti Classico, de l’Appellation d’origine Mercurey, de l’Appellation d’origine Moulin-À-Vent…On est en plein marketing du patrimoine dont notre président est adepte qualifié par Le Monde d’inflation mémorielle !
Pourtant à y regarder de plus près, le concept de l’AOC, Appellation d’Origine Controlée, a été créé beaucoup plus tard : c’est la loi Capus promulguée en 1935. Erreur historique ? Non, disons que certaines de ces appellations prennent les devants en se donnant un coup de vieux. Pour se propulser sur la scène médiatique avant tout le monde ?
griller la politesse
On peut supposer en effet qu’en 2036 ce sera la bousculade au portillon des AOC : Arbois, Chateauneuf du Pape, Tavel, Cassis, Monbazillac, premières appellations reconnues officiellement par le décret-loi du 15 mai 1936 ainsi que quelques unes des 10 crus du vignoble du Beaujolais reconnues, elles, le 11 septembre de la même année 1936 : Morgon, Chiroubles, Fleurie, Chenas et…Moulin-À-Vent , qui, pour être tout à fait honnête, avait été la première appellation communale délimitée du Beaujolais en 1924.
vieux c’est mieux ?

Car parmi les 363 AOC viticoles que décompte la France, n’est-ce pas justement les nouvelles appellations reconnues ces trente dernières années qui portent l’esprit d’innovation et le renouveau du vignoble dont il a tant besoin ? Celles qui ont apporté le bio, bousculé les pratiques culturales…
la course au meilleur ?
Alors pour mieux comprendre, plaçons nous dans le concert des appellations du Beaujolais éclaboussées par l’empire des Nouveaux comme l’écrit joliment Terre de Vins. Inter Beaujolais se définit à travers trois univers :
La concurrence est forte entre les 10 appellations communales qui sont depuis longtemps montées en gamme dans la catégorie Beaujolais de caractère. Et Moulin-À-Vent doit partager le podium du succès avec Morgon, Cote de Brouilly, Brouilly…Une plus grande présence s’impose pour se démarquer du peloton. Fêter son centenaire avant les autres est sans doute une carte maîtresse pour mieux vendre son vin.
un nouveau coeur de cible

Et bien, il suffit (doux euphémisme !) de changer de segment et passer dans la catégorie super premium, voire ultra premium : le Beaujolais d’exception, celle qui concerne les consommateurs de plus en plus hédonistes […] qui montrent un intérêt croissant pour les produits de qualité supérieure, les vins rares…professait-on à WineParis 2024. Une tendance alimentée par un désir de qualité, d’authenticité et de différenciation. Justement le coeur de cible du cru Moulin-À-Vent !
les climats comme modèle
Et là on assiste à une bataille qui se situe à un autre niveau, celui de l’exception. Alors tout un processus s’est mis en route animé par l’Union des Crus du Beaujolais : faire reconnaître les lieux-dits par une étude de caractérisation des terroirs, la sélection les parcelles, la création des cuvées lieux-dits en s’inspirant du modèle de toujours : les Climats de Bourgogne.
L’idée n’est pas nouvelle puisqu’au 19ème siècle une classification très précise des lieux-dits de Moulin-À-Vent avait été réalisée en Crus, Premiers Crus (Attention ! pas à la façon des crus bordelais qui sont des châteaux, ni comme les crus champenois qui sont des communes…). On parle bien ici de lieux-dits. En voici quelques uns : “les Vérillats”, “La Rochelle”, “Aux Caves”, “le Moulin-à-Vent”, “Rochegrès”, “Carquelin”,“les Thorins”…
Faire donc reconnaître certains de ces lieux-dits qui ont une typicité particulière en Premiers Crus, en déposant un dossier auprès de l’INAO, voilà l’objectif. Le dépôt du dossier de Moulin-À-Vent est imminent et va rejoindre celui des appellations Fleury, Brouilly et Côte de Brouilly qui elles aussi ont entamé la même démarche. Alors qui a dit que les vignerons de Moulin-À-Vent s’endormaient sur leurs lauriers ?
séduire une nouvelle génération

Un argument à double tranchant car l’inévitable valorisation du foncier de ces lieux-dits pourrait tout aussi bien limiter l’accès des jeunes générations…
François

