lettre d’amour au gamay

« Le gamay c’est pas de la daube », ou encore « le gamay il ne faut pas dire jamais », les titres ne nous manquaient pas pour cet article qui vole au secours de ce glorieux cépage longtemps malmené par une opération commerciale pilotée par le regretté (?) Georges Duboeuf…Ce beaujolais nouveau qui aurait le gout de banane, a fait à lui seul une réputation durable et injustifiée à l’ensemble de l’appellation dont le prix à l’hectare a fini par chuter.

Comme le soulignait le journal suisse Le Temps :

Le Beaujolais est désormais la seule appellation du monde connue pour son entrée de gamme plutôt que par ses cuvées de prestige !

sitôt fait, sitôt bu, sitôt pissé

Et au delà du Beaujolais, ce sont les autres vignobles plantés en gamay qui ont subi, eux aussi, les conséquences de ce désamour.

le gamay, une histoire mouvementée

Abondamment planté dans toute la Bourgogne au Moyen Âge, il finit par concurrencer le pinot noir et faire du tort à la réputation des vins. En effet, il est plus productif et, à l'époque, la quantité procurait de meilleurs rapports, même au détriment de la qualité. Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, finit par s'en émouvoir, craignant pour l'approvisionnement de sa table. Il ordonne d'arracher le gamay, dénommé le « vil et déloyal plant », jusqu'à Mâcon, réservant le gamay au Beaujolais, prouvant que, dès cette époque, on connaissait déjà l'influence de la nature des sols sur les vins.

C'est à partir de là que les deux vignobles vont conquérir leur gloire, chacun ayant son cépage rouge. Le gamay colonise les coteaux granitiques, entre Mâcon et Lyon, faisant dire qu'à Lyon coulent trois rivières, le Rhône, la Saône et le Beaujolais. La qualité des vins du Beaujolais attire les regards. Les vignerons du Val de Loire plantent, à leur tour, ce cépage qui leur permet de produire des vins vite prêts à la commercialisation. La proximité du marché parisien et de l'Europe du nord, par le port de Nantes, assure la vente. (source wikipedia)

Faire pisser la vigne

C’est son image car son rendement peut être exceptionnel : jusqu’à 200 h/l h/a en plaine alors que la moyenne nationale tous cépages confondus tourne plutôt autour de 50 hl/ha.

Le gamay, c'est un cépage issu d'un croisement entre le pinot noir et le gouais. Typiquement français : sur 33 000 ha plantés dans le monde 30 000 se situent en France. Le reste principalement en Suisse, un peu en Italie du nord

Chez Génération Vignerons nous n’avons pas d’idées préconçues, pas d’opinion arrêtée. Juste de la curiosité. Alors nous sommes partis à la recherche du gamay-qui-envoie à travers l’Hexagone et bien nous en a pris car nous avons fait de très belles surprises…

gamay en Côte Roannaise, aux racines de la Loire

Pas si loin de l’Ardèche et encore dans le Val de Loire, dingue ! Vignoble d’altitude, les 215 hectares de la Côte Roannaise surplombent le fleuve. Les vignes en coteaux sont plantées sur des sols, très sableux et drainants, issus d’un heureux mélange de microgranite et de tufs.

Le cépage gamay Saint Romain profite de ces sols et donne des vins équilibrés, frais et parfumés. Raisons pour laquelle les vins de la Côte Roannaise ont obtenu leur classement en AOC en 2004.

Au domaine des Pothiers à Villemontais, c’est vrai, on ne fait pas que du gamay. D’ailleurs on n’y fait pas que du vin non plus car l’élevage de limousines y a toujours eu sa place. Domaine familial depuis des siècles, le virage de la biodynamie a été entrepris par Romain Paire dès 2005. Il réalise depuis une gamme de vins sincères, gourmands fruités. D’ailleurs le Domaine a été élu « découverte de l’année » par La Revue des Vins de France en 2014 !

Mon coup de coeur ? La cuvée Domaine, issue d’une sélection de vieilles vignes offrant des arômes de fruits confiturés, d’épices. Un vin ample avec des tanins soyeux et très délicats. À déguster sur des viandes grillées, un plateau de charcuterie. Une découverte au Cash Vin d’Angoulins à 9,75€ la bouteille.

François

gamay en Coteaux d’Ancenis, trop croquant !

Rémi ? Ça m’étonnerait pas qu’il soit dans ses vignes, si vous voyez un gros percheron blanc, il est surement derrière ! Rémi Sédès, paysan vigneron natif du Jura a pas mal bourlingué avant de poser son sac, il y a 10 ans, en coteaux d’Ancenis, une appellation charnière entre le vignoble nantais et l’Anjou.

L’AOC est reconnue pour la qualité de ses gamays, travaillés ici depuis des générations.

C’est Vincent Caillé, en muscadet qui lui fait découvrir la viticulture  bio. Son mentor sera Jacques Carroget (Domaine de la Paonnerie), pionnier de la biodynamie en Loire et président de l’association des Vins Naturels.

Il lui cède une parcelle de 2,5 ha, plantée en gamay, vierge de tout traitement chimique à Saint-Herblon. Le sol est pentu et la roche granitique affleure.

 

Alors, vous comprenez maintenant pourquoi le cheval. Pour moi, le vin naturel, c’est une quête, dit-il. Une quête d’excellence vers laquelle il tend sur son Trait Gamay. Tout petit rendement, vendange manuelle, vinification naturelle, pas de bois, juste une pointe de souffre.

D’une belle couleur rouge cerise, il libère des petits arômes de fruits noirs, portés par un effervescence fugace. En bouche, c’est la touche poivrée, qui ouvre le bal à une belle matière ronde et croquante, aux tanins fondus offrant une sensation de plénitude aussi puissante que courte. Un vin qui vous fait «gonfler les joues », merci Rémi ! 15,70€ la bouteille

Jean-Philippe

gamay en Côte de Forez un volcan gustatif !

La bouteille à déguster et qui m’a fait basculer d’une perception du gamay à une toute nouvelle image gustative de ce cépage porte le nom même du terroir qui l’a sublimé : La Volcanique ! Une cuvée capable de retransmettre cette terre de lave basaltique renversant l’image des petites fraises écrasées du gamay que j’avais, vers un profil aromatique plus poivré, épicé, voire même fumé. Les arômes surprenants de ce cépage me rappellent les odeurs soufrées lors de mes balades sur les volcans des îles Canaries ou encore en terres siciliennes… 

Intriguée par cette nouvelle facette du gamay, je creuse, j’investigue, je sors une carte… et là, je découvre que le gamay a dépassé les frontières du Beaujolais pour grandir au milieu des volcans. « La Volcanique » provient d’une cave familiale créée en 1992 par Odile Verdier et son mari Jacky Logel, la cave Verdier-Logel. Ce couple s’est vite lancé dans l’odyssée du vin. Le domaine se situe dans la petite commune de Marcilly-le-Châtel au cœur du département de la Loire en région Auvergne-Rhône-Alpes. Tous les deux font grandir le vignoble et le convertissent à l’agriculture biologique en 1997 au gré des sélections parcellaires pour mettre en valeur ces terroirs dits foréziens.

Côtes du Forez, ça vous dit ? C’est une appellation encore toute récente à l’échelle de l’histoire du vin… Classée seulement en Appellation d’Origine Contrôlée depuis l’année 2000, le vignoble s’étend sur près de 150 hectares et 17 communes. Sa particularité distinctive repose notamment sur la dualité de son sol : des buttes basaltiques d’origine volcanique provenant des plus vieux volcans de France qui côtoient un terroir granitique, issu de l’érosion du Massif Central (60 millions d’années pour le volcan de Montaubourg, 20 millions pour les pics de Marcilly-le-Châtel).

Aux prémices des volcans, les vignes se situent à une certaine altitude, entre 400 et 600 mètres. L’eau se fait plus rare sur le vignoble grâce des vents d’ouest chargés des brises océaniques s’asséchant en redescendant les coteaux, c’est l’effet de foehn. Ici, il s’agit précisément du cépage Gamay Saint Romain noir à jus blanc qui est sélectionné traditionnellement depuis des siècles, à parfaite maturité chaque année pour l’appellation. Notez que le Côtes du Forez Rouge représente 80 % du volume de l’appellation.

Quant à La Volcanique, cette cuvée est décrite comme un grand classique du domaine où le terroir confère au cépage ce caractère si différent des expressions les plus courantes du Gamay. On retrouve bien la base fruitée typique du gamay, mais il est cependant dominé par des notes plus chaudes de fumé et de poivre. Au palais, ce sol volcanique révèle une bouche plus structurée par des tanins renforçant la sensation de fumé face à un vin habituellement plus tendre, plus léger. Ce profil atypique me laisse l’imaginer facilement en accord avec des viandes en sauce, une association idéale de rondeur du vin au côté charnu du plat et aussi un parallèle avec la structure tannique et des plats fumés ! 10,95€ la bouteille.

Audrey

gamay en Morgon, la victoire des transfuges

Ah …. Piron, Desvignes, Burgaud, Thivin, Foillard, Lapierre, Brun, Les Jacques, Coquelet : leurs vins nous font rêver. Je les ai tous gouté au moins une fois et je leur dois un hommage appuyé. Leurs gamays sont de classe exceptionnelle. Mais il n’y pas de hasard. Ils ne sont pas arrivés à ce niveau d’excellence sans redoubler d’efforts. 

Or voilà qu’en bien peu de temps, un nouveau nom surnage dans les appellations parcellaires de Corcelettes, Py et les Fleuries. Un nom, un sourire, une silhouette, un regard éclatant de franchise et des cheveux sombres. Elle n’est pas « fille de », ni issu du cénacle des générations de vignerons du cru. Mee Godard vient d’une autre culture. Elle a quitté sa Corée du sud natale pour venir dès 1977 en France, attirée par les vins mais surtout par notre notion de cru, objet unique dont elle tombe amoureuse en Beaujolais.

Sortie de l’Oregon State University, ses préceptes d’œnologie en poche, elle devient rapidement experte dans l’optimisation du quantitatif de SO2, aussi appelé « sulfites » pour les vins. Son utilisation est efficace mais en trop grande quantité elle peut éteindre ou trop assagir les arômes du vin.

C’est donc portée par son goût pour les parfums, les arômes et passionnée de cuisine que son entrée se fera dans l’univers de la vigne. Ses cuvées deviennent rapidement des icônes encensées par les guides et les œnologues. Mee a su trouver de l’équilibre acidité/alcool/tanins, un fruité complexe mais frais et donc une patine individuelle qui ne masque jamais l’origine de ses vignes.

Mon petit doigt me dit qu’il est question de talent, mais certainement aussi d’une approche pointue, quasi scientifique qui la guide vers la perfection du fruit, avec en sourdine une sensibilité très intuitive. Rien ne remplace le goût pour les bonnes choses. Ainsi Mee Godard œuvre telle un intercesseur, se montre brillante dans sa faculté à extraire des qualités du vignoble pour les offrir à l’amateur de belles bouteilles.

Ses vins se révèlent élégants car délicats et profonds. Ils expriment leur identité, marqués par l’espace sur lequel se développe le savoir délicat de Mee Godard, générant une multitude d’interactions entre ce milieu physique et biologique de Morgon et les pratiques vitivinicoles choisies finement par cette vigneronne, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux Morgon de ses Côtes du Py. Ah … L’exacte définition de ce fameux « terroir » ! 23,50€ la bouteille.

Jean-Luc

Image à la Une : ©Côte Roannaise

3 commentaires

  1. ERYCK PONSEEL dit :

    Excellent article à 4 mains

    1. Francois SAIAS dit :

      Merci cher fidèle lecteur ! Promis on en écrira d’autres

  2. La gamay est un beau cépage au couleur très attirante.

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