A une époque où les vignerons cherchent les clés d’accès à la catégorie des vins premium -celle qui leur donnera la visibilité nécessaire et leur permettra d’atteindre des prix de vente salvateurs- la démarche engagée par les Vins d’Auvergne dès 2018 est exemplaire et devrait à terme servir de cas d’école.
toucher le fond…
Du vin en Auvergne, on sait en faire depuis…52 av.J.-C ! Les cultivateurs de la Chaîne des Puys ont vite compris que l’orientation de leurs terres était propice à la plantation des vignes. La production prospère jusqu’à la fin du XIXème siècle et couvre plus de 40 000 ha. Le vin auvergnat est alors l’un des plus consommés de France, juste derrière celui du Languedoc.
Arrive inévitablement la crise du Phylloxéra en 1895 qui contraint les vignerons à l’arrachage, puis une violente attaque de mildiou en 1910 et enfin la Première Guerre mondiale. La crise de 1929 vient parachever le tout et la main-d’œuvre essentielle à la survie du vignoble s’éparpille.
Abandonnées par les vignerons, leurs caves trouvent une autre affectation : fromagers et affineurs s’en emparent et les aménagent…
et renaitre de ses cendres
Aujourd’hui, le vignoble auvergnat couvre un peu moins de 1000 ha et si le vin d’Auvergne n’est plus le produit de masse qu’il était, il est devenu un vin recherché : ses caractéristiques sont reconnues dès 1932 par l’appellation « Vin d’Auvergne »et confirmées en 2010 par l’INAO qui accorde l’AOC aux vins de Côtes d’Auvergne et Saint-Pourçain. Ces vins se retrouvent aujourd’hui à la carte de grands restaurants et sont médaillés dans les concours internationaux.
prendre le lead
Les Auvergnats sont connus pour l’attachement à leur région et disons un certain sens des affaires. Qui passe par la maîtrise de leur communication. Ils s’engagent dans une démarche collective dépassant leurs intérêts locaux. Une feuille de route qui s’écrit en plusieurs étapes.
« Les pieds dans le basalte, la tête dans les volcans », en 2018, les 35 vignerons indépendants et les 62 coopérateurs de Desprat Saint Verny, (55% de la production des vins de Côtes d’Auvergne) décident de faire ressortir leur savoir-faire à travers Vinora, une association dont la mission est de promouvoir les vignobles d’Auvergne-Rhône-Alpes, d’accompagner le développement économique de cette filière en devenir et de valoriser l’image des vins volcaniques auprès du grand public.
Puis, en 2020, Vinora organise le premier Salon International des Vins Volcaniques qui réunit une quarantaine de domaines français et internationaux ainsi que plusieurs centaines de professionnels du vin, dans l’enceinte du parc Vulcania (dont votre humble serviteur -je ne résiste pas à l’envie de l’écrire- a été l’un des nombreux artisans lors de sa création en 2002 !).
tracer la voie
Du salon au label, il n’y a qu’un pas à franchir. Et au sein de Vinora nait alors l’idée -lumineuse- de la création d’un label « Vins volcaniques » afin de garantir l’origine des vins aux acheteurs et aux consommateurs. Mais aussi de fournir aux vignerons un outil de reconnaissance validé scientifiquement qui leur permettra ensuite de développer un discours argumenté et authentique.
laisser parler la science
Avec une équipe d’experts français, canadiens et américains, Vinora lance donc dès 2021 une première étude scientifique de caractérisation des vins volcaniques auvergnats. Cette étude géologique et chimique vise à analyser l’empreinte chimique et sensorielle de ces vins. Les résultats sont concluants et permettent de distinguer des paramètres statistiquement plus importants dans les vins de sol basaltiques comparés aux vins de sols argilo-calcaires.
En 2022 une deuxième étude confirme le profil des vins volcaniques : les Côtes d’Auvergne rouges issus de gamay plantés sur terroirs volcaniques (basaltes) présentent des notes poivrées intenses, une salinité et un caractère fumé bien perceptibles, moins d’acidité et une fraicheur aromatique très marquée.
En 2023 une troisième étude a été lancée à l’échelle nationale dont les résultats seront bientôt publiés. Elle passe en revue cinq vignobles différents, en Alsace, en Ardèche, dans le Forez, le Beaujolais, l’Hérault.
revendiquer son identité
A partir de critères pertinents, les résultats de ces trois études visent à bâtir un cahier des charges d’un nouveau label appelé désormais Volcanic Origin qui pourra concerner les vins issus des terres volcaniques de toute l’Europe.
Car, c’est un trait des vignobles volcaniques, on ne parle pas d’immenses territoires mais plutôt de domaines de taille modeste qui gagnent à profiter du rayonnement d’un réseau référent, à parler d’une seule voix et profiter d’opportunités variées de nouveaux marchés et de développement.
Des domaines qui ont déjà rejoint Vinora et qui sont situés en France, en Italie et en Sicile, aux Açores, sur l’ile de Santorin en Grèce, au coeur de la Castille espagnole…
Des vins donc à forte identité. De quoi satisfaire l’intérêt et la curiosité des amateurs ? Un regret cependant : les pratiques culturales et environnementales, pourtant au coeur des préoccupations des consommateurs, ne semblent pas prises en compte dans le cahier des charges de ce nouveau label. Un oubli ? Dommage.
François
notes prises lors de la conférence « Qu’est-ce qu’un vin volcanique »à Wine Paris 2024
Image à la Une : Azores Wine Company
Merci pour cet article fort intéressant sur les vins d’Auvergne !
Toutefois, je me permets de vous informer, si vous ne le saviez déjà, qu’une autre association tout aussi intéressante promeut les vins de cette région, en incluant des terrois plus larges (Côtes Roannaises, Forez notamment) : La Loire Volcanique.
Cordialement.
Merci de le rappeler, comme nous l’avions évoqué dans cet article Est-ce que trop de volcan ne va pas tuer le volcan ?