Des vignerons aux ongles propres comme on dit en Languedoc. Ceux-là sont propriétaires de leur domaine viticole mais en délèguent l’exploitation à une équipe technique. Les Vignobles Alain Château entrent dans cette catégorie qui se situe à mi-chemin entre le vigneron exploitant et le directeur de domaine, un salarié non-propriétaire.
Le propriétaire a la vision du temps long dit Alain Château qui a réussi dans les affaires et comme beaucoup de capitaines d’industrie, s’est investi dans « l’art du vin » au début des années 2000. Les circonstances l’amenèrent à acquérir trois domaines en Anjou et un à Saint-Émilion. Les anciens propriétaires ayant été défaillants, tout était à reconstruire : un défi qui n’était pas pour lui déplaire.
D’un grand cru à l’autre
Quinze ans plus tard, la page des investissements en Anjou est tournée et Dieu sait s’il n’a pas ménagé ses efforts pour redresser l’appellation prestigieuse Quarts-de-Chaume, ce liquoreux d’exception, unique grand cru du Val de Loire. J’en suis témoin pour avoir collaboré à sa promotion éditoriale et distribuer en douce ses merveilleuses bouteilles de Chaume sur la scène musicale de Miami. Les mentalités sont très différentes, les Angevins sont propriétaires exploitants, vignerons de père en fils et doivent s’adapter sans cesse à la fragilité de leur modèle économique.

Récemment rénové dans un style design classique, le château retrouve sa fonction première d’accueil des clients, importateurs, dégustateurs et accessoirement journalistes. La bienséance et l’esprit français sont de rigueur ici.

La visite du caveau est l’occasion de découvrir la gamme : Château Yon-Figeac, le grand cru classé (26€), majoritaire, le second Les Roches de Yon-Figeac (16€) Saint-Émilion grand cru et Yon-Saint Martin (9€) en AOC Saint-Émilion.

C’est aussi l’occasion de rencontrer Bérangère qui développe à mi-temps l’activité oenotouristique du domaine. On accueille régulièrement des petits groupes en visites-dégustation pour faire connaître nos vins et jouer le jeu collectif de l’appellation.
La cuverie cathédrale impressionne par son silence et l’effet masse de ses cuves inox. Le savoir-faire du château repose sur l’assemblage des différents cépages- merlot 80%, cabernet franc 14% et petit verdot 6% – une proportion extrême en Saint-Émilion qui apporte une typicité propre au domaine.

Alain l’industriel est dans son élément quand il s’agit d’investir pour plus de précision, plus de qualité et pas nécessairement pour réduire les coûts. Grands crus obligent !

Petite précision sur la notion de Grand Cru Classé -GCC.

Les propriétaires de Grands Crus Classés forment une sorte de club, une caste diront ses détracteurs. Nous jouons collectif, c’est l’intérêt bien compris de chacun, nous nous retrouvons dans les multiples dégustations à Bordeaux ou à Paris, dans les avions, dans les allées de ProWein, à WineExpo Hong Kong ou NY. Il faut que le vin ait une tête.
Alain excelle dans son rôle de représentation et confesse ne pas tenir en place, lui, le passionné de randonnées aux quatre coins du monde.

Tiens, des Chinois sont dans la ville pour y tourner une série télévisée.

Et si Dame Nature vous accorde de surcroît un millésime exceptionnel, rendez-lui grâce !
Justement la nature est un peu malmenée par ici avec des quantités de cuivre dans les sols et encore trop de pulvérisation de produits phytosanitaires.
Certains GCC comme Trapaud et la Grangère ont fait récemment le choix du bio. Le Conseil de la Juridiction a réagi en annonçant la certification environnementale obligatoire d’ici 2022 ; Yon-Figeac s’y prépare activement, en jouant collectif encore une fois.
A la question sensible de la transmission patrimoniale, on sent poindre chez Alain une petite crispation. Mes deux filles et mon fils ne sont pas intéressés par l’activité.
Sait-on de quoi est fait l’avenir ?
Jean Philippe
photo à la Une : ©Maison du Vin St Emilion
