Pire qu’une des sept plaies d’Egypte, la crise du Phylloxéra, en près de cinquante ans, a décimé une très grande partie du vignoble mondial. A la vitesse moyenne de 30 kilomètres par an, selon la densité des vignobles et l’influence des vents dominants.
la peste des vignes
Peu de pays producteurs auront éré épargnés. Arrivé de l’Est des Etats-Unis par inadvertance et introduit dans le Gard en 1863, le ravageur remonte petit à petit les vallées fluviales : il apparait dans les Bouches du Rhône en 1865, on le retrouve en Gironde en 1866, dans la vallée du Rhône en 1871, au Portugal puis en Suisse, en Autriche, dans le Cognaçais en 1872, le voilà en Allemagne en 1874, en Australie en 1875. La Bourgogne est atteinte en 1878, la Champagne en 1890, le Maroc en 1919, la Turquie en 1980, l’Arménie aujourd’hui…
A de rares exceptions comme ces vignes plantées dans des sols sablonneux, toutes celles dites «
» y passent.un ravageur en tête d’affiche
Curieuse idée que de monter une exposition sur un épisode aussi sombre, inscrit dans la mémoire collective comme un événement majeur du 19ème siècle au même titre que la défaite de Waterloo ou la Commune de Paris ? Une crise qui a provoqué la ruine de nombreux viticulteurs, un exode rural et une réaffectation des terres.
La réponse est dans l’angle éditorial de l’expo « Phylloxéra, une épopée humaine et scientifique ». Organisée sous forme d’un parcours dans les musées de la ville de Cognac, elle s’attache, en prenant l’exemple du vignoble cognaçais, à mettre en valeur un aspect méconnu de cette crise sanitaire : si cette exposition met en avant l’un des pires épisodes de l’histoire du vignoble charentais, elle souligne surtout la résilience collective dont a su faire preuve le monde viticole. Comment vivre après une telle épreuve ? Comment se développer et se réorganiser après un tel traumatisme ?
Voila l’ambition des organisateurs : les Distillateurs culturels, signature commune aux Musée d’art et d’histoire (MAH) et au Musée des savoir-faire du cognac (M’CO).
Avec un judicieux partage des tâches : au MAH l’histoire de la la crise sanitaire, et à quelques centaines de mètres, au M’CO les travaux de recherche, leur mise en oeuvre, les solutions.
Le tout dans une continuité scénographique très fluide.
un puceron au concours Lépine
Car ce n’est pas un puceron qui va résister aux vignerons : alors chacun y va de son initiative d’autant que l’Etat lance un concours ouvert à tous avec une prime à la clé. Qui ne sera jamais attribuée malgré plus de 5000 propositions plus ou moins fantaisistes…
On en retiendra trois : la submersion dans l’eau -mais encore faut-il en avoir sous la main- le traitement des racines par injection au sulfure de carbone -solution très couteuse- et le greffage des cépages sur porte greffe américains résistants à l’insecte. C’est cette solution qui finit par s’imposer.
Ironie du sort : c’est le continent qui nous a envoyé le puceron et qui nous apporte la solution salvatrice…
Cette expo met bien en valeur la façon dont le vignoble a été repensé, replanté selon des techniques et des méthodes qui ont toujours cours.
Avant la crise, en effet, les vignes poussent de façon dispersée : plantées plus densément, elles sont en foule c’est à dire qu’elles ne sont pas palissées comme aujourd’hui. La vigne en rangs s’imposera à cette époque.
Même si le monde agricole en sort traumatisé, l’après-crise du Phylloxéra apparaît comme le point de départ de la viticulture moderne. Si les vignobles aujourd’hui sont moins étendus, les récoltes sont de qualité.
Une exposition incontournable pour qui s’intéresse à l’histoire de la vigne et aux paysages viticoles.
François
scénographie de l’expo « Phylloxéra, une épopée humaine et scientifique » : Galerie MR, design graphique Audrey Sedano