Il est souvent question de temps long quand on évoque la vie du vigneron, entre le rythme des saisons et les années à attendre qu’un jeune plant de vigne daigne nous offrir du raisin à récolter…
Que dire alors du temps nécessaire à un chêne liège pour atteindre l’âge de donner : 25 ans ! On ne plante pas pour soi, mais pour la génération qui suit. Quelqu’un a planté pour nous ! et nous on plante pour une autre génération ! nous confie Antonio Amorim patron du groupe éponyme portugais Amorim Cork, premier producteur mondial de bouchons en liège.
Une exploitation de chêne-liège ne peut s’envisager que sur trois générations…Sans compter qu’on ne va avoir que 4 ou 5 récoltes de liège par génération active à raison d’une récolte tous les 10 ans…
Ça calme !
Quelle leçon de vie pour tous les excités du rendement ! Des forêts de chêne liège ? On parle d’une surface mondiale de 2,2 millions d’hectares. 80% du liège produit dans le monde entier vient du Portugal et de l’Espagne.

Le bilan c’est 5% d’émissions pour 95% de rétention. Avec le liège vous avez les deux choses : la production et la captation. Un monde idéal en somme.
Et une aubaine pour les vignerons qui se doivent se pencher sur leur bilan carbone…
Effacer la bouteille en verre
Chaque kilo de liège produit contient 73kg de CO2. A l’échelle d’un bouchon entre 350 et 400 grammes, 500 grammes même pour un bouchon de champagne.

Alors on envisage toutes sortes de solutions pour résoudre ce problème : réduire l’épaisseur de la bouteille, passer en PET, en Bag in Box en Tetra Pack…
Mais le mariage entre le bouchon de liège et la bouteille de verre donne un contribution zéro au bilan carbone d’une bouteille de vin ! Au passage un argument de poids pour tailler des croupières aux bouchons plastiques issus de la pétrochimie et aux capsules à vis d’origine minérale…
Un bouchon qui revient de loin
Entre 2000 et 2009, le liège a perdu un tiers de ses parts de marché, au début face aux bouchons plastiques, puis face aux capsules à vis. déclarait à la RVF Antonio Amorim. En cause les défauts du bouchon de liège et notamment les effets du TeCA et du TCA, le trichloroanisole, cette molécule de chlore qui peut provenir des écorces d’arbres pollués par des insecticides, de l’air ou de produits chlorés utilisés dans les chais (source IFV), qui peut se mélanger aux phénols du vin et donner le fameux goût de bouchon.

Aujourd’hui on peut dire que ce n’est plus un problème. On regagne chaque année des parts de marché au détriment des produits de substitution.
A partir de 2010, en effet, le liège a chaque année regagné des parts de marché face à ses concurrents, en particulier les bouchons plastiques. Mais entretemps la capsule à vis a aussi engrangé des parts de marché. C’est là que va être la compétition. Et pourtant le bilan carbone d’une capsule à vis augmente le bilan carbone d’une bouteille…
Antonio Amorim reste confiant : il y a aussi une question de cohérence. On ne va pas mettre un bouchon en plastique sur une bouteille bio !
Un bouchon qui tourne en rond ?
Le bouchon peut être à l’origine d’une économie circulaire grâce au recyclage. On recycle chez nous 240 millions de bouchons par an. C’est rien quand on produit 26 millions de bouchons par jour ! Voilà clairement un point à travailler. Quelles pistes ? La collecte est évidemment l’un des écueils. On a passé des accords avec des groupes hôteliers et on récupère tous les bouchons de leurs bouteilles qui ont été ouvertes en Europe.

Mais on n’ira pas récupérer nos bouchons aux Etats-Unis !
François
Image à la Une : ©Amorim Cork
Cet article est issu d’une Keynote animée par Julie Reux lors de la Winetech de WineParis 2023.
