Il va manquer cette année quelques centaines de millions d’euros au secteur des vins et spiritueux. La faute à qui ? On ne citera personne mais tous les regards savent vers qui se tourner…
Selon les Vignerons Indépendants de France, quelques 3600 caves particulières seront touchées par ces nouveaux droits de douane.

C’est oublier les gros bataillons des domaines viticoles indépendants. Comme en Loire par exemple, à Savennières, en Layon, à Montlouis, à Sancerre ou en Muscadet, des dizaines de domaines qui exportent depuis 15 ou 20 ans aux États Unis, parfois plus. Ils ne tarissent pas d’éloges sur les liens de fidélité avec les importateurs US, leur soif de découverte et leur fiabilité économique. Merci au marchand de vins californiens Kermit Lynch qui a ouvert l’accès des vins français aux papilles américaines. Il est l’auteur du best-seller « Mes aventures sur les routes du vin » le récit culte de son voyage à travers le vignoble français et ses incroyables rencontres vigneronnes des années 80.
Et ces dizaines de propriétés provençales qui mettent en avant avec une légitime fierté leurs efforts à l’export- souvent la moitié de leurs ventes – principalement aux Etats-Unis.
Comment vont-ils se rattraper ?
L’ŒNOTOURISME : UNE FIERTÉ NATIONALE

Au-delà de ces chiffres tape-à-l’œil, la politique française du tourisme viticole est une incontestable réussite. L’ancien ministre Hervé Novelli qui présida longtemps le Conseil supérieur de l’œnotourisme fut la cheville ouvrière du rapprochement, loin d’être évident, entre vins et territoires comme il l’exprime dans cette vidéo très édifiante.
L’œnotourisme a un impact direct sur la vente de vins, nul ne contestera cette affirmation, mais de là à rattraper les centaines de millions d’euros évaporés dans les surtaxes à l’export, il y a loin.
LA FIGHT DES PLATEFORMES NUMÉRIQUES

Lancées il y a une dizaine d’années, ces plateformes ont l’immense mérite d’avoir freiné l’hégémonie de Booking et TripAdvisor sur le marché des séjours œnologiques. Réjouissons-nous que les commissions versées restent en France.
Rencontré à Porto, lors des derniers World Travel Awards, le jeune trentenaire Nicolas Manfredini nous avait dévoilé ses grandes ambitions : déploiement en Espagne, Italie, Portugal, lancement de cartes cadeaux « Vin & Dégustation ».

Y-a-t-il un impact sur la vente de vin ? Des chiffres non vérifiables circulent sur les achats au caveau, 50 à 75% des visiteurs choisiraient d’acheter du vin lors de leur visite. Est-ce si important ?
L’offre oenotouristique des domaines propose une multitude d’expériences – dégustation verticale, initiation à l’œnologie, accords mets-vins- dont la facturation équivaut ou dépasse souvent la vente de cartons de vins.
Ces plateformes numériques ont apporté une vraie valeur ajoutée au secteur. Par un gros travail de pédagogie, par le conseil et le renforcement des équipes d’accueil, elles ont relevé la qualité de l’offre des domaines et châteaux en les alignant sur les standards premiums anglo-saxons, répondant ainsi aux attentes exigeantes d’une clientèle internationale. Les derniers récalcitrants, ceux qui voulaient se débrouiller tout seuls, ont vu que les « no-show » au domaine ou les beuveries au caveau pouvaient coûter très cher.
Ils ont fini par rejoindre la grande famille des vignerons labellisés Vignobles & Découvertes.
L’ŒNOTOURISME DANS LE RÉTROVISEUR
Depuis 2014 pas moins de 250 articles furent publiés dans Génération Vignerons sur des sujets ayant trait, de près ou de loin, à l’œnotourisme français et international. S’il serait présomptueux de vouloir en tirer quelques leçons, il n’empêche que Audrey, Caroline, Christelle, François, Marc, Christophe, Jean-Luc, moi-même, avons vécu cette même expérience sans cesse renouvelée du partage vigneron, ce moment unique où l’on entrechoque nos verres avec celui ou celle qui nous accueille et qui nous dit : Alors, on goûte ? dans l’attente d’un signe de satisfaction, d’un sourire sincère, qui sera la récompense pour tant d’efforts consacrés à faire du bon vin.

L’équilibre a été difficile à trouver entre deux métiers a priori difficilement compatibles : vigneron et manager touristique. Faut-il investir dans une flotte de gyropodes, de 2CV, ou dans des amphores de vinification ? L’excellence oenotouristique ne rime pas toujours avec l’excellence œnologique.
LE PHARE DU VILLAGE

Le Pays rural de Créon, dans l’Entre-deux-Mers bordelais connaît un renouveau de sympathie grâce au formidable rayonnement du château Le Grand Verdus (famille Le Grix de la Salle), multimédaillé en trophées d’œnotourisme.
L’ART DANS LES VIGNOBLES

Me revient en mémoire le festival Les Arts par Nature du domaine du Prieuré La Chaume en Vendée. Le vigneron Christian Chabirand et la chorégraphe Sylvie Saint-Cyr ont eu la magnifique intuition d’associer la production de vins bio à ce festival. La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO 85) et l’Orchestre National des Pays de la Loire (ONPL) ont répondu présents pour des concerts, des conférences, des dîners dégustations, des expos de peinture, des résidence d’artistes, des remises sur les vins etc. Une offre festivalière qui accueille chaque été plusieurs milliers de visiteurs, locaux et nationaux. Sont-ils pour autant comptabilisés comme des oenotouristes ?

De nombreux mécènes ont contribué à la réalisation de ce projet, Génération Vignerons en fait partie. Aujourd’hui le vignoble et le chai se visitent, le vin se déguste et s’achète. Combien d’oenotouristes parmi les visiteurs du château ?
Connaissez-vous l’œnotourisme d’affaire ?

Tous ne se déplacent pas, mais pour avoir assisté à l’AG de Marc Plouzeau à Chinon, je peux confirmer que les coffres de voitures étaient bien chargés en cartons ; normal car le dividende est payé en bouteille !
Tous ces « oenotouristes » cités sont-ils comptés dans les 12 millions d’individus revendiqués par AtoutFrance ? Comme souvent, les politiques et les technocrates aiment les chiffres ronds et à la louche, pourvu qu’ils soient en croissance.
LA MÉDAILLE A SON REVERS
Une sorte de discrédit planerait aujourd’hui sur l’œnotourisme. Ne sentez-vous pas que le mot a perdu un peu de son rayonnement ? Déguster et acheter le vin, n’est-ce pas un peu à contre-courant de l’air ambiant ? Quelques images clichés ont fait leur apparition. C’est le surtourisme bordelais alimenté par ces milliers de croisiéristes et sa flopée de bus et de vans sillonnant le plat pays médocain. Ou ces hôtels de luxe, Spa 5 étoiles et chefs dédiés qui fleurissent dans le morne paysage viticole languedocien. Bien sûr, les « expériences œnologiques » heureuses sont toujours majoritaires, mais le centre de gravité de l’œnotourisme s’est déplacé, semble-t-il.

Des milliers d’évènements se déroulent partout dans l’Hexagone (fêtes du vin, portes ouvertes, salons bio, millésimes, anniversaires, clubs, le temps des copains, percées, paulées, vignes-vins-randos, vendanges d’un jour, festivals, Salons Aux Vignobles organisés partout en France par le leader de l’événementiel GL Events, etc) incarnant cette envie de partage, d’échange et ce besoin de se retrouver propre à l’identité vigneronne.
VERS L’AGRITOURISME
Le vin vous savez, on n’y connaît rien ! Ce manque ressenti par des millions de Français fut le socle fondateur d’une nouvelle curiosité pour les vignobles et les vignerons, les cours d’œnologie ou les dégustations chez le caviste. Aujourd’hui Les Français s’y connaissent (un peu) plus en vin. Mais une nouvelle attente fait jour dans les familles citadines. Plus qu’une attente il s’agit d’une inquiétude et même d’un désarroi portant sur le bien manger. A l’heure où le bio bat de l’aile, les ruraux et leurs productions agricoles cristallisent les espoirs des « gens de la ville » pour une alimentation plus saine et pour un tourisme plus durable.
Le consultant et ami Marc Jonas nous livre ici son regard prospectif :

L’agritourisme est de la « production humaine d’existence » nous dit l’essayiste américain Murray Bookchin, ce que les industriels du tourisme appellent de l’expérience. Il serait préférable de dire « installer des opportunités de relation » qui dépassent l’humain : c’est rencontrer aussi le non-humain soit le paysage, les plantes, les animaux … le vivant dont la société rurale fait partie. Ces espaces ruraux « ordinaires » sont les sujets potentiels d’un agritourisme alternatif, dont l’œnotourisme est l’une de ses variantes. Extraits de son livre « Repenser le tourisme rural : de l’œnotourisme à l’agritourisme » à paraître aux Éditions Bréal en septembre 2025.
Jean-Philippe
Image à la Une : ©Pierre Le Targat-Destination-Angers.jpg
Bonjour Jean Philippe,
Je trouve ton titre provocateur ou un brin racoleur, par rapport au contenu beaucoup plus proche de la réalité et de la demande actuelle.
Le vignerons sont loin de s’endormir sur leurs lauriers ils continuent d’innover pour accueillir plus d’oenotouristes…
JM Monnier
Professeur INNTO – ESTHUA université d’Angers responsable de la Licence professionnelle oenotourisme