Bordeaux est à la manœuvre en ce début d’été 2022, après deux années d’abstinence oenotouristique qui ont fait du bien à la nature et du mal aux portefeuilles.

On parle d’un million de visiteurs supplémentaires cet été sur les routes encombrées du Médoc.
Très mauvais pour le bilan carbone, pas bon pour la transition écologique.
UN GUIDE DE PLUS
La sortie de Bordeaux Route 1855 (Flammarion, 256 pages) un ouvrage luxueux qui recense les activités oenotouristiques des Grands Crus Classés a fait tourner les têtes. Ce guide promotionnel publié par le Conseil des Grands Crus Classés en 1855 croule sous une avalanche de superlatifs et commentaires dithyrambiques. Stéphane Bern, recruté pour rédiger la préface s’emballe : « chaque bouteille, chaque étiquette, sont comme autant d’invitations au voyage, à embarquer à destination de Bordeaux. » N’en jetez plus la coupe est pleine !

ŒNOTOURISME DURABLE OU ECO-RESPONSABLE ?
Tout n’est pas bling-bling dans l’œnotourisme bordelais, loin s’en faut. Alors sortons de la cohorte de vans Mercedes qui soulèvent la poussière dans un océan de vignes assoiffées. Direction Est, dans l’arrière-pays bordelais, là où se construit le renouveau du vignoble dans la fraîcheur de ses paysages boisés et vallonnés, irrigués de petites rivières et parsemés de mille châteaux : l’Entre-deux-Mers.
Recommandé par RuedesVignerons, le château Le grand Verdus, à Sadirac est un bel exemple de cette viticulture bordelaise qui s’adapte, qui lutte pour sa survie, celle des deux AOC malades : Bordeaux et Bordeaux Supérieur. Certains diront que le nom Le Grix de La Salle ouvre des porte, certes. Il n’empêche que les deux frères co-gérants Thomas et Édouard sont obligés d’innover tout azimut pour maintenir à flot ce gros paquebot viticole de 110 ha, secoué par les crises économiques et climatiques.
La gentilhommière fortifiée du XVIème siècle, classée aux MH a résisté à pire.

L’œnotourisme est éco-responsable au Grand Verdus. N’oubliez pas en partant d’enfourner quelques cartons dans le coffre, c’est bon, c’est bien fait et vous prolongerez le souvenir d’une belle rencontre.
L’ŒNOTOURISME, UNE ROUE DE SECOURS
L’œnotourisme, c’est un peu la potion magique, voyez-vous. Il apporte des revenus supplémentaires aux vignerons quand le vin se vend mal, me dit-on en off. C’est ça où l’arrachage. Les exemples sont nombreux en Loire et dans le Sud-Ouest notamment où les domaines ont pu se maintenir à flot grâce aux chambres d’hôtes et aux activités réceptives.
De là à vouloir transformer le vigneron en animateur de tourisme rural, un pas que les politiques et les institutions seraient prêts à leur faire franchir.
Pour beaucoup de vignerons l’exigence du métier avec l’amoncellement des contraintes, les certifications agro-environnementales ne sont tout simplement pas compatibles avec les normes toujours plus complexes, toujours plus nombreuses du tourisme rural. Faut-il amener le vigneron à faire un choix schizophrénique entre la qualité du vin où le qualité de l’accueil ?
LES RENCONTRES AUTHENTIQUES

Voilà peut-être un tableau idéalisé, mais il faut garder en tête que le vigneron que vous avez envie de connaître, celui dont votre caviste – caviste du coin ou caviste en ligne- dit tant de bien, celui-là est un courant d’air qu’on ne peut retenir. Passent dans ma tête tellement d’images de rencontres abrégées : Désolé, je n’ai pas le temps, voyez avec Céline… Ah ! Vous connaissez Mickaël aux Bouteilles (à Nantes), tu le salues de ma part, désolé il faut que j’y aille ! Le meilleur cadeau qu’il puisse vous faire, c’est de produire un vin qui goûte bien, un vin sain, loyal et marchand. Il aura sué sang et eau, surmonté les mille et une difficultés du moment (gel, grêle, sécheresse, confinement, manque de main d’œuvre, trésorerie en berne, etc) pour voir votre visage s’éclairer de satisfaction. Sa récompense ? Votre confiance au moment de la commande.
LES PHILOSOPHES EN RENFORT

Il s’adressait aux 91 domaines présents, représentant le Grand Anjou réconcilié : Vous viticulteurs, vous êtes à l’avant-garde de la modernité, à l’avant-garde des transitions nécessaires pour l’agriculture de demain. Mon apport est simple : c’est la nécessité de raconter une histoire. Il y a ici une histoire et une géographie, c’est sur ce tissage que chacun doit travailler.
Et l’académicien de s’étonner que l’enfant du pays récemment décédé Jacques Puisais, œnologue réputé ne soit pas célébré partout ici en Val de Loire. Le philosophe créateur de l’Institut du Goût est reconnu dans le monde entier et notamment au Japon où il était adulé et considéré comme un « trésor vivant ». L’œnotourisme culturel a quelque chose d’entrainant qui redonne le goût de la découverte.
Jean Philippe
Photo à la Une : Domaine le Grand Verdus, Thomas Le Grix de la Salle
