Dégustation au verre noir

Il y a quelque chose de fascinant dans le verre noir, le nom certainement qui évoque comme la lumière noire l’invisible, l’indicible dans un monde où la transparence fait loi.

Disons-le, c’est un bel objet de décoration, utile dans la cuisine, sans oublier sa fonction première : un outil de travail pour les amateurs œnophiles et les professionnels de la dégustation.

Un outil recommandé par Jacky Rigaux l’auteur de la dégustation géo-sensorielle qui privilégie le toucher de bouche, la texture, la consistance, la souplesse, la viscosité, la minéralité.

Là où le ressenti profond n’est pas perturbé par l’œil.

Justement nous étions conviés ce soir-là par le club œnologique Vertivin– celui que la France entière nous envie- à une dégustation au verre noir.

du blanc, du rouge, et autres petites fantaisies

Le maître de cérémonie nous avait concocté un petit jeu alléchant dont le lecteur pourra s’inspirer pour mettre du piment dans ses dégustations habituelles.

Les tannins trompent assez rarement, on trouve facilement la différence entre les rouges et les blancs.

Pour corser un peu l’affaire, la dégustation portera sur des vins doux naturels ou des mistelles qui seront ambrés (vin blanc tirant sur le rose bruni) ou tuilés (vin rouge virant au rose-orangé).

 

Comment voulez-vous distinguer la couleur en recrachant !

Huit vins drastiquement sélectionnés furent passés à l’examen de nos papilles.

Des vins dégustés deux fois : la première, à l’aveugle dans le verre noir, la deuxième dans le verre habituel, bouteille découverte.

A l’issue de la première dégustation, il fallait deviner la couleur. La deuxième dégustation « à visage découvert » faisait appel à la mémoire gustative immédiate pour tenter d’identifier les vins.

Exercice de haute volée, autant vous dire que les « sans faute » se firent plutôt rares.

 

D’où vient que nous sommes perturbés ?

Cette remarque d’un participant exprime bien l’inconfort dans lequel nous étions plongés et combien l’œil est essentiel pour former notre jugement et notre goût.

Petit verbatim capté chez mes voisins de dégustation :

« Un pineau ? Mais y a les deux couleurs en pineau ! »

« De la pâte à crêpes, du froment »

« Du linge qui a mal séché » nous dit l’ami poète.

« Raisins macérés, je mettrai bien ça dans une glace »

« Tabac ? »

« Salade au lard fumé avec des petits pois » Allez, on se concentre.

« Y a-t-il un madère dans la salle ? »

« Retour de tanin, le précédent était tenace ».

« Un dessert à lui tout seul ».

dur dur la dégust !

Alors enchaîner maury, rivesaltes grenat, rivesaltes 1998, rancy 1992, porto blanc, porto LBV, banyuls, cartagène – aller et retour, s’il vous plaît !- relève de l’épreuve physique. La bouche est saturée de sucrosité mais la mémoire est gravée au burin.

Ah ! J’ai reconnu le Banuyls rimage du domaine de la Rectorie, c’est celui que je sirotais sur le front de mer en fin de journée ; son grenache noir, comme un verre noir, est ma petite madeleine.

Jean Philippe

 

 

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

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