Je participe à une expédition à Vaunoise dans l’Orne, haut lieu de production du vin percheron au Moyen-Age. Il s’agit de retrouver des traces des vignes cultivées. La matrice cadastrale signale 24 parcelles dont le nom est directement lié à l’activité viticole, la Vigne Rouge, la Vigne Chatin, le Champ de la Vigne, la Petite Vigne du Tertre… Elles étaient déjà signalées dans le chartrier du Prieuré de Saint-Martin du Vieux-Bellème.

Et le vin du Clos de Vaunoise faisait partie des vins les plus réputés de la région…
Peine perdue, de pâtures en prairies, de clairières en sous-bois, les pieds de vigne se sont transformés en taillis à l’orée d’une forêt…
Retour en arrière :
Importée par les Romains pendant l’Antiquité, la viticulture ne se développe en Normandie vraiment qu’au XIe siècle. Elle accompagne la diffusion du christianisme et pratiquement à chaque abbaye est adossé son vignoble. Au Moyen-Age la Normandie est donc une région qui produit du vin en quantité. La vallée de la Seine près de Vernon, les côteaux d’Argences et l’Avranchin accueillent les plus grands vignobles de Normandie car les mieux exposés. Des barriques s’exportent même en Angleterre.
Le gouais est le cépage dominant. Importé sans doute depuis la Croatie, il présente l’avantage d’être robuste, résistant aux gelées printanières, il est aussi fertile. Mais il produit un vin blanc bien médiocre, peu alcoolique. Sa principale qualité c’est de fournir le volume dans un assemblage. On trouve aussi le pinot meunier et aussi le pinot noir cultivé près du Mont Saint Michel.
Le gouais qui est aujourd’hui interdit de culture est à l’origine -par croisement naturel avec le pinot noir- du chardonnay ainsi que d’autres cépages comme le gamay, le romorantin, le melon de Bourgogne, le riesling…
Le vin de Quatre Hommes, vous connaissez ?
- Un pour le boire,
- Un pour le faire boire,
- Et deux pour le tenir…
On comprend qu’à cette époque existait déjà une exigence de qualité à laquelle les vins de Normandie -et plus précisément ceux de l’Avranchin- ne répondaient pas toujours…Doux euphémisme ! Plus direct, Henri IV ne disait-il pas Comment d’aussi bon raisin fit d’aussi mauvais vin ? C’est d’ailleurs avec lui qu’a commencé le déclin de cette région viticole…
Histoire d’une descente aux enfers

Dommage collatéral

Si la conquête du duché par le roi de France Philippe Auguste, en 1204, débarrasse la Normandie de cette concurrence, elle se retrouve inondée cette fois par les vins d’Île-de-France et de Bourgogne qui profitent de l’ouverture des routes et des voies fluviales.
Mais un petit village résiste…
C’est dans le Calvados. C’est à côté de Saint Pierre des Dives. De l’époque médiévale à la fin du XVIIIe siècle, déjà un vignoble y prospéra. Les anciens, avec leur sens inné de la nature, ont appelé ce site idéalement exposé Le Soleil . Un passionné l’a repris en 1995 : Tout le monde connait Gérard Samson un vigneron passionné présent sur presque tous les salons français. Vous l’avez sans doute rencontré.
Les Arpents du Soleil bénéficient d’un microclimat très sec, moins de 600 mm, et 25 jours de moins de pluie par an qu’à Caen distant de seulement 25km à vol d’oiseau ! Le vignoble bénéficie à l’automne d’une surmaturation des raisins sans risque de pourriture.
Ajoutez à celà un coteau orienté au Sud et un sol digne des plus grands crus vous avez l’explication du succès de ce domaine atypique : mine de rien, les Arpents du Soleil en sont à leur 16ème sélection au guide Hachette ! la fierté de la Normandie viticole !
Et cette histoire n’est pas terminée !
Oui, la région n’a pas dit son dernier mot. Elle est en embuscade, cachée derrière le réchauffement climatique qui doit nous apporter 2,4 degrés supplémentaires en 2080 ! Alors elle va avoir de bonnes raisons de replanter.
C’est ce qu’a parié Ludovic Messiers, vigneron et patron d’une marque de champagne : faire pousser sur les falaises d’Etretat, à deux pas de la mer et à flanc de coteau plus de 200 pieds de vigne.Le vigneron pense pouvoir produire un vin effervescent. Le terrain, une terre crayeuse, lui a été prêté par la ville et les premières grappes sont attendues pour 2020.
Une autre expérience se prépare aussi à Evreux sur la colline calcaire de Saint Michel en lieu et place de l’ancien vignoble…
Oui, la Normandie fourbit ses armes…
François



bravo pour votre reportage
Merci et bravo à vous pour votre initiative !
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