Destination européenne très prisée, le Portugal est un pays de contrastes, bordé du côté oriental par la frontière espagnole et vers l’ouest par l’océan Atlantique, et dont le climat en partie maritime exerce une grande influence sur ses régions vinicoles et son agriculture en général.
Je vous invite à parcourir deux étonnantes régions vinicoles circonscrites autour de Lisbonne où j’ai atterri un jour d’octobre. Malgré quelques aléas pluvieux dus à la queue de l’ouragan Milton, d’après le dire de mon guide portugais, le ciel était particulièrement ensoleillé sous une chaleur idéalement tempérée.
Dès mon arrivée à Lisbonne, quel plaisir de longer le majestueux fleuve Tage pour atteindre le quartier historique Alfama où je choisis de me nicher, tout à côté des rails du patrimonial Tram 28 qui se pavane autour du centre-ville ! Depuis le malheureux incident du funiculaire survenu en septembre dernier, les responsables du transport de la ville ont lancé une série d’inspection et de révision pour les trois autres funiculaires et également pour les trams, afin d’assurer dans le futur de meilleures conditions de sécurité et de protection des passagers.
Pendant trois jours à pas d’observatrice accompagnée de mon guide, j’arpente le cœur névralgique de la capitale fourmillant d’endroits à découvrir entre les venelles de ses quartiers populaires ou bourgeois, son architecture bigarrée mais historiquement inspirante, ses églises vouées à tous les saints, ses musées de tous genres, et surtout son atmosphère grouillante où se croisent avec bonne humeur locaux et touristes.
Au fil des jours, défilent de réjouissantes scènes de rues dans les quartiers d’Alfama, Baixa, Baixa Alto vers les beautés excentrées de Belem, Sintra, Cascais et Nazaré. Puis, à l’heure apéritive les nombreuses terrasses lisboètes demeurent invitantes pour y déguster un vin du pays, avant de clore la journée par une excursion en voilier pour admirer le soleil couchant sur Lisbonne.
Autour de Lisbonne
Hors des sentiers battus touristiques, je suis avide de découvrir les pourtours vinicoles de Lisbonne. En optant pour une demi-journée et sous réservation préalable, un aimable chauffeur vient me quérir à mon logis situé près des quais de la ville.
À l’instar d’un film chiquement bourgeois, je monte dans le confort d’une élégante voiture noire qui me mène vers la région d’Alenquer, à 50 km au nord de Lisbonne. J’ignore à quoi m’attendre au fil de la découverte de paysages dans un environnement bucolique. Arrivée à destination, je suis impressionnée de découvrir le mini village d’Aldeia Galega da Merceana où s’y plaisent 94 habitants.
Dans ce lieu-dit intime loge Cas’Amaro, projet oenotouristique né en janvier 2016, regroupant restaurant, hôtel-boutique et vignoble certifié biologique.
Midi sonne et avec empathie, le directeur général Rui Costa me convie dans la salle à manger du resto dont l’espace rénové dans les règles de l’art fut le siège d’une ancienne distillerie. Les plats gastronomiques aux saveurs portugaises traditionnelles avec présentation moderne défilent au rythme des vins de la propriété, tous certifiés biologiques et produits uniquement avec des cépages autochtones. Que ce soient des blancs, rosés ou rouges, la fraîcheur des vins ayant subi peu d’interventions prédomine.
L’expérience œnogastronomique est concluante avec le menu suivant qu’on peut partager à la façon de petitcos (sorte de tapas portugais). Ici règne sans prétention une cuisine authentique et très savoureuse. Le talent du jeune chef Duarte Margal est méritoire, car à peine sorti de son institut culinaire, ce dernier performe tout autant que les jeunes préposés au service qui sont natifs des environs. C’est ainsi que la philosophie de la maison favorise l’esprit communautaire tissé serré entre locaux.
Pour accompagner chacun des plats, cinq vins de la maison sous les étiquettes Falatório et Pio sont d’une grande fraîcheur et tous certifiés bio. Une remarquable signature Cas’Amaro à travers une philosophie prônant un grand respect de la nature et du terroir et un savoir-faire inégalé.
À cinq minutes du resto, au cœur des vignobles, mon hôte Rui entrebâille les portes du luxueux gîte campagnard Cas’Amaro pourvu de trois chambres à coucher. Très invitant avec toutes les commodités, incluant des services gastronomiques sur mesure, une cave à vin, et une piscine attenant à un jardin où le confort et le bon goût s’amalgament avec la promesse de doux moments de farniente.
Quinta do Pinto
Puis à quelques km de ce mini-hôtel boutique, une visite planifiée chez Quinta do Pinto nous introduit sur une propriété datant du 18e siècle de 120 ha incluant 60 ha de vignoble. Dans ce manoir qui appartient à une famille noble, le vinificateur Pedro Maia m’invite à déguster six vins blancs et rouges structurés. Les nectars sélectionnés sont élaborés avec des cépages internationaux et locaux dont la certification biologique sera officialisée en 2026.
L’utilisation de cuves en ciment semble très efficace car elle octroie de la fraîcheur aux vins. L’entrée de gamme Lasso, les vins signés Anjo pour l’exportation, et quatre différentes classes de vins Quinta do Pinto contribuent au portfolio de ce domaine au registre plutôt classique.
Depuis cette année, séjour, repas et dégustation sont offerts sur demande aux visiteurs.
De retour à Lisbonne, je sens mes papilles bien repues et l’esprit réjoui après plus de six heures de belles découvertes autour des vignobles lisboètes.
À la découverte de l’Alentejo
À peine à une heure trente au sud de Lisbonne et nichée entre l’Espagne et l’Atlantique, l’Alentejo est une région fertile tant agricole que vinicole. Au départ de Lisbonne accompagnée de mon guide, le parcours se déroule sur une route lisse et agréable, si loin de nos nids de poule.
Ici et là se profilent de proéminentes collines aux forêts de chênes lièges, des champs d’oliviers à proximité de vestiges millénaires où abondent dolmens et menhirs et dont la route vers l’ouest nous mène jusqu’à la côte étalée de plages sablonneuses.
Au cœur de l’Alentejo, Évora est une jolie petite bourgade entourée de murailles romaines dont le centre historique exceptionnel a été reconnu en 1986 patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Pas à pas à travers ses ruelles, aucun ressenti de pression touristique, mais plutôt cette envie de farniente autour des colonnes d’un temple romain, d’églises historiques ou de terrasses conviviales pour y déguster un vin de la région.
La renaissance de l’amphore
En Alentejo où la vigne a presque supplanté la culture du blé, on assiste à un phénomène inusité, celui de la renaissance de l’amphore utilisée ici depuis déjà plus de 2000 ans.

Tout au contraire, car elle est devenue emblématique avec la création en 2012 de son appellation Vinho de Tahla dont la règlementation exige que la fermentation se déroule uniquement en jarre d’argile.
Bien que ce savoir-faire œnologique soit plus coûteux que le vieillissement en fûts, il confère au vin plus de fraîcheur et très peu d’acidité avec un faible degré d’alcool. Ainsi, son utilisation pourrait-elle être une solution aux changements climatiques dont l’accumulation de chaleur excessive fait bondir le degré d’alcool des raisins ?
L’amphore sied très bien aux vins de culture biologique, biodynamique, ou nature. À l’instar de l’Arménie et de la Géorgie, le Portugal est réputé pour ce type particulier de production. Voici l’exemple de deux domaines qui poursuivent cette tradition datant de l’époque romaine.
Fitapreta
À 10 km du centre d’Évora, une première étape m’amène à rencontrer dans leur magnifique palais restauré, le Paço Morgado de Oliveira, datant du 14e siècle, un couple très fusionnel, Antonio Maçanita et son épouse Alexandra Leroy d’origine française me souhaitant tous deux la bienvenue dans la langue de Molière.
Considéré comme chef de file et pionnier sur la recherche génétique des cépages et la restructuration des vignobles, Antonio a fait évoluer la viniculture dans l’Alentejo si bien que son domaine Fitapreta fut honoré « Winery de l’Année 2018 et Producteur de l’année 2020 ». Ce passionné a à cœur autant la renaissance des cépages oubliés que le bien-être de la terre et celui de son personnel qui y œuvre.
Tous les cépages utilisés sont d’origine locale, cultivés en bio et sans irrigation, et malgré la chaleur estivale, les vignes sont protégées puisqu’elles sont toujours riveraines d’une source d’eau naturelle pour éviter leur déshydratation.
Antonio m’explique comment se déroule la vinification en amphore : La pratique de fermentation la plus ancienne retirait la peau des raisins. Donc, après avoir pressé les baies, le jus est ensuite déposé en amphore. On ne transforme pas beaucoup la matière première, car la fermentation sans ajout de soufre est spontanée mais longue (trois à cinq mois), ce qui confère une belle complexité. On utilise la deuxième presse mais la troisième presse est de loin la meilleure. Notre première cuvée en amphore remonte à 2010 et le vieillissement se déroule très bien. D’après les registres archéologiques, il est démontré que c’était une œnologie assez sophistiquée.
Dans une magnifique salle au design moderne et aéré, on m’invite à déguster quelques quilles signées Maçanita.
Fita de Fitapreta 2020 : Rouge de culture biologique bien équilibré et bel assemblage qui démontre le savoir-faire inégalé de ce jeune domaine aux mains d’Antonio Maçanita. Très agréable à boire avec sa corbeille fruitée enveloppée d’épices où l’on ne sent pas le bois et sa finale est d’une remarquable fraîcheur.
Herdade do Rocim
À 55 km au sud d’Évora sur la route nationale 387, le prochain arrêt m’amène entre Vidigueira et Cuba où en l’an 2000, Pedro et Catarina ont acquis 70 ha de vignoble sur une propriété de 120 ha. Leur objectif premier était de restructurer ce territoire quelque peu abandonné et de s’adonner à l’implantation de nouvelles vignes.
Malgré un climat chaud et sec adouci par les brises de l’Atlantique, ces passionnés de la vigne ont réussi leur pari en créant un domaine au design très avant-gardiste pour offrir des vins d’une éclatante fraîcheur dont la plupart sont certifiés biologiques. Élu Meilleur domaine viticole au Portugal en 2009, Rocim est lauréat de nombreuses récompenses annuellement.
Vieillis en fûts, en terracotta ou en amphore avec très peu d’interventions, la gamme de leurs vins offre élégance et minéralité. Pourquoi ce domaine est-il qualifié de royaume des amphores ? Rocim est pionnier dont la renommée est celle d’avoir ravivé cette tradition millénaire avec beaucoup de succès en adoptant l’amphore avec une très large gamme de styles, relate David Rego, directeur export chez Rocim. Puis, en créant le Festival annuel de la Journée du vin d’amphore, notre réputation de protecteur de cette tradition prend de plus en plus d’ampleur chaque année.
Chez Rocim, les différentes étapes utilisées pour la fermentation en amphore suivent un protocole légal établi par le Comité régional. Les vins doivent fermenter dans l’amphore d’argile (Talhas) avec contact sur peaux et levures indigènes suivant le même processus pour les vins blancs et rouges.
En terminant notre discussion, je demande à David si l’utilisation de l’amphore est une mode ou un mode de fermentation qui va perdurer ? En effet, c’est un sujet toujours très discuté lors de notre Festival. Mais il est important de souligner que ce savoir-faire a débuté il y a 2000 ans et qu’aujourd’hui, il gagne en popularité.
Ainsi se termine ma courte virée dans les vignobles lisboètes et d’Alentejo. Il reste tant à découvrir à travers ce magnifique Portugal et son peuple si empathique.
En filant vers le sud direction Algarve, réputée pour ses abruptes et émouvantes falaises, je découvrirai au cours de nombreuses randonnées des paysages marins qui ont du caractère et dont les rives sont circonscrites d’une nature encore sauvage.
Janine
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Photo à la Une : © Alexey Fedorenko Shutterstock
les photos de l’article et des diaporamas sont de Janine Saine
L’article original a été publié sur toutsurlevin.ca




































