Prenons des petites routes de campagne sinueuses… Vous ne croisez personne. La route monte sur des collines culminant à quelques centaines de mètres. Votre regard se porte au loin sur la nature à 360 degrés. Des forêts, des prairies, des chevaux aux airs détendus, des bosquets, des fleurs à profusion et au loin des plaines à perte de vue. Ecoutez ! Aucun autre bruit… à part le vent qui s’engouffre dans les feuillages pour compléter le chant des oiseaux et le cri de quelques rapaces. Et là, des coteaux de vignes apparaissent à la sortie d’un hameau de quelques maisons authentiques.
Vous êtes à Saint-Sornin, un vignoble dont la tradition remonterait au 17ème siècle, situé sur la vallée de la Tardoire à proximité de la célèbre ville de La Rochefoucauld connue pour son château majestueux aux airs de Chambord. Un vignoble dans cette région charentaise ? Oui, c’est tout à fait possible. Vous n’auriez jamais imaginé ce petit coin de paradis situé aux portes du Périgord, sur les premiers contreforts du Massif Central…
Voici donc les premières explications de ce dénivelé. Les coteaux s’alignent avec au loin la ville d’Angoulême. Les vignes dominent la Tardoire, rivière du sud-ouest et sous-affluent du fleuve de la Charente. Ce vignoble historique offre aux parcelles une très bonne exposition et peut d’ailleurs s’enorgueillir du seul droit sur le terroir viticole charentais de l’Indication Géographique Protégée Saint-Sornin.
vigneron sur des terres oubliées
Nous marchons dans les vignes avec Olivier Pucek, un nordiste venu s’installer ici. Ce vignoble historique s’est aujourd’hui réduit à peau de chagrin, faute d’une nouvelle génération de vignerons engagés et motivés pour prendre la relève.
Pourtant en 1879, il atteignait près de 470 ha. Aujourd’hui, il n’affiche que 55 ha. Prenez votre souffle car ça grimpe sur le coteau mais le clou du spectacle est au rendez-vous… un calme olympien avec cette vue dégagée, plus bas quelques chevaux se régalent d’herbe fraiche sur ces sols argileux à silex, conservant ainsi une belle humidité sous leurs sabots. Le coin de paradis d’Olivier.
Cette parcelle est plantée comme à l’époque des Bourguignons : 10 000 pieds à l’hectare. Cette densité donne de grands vins , ce que recherche Olivier. Impossible d’y faire circuler un tracteur tellement les rangs sont serrés. C’est aussi deux fois plus de travail manuel, mais c’est la seule manière pour obtenir la qualité imaginée.
vigneron le week-end
C’est un bonheur de travailler dans ces vignes pour Olivier, qui aime s’y ressourcer les weekends. Ces quelques hectares ont de quoi bien occuper la famille… Vigneron, c’est son hobby en plus de son métier. Et c’est plutôt réussi ! Cet ancien spécialiste du végétal a retrouvé l’amour de ses études grâce à la vigne. Olivier avait entamé des études scientifiques dans l’univers de la plante qu’il a abandonnées pour poursuivre des études d’urbanisme à Lille. Rapidement, il quitte le nord de la France pour Cognac et dirige aujourd’hui l’office HLM départemental de Charente.
Cette passion débordante du week-end est un moyen de se ressourcer. Il a embarqué avec lui sa compagne Amélie qui s’est découvert au passage une passion pour le vin et a affiné son palais de dégustatrice. Travaux à la vigne et au chai, sélection et assemblage des cuvées, animation de salons de dégustation aux quatre coins de la France, la famille vit une aventure d’entrepreneur à ses heures perdues.
Olivier s’intéresse aux anciens cépages et aux cépages hybrides qu’il a d’ailleurs replantés (jurançon, vidal, seyve villard…). Parlons-en des cépages oubliés : serait-il temps de les revisiter dans notre contexte actuel de changement climatique ?
En France, il existe six cépages interdits pour la production et commercialisation de vins (clinton, noah, isabelle, herbemont, jaquez, othello) alors qu’ils sont autorisés au Canada donnant des vins appréciés sur ces terres outre Atlantique. Il serait intéressant d’observer le travail de ces passionnés de la vigne qui souhaitent expérimenter le retour de ces anciens cépages et voir l’évolution des qualités gustatives des jus obtenus.
des cépages maudits
Pourquoi étaient-ils interdits dans les années 1930 ? Ces cépages étaient accusés de tous les maux, laissant courir l’idée qu’ils rendraient fou et aveugle à cause de leur rejet supérieur de méthanol, un gaz réputé dangereux et attaquant le nerf optique.
Mais, n’oublions pas non plus que le pays traversait une crise économique, de la surproduction et la mise en place de systèmes d’appellation d’origine contrôlée…
D’après les retours de terrain, ces cépages n’ont pas besoin de traitements phytosanitaires grâce à leur forte résistance aux infections. Un sujet intéressant dans la révolution environnementale que nous connaissons.
des assemblages gouteux
Revenons sur les cépages autorisés et dégustons, fraichement sorties de cuves et barriques, quelques-unes des cuvées d’Olivier.
Un blanc frais, floral et fruité sur fond d’amande amère issu d’un assemblage de vidal, seyve villard et colombard, puis un jurançon juteux et fruité donnant une sensation de purée fraiche de cassis et de mûre en bouche avec une note légèrement poivrée. Le jurançon noir est peu connu sur nos tables. Pourtant, il a des origines ancestrales dans la région d’Agen, connu pour sa vigueur et sa rusticité donnant des vins vifs et fruités.
Ensuite, nous montons en gamme avec des vins à la belle densité en bouche, une matière veloutée apportée par l’assemblage de syrah à 45% et de gamay à 55% plantés à 10 000 pieds/ha. Nous poursuivons avec un pinot noir 100% arrondi par le fût, tapissant la bouche de ces notes vanillées sur fruits croquants et gourmands. Enfin, le bonheur de « croquer » à pleines dents un 100% hybride villard noir vient à point. A tester car il se révèle frais, fruité et juteux. Bref, le vin est agréable et gouleyant !
et vigneron des terrils
Olivier n’arrête pas les limites de son savoir-faire viticole… puisqu’il est à l’initiative du vignoble sur terril de charbon à Haillicourt, aboutissant à la cuvée unique Charbonnay évoquée dernièrement dans notre article Charbonnay le vin des terrils.
Vigneron hors des sentiers battus, sur des terres oubliées, voilà le portrait d’Olivier Pucek.
Où trouver ces vins ?
– au chai ! Sur rendez-vous,
– à la Maison Soulat à Saint-Sornin ou Angoulême,
– au Lieu du vin, chez Philippe CUQ à Paris,
– aux Vins d’Aurélien à Lille,
- à Autour d’un verre à Templeuve,
– à Mahatsa à Saint Pée sur Nivelle (région de Bayonne).
Une nouvelle adresse à Cognac
Vous pourrez aussi trouver les vins d’Olivier à la Maison des Vins Charentais, inaugurée en mai dernier, en plein coeur de la vieille ville à Cognac. à l’initiative du syndicat de l’Indication Géographique Protégée des vins charentais pour valoriser une autre facette des produits de Charente, hors spiritueux.
Les vins, issus de 1500 ha sont représentés aujourd’hui par une centaine de producteurs sur les deux départements, Charente et Charente maritime.
Vendus essentiellement localement, et peu connus des professionnels du vin (encore confidentiels?), vous y retrouverez les vins d’Olivier Pucek, reconnaissables aux étiquettes blanches et bleu marine.
Audrey