Umami la fête de la fermentation

Où imaginez-vous que l’on puisse fêter la fermentation comme on fête les moissons ou les vendanges ? Forcément à Nantes. Cette ville à la tradition écolo-anarchiste -le souvenir de Notre-Dame des Landes n’est jamais loin- voit fleurir les épiceries équitables, le vrac, les marchés des producteurs locaux, des maraîchers, des brasseurs, des vignerons. Ça grouille ici d’initiatives comme les lombrics en terre nourricière. Il y a eu le slow food, la Cantine du Voyage, les Tables de Nantes, les bouteilles recyclées, la Vigne numérique toutes menées avec plus ou moins de succès mais qu’importe c’est le projet qui compte et l’enthousiasme des néo-ruraux urbains, ou l’inverse.

TOUS À LA FERME URBAINE

Aujourd’hui, la fermentation ce bonheur pour nos papilles et notre microbiote, mobilise la créativité gustative et alimentaire.

Il leur fallait un événement, ce fut UMAMI #3 et un lieu pour accueillir le petit monde fermentaire. Non, pas encore la Cité des Congrès ou le Zénith, mais une scène improbable mi-musicale mi-agricole : l’Agronaute.

Il s’agit d’une ferme urbaine et récréative de 3500m2 en serres couvertes située à deux pas de la Loire et du nouveau CHU.

Le lieu est géré par l’association La Sauge dont l’objectif est de faire jardiner un maximum de monde. Jardiner permet de se connecter à la nature, de porter un regard différent sur sa consommation, de se rapprocher du rythme des saisons et des producteurs locaux, déclare à Ouest-France Antoine Devins, militant et co-fondateur. On leur souhaite un destin aussi glorieux que celui des Argonautes de la Mythologie.

SOIGNEZ VOTRE MICROBIOTE

Tu vois, le plus important c’est la lactofermentation. Esther et Ghita, les filles de Limoune commencent par m’embrouiller en me faisant visiter leur atelier de fermentation. La lactofermentation -rien à voir avec les produits laitiers- est une technique ancestrale de conservation des aliments. Concrètement c’est la transformation naturelle d’un produit brut sous l’action des bactéries lactiques. Une petite vidéo pour vous aider à comprendre…

A faire à la maison ou à acheter sur place. J’opte pour la seconde solution en saisissant un curieux petit bocal à l’étiquette évocatrice Oslo Istambul ; ingrédients : choux rouge, pomme, raisin sec, gingembre, sel. Au goût, c’est genre chutney-umami recommandé pour relever les viandes blanches. Un produit probiotique, lactofermenté, vivant, non-pasteurisé, vegan. Attention à la rhétorique néo-rurale, ces caractéristiques ne sont pas protégées par des certifications.

START-UP BOISSON

Alexia et Alexa m’accueillent au stand voisin; les deux trentenaires ont créé Fermenting&Co, une « maison de fermentation » basée aux Sables d’Olonne, en Vendée. On a monté il y a 2 ans une micro-brasserie de boissons fermentées pour répondre à la demande de boissons saines, moins sucrées et sans alcool, m’explique Alexa. L’affaire a démarré très vite, trop peut-être, avec un associé qu’elles ont dû laisser sur le bas-côté. Ça repart sur de bonnes bases avec leur produit phare : le kombucha, « cette boisson millénaire d’origine asiatique est réalisée à partir de la fermentation de thés et de sucre par une symbiose de bactéries et de levures…..les levures transforment le sucre en alcool, les bactéries transforment l’alcool en acide » nous dit Wikipédia.

Leur gamme de kombuchas est déjà bien fournie : Elixir, Tonic, Pure et Cosy un kombucha saisonnier. Je goûte et c’est le Tonic qui a ma préférence : un assemblage de thé vert et noir, citron jaune, gingembre frais, curcuma frais bio AB auquel on ajoute la souche ou mère du kombucha qui déclenchera la fermentation.

Ça picote un peu en bouche, un petit côté cidré, l’agrume relevé par le gingembre/curcuma est amplifié par les saveurs enveloppantes des thés. Savoureux. C’est clairement une alternative à l’alcool quand même plus fun que les sodas ! et plus excitant que le pétillant désalcoolisé, lui qui n’a rien de naturel à raconter. Cet été au Bikini Beach, le kombucha de Fermenting&Co va faire un malheur, n’en doutons pas, surtout si les bartenders y rajoutent un peu de troussepinette !

QUESTIONS SUR LES VINS VIVANTS

Le stand voisin est animé par une vigneronne. Eh oui, il fallait un certain courage pour rejoindre la bande des fermentaires qui affichent haut et fort leurs breuvages sans alcool- ou si peu.

Émilie Tourrette Brunet est de cette trempe, elle incarne l’éternel féminin bravant les conformismes de l’époque. Pourquoi me fait elle penser à Hildegarde de Bingen, abbesse, visionnaire, philosophe, naturaliste, grande figure du Moyen Âge ?

Sa détermination à produire des vins vivants dans son micro-domaine de la Tour Brune, en Anjou n’est pas passée inaperçue, notamment auprès de Sandrine Goeyvaerts auteure de «Vigneronnes, 100 femmes qui font la différence dans les vignes de France» préfacé par Pascaline Lepeltier. Attention, ne pas confondre avec Vigneronne (au singulier) de Laure Gasparotto.

 

Gosse, Émilie rêvait d’être archéologue, elle l’a fait. Ado, elle rêvait de partir de Chine, elle l’a fait. Puis elle s’est lassée : je voulais du grand air, du vin, de la nature, de l’aventure, de la création. Je devais rentrer en France pour devenir  vigneronne. Elle le fait depuis 2017.

Comment arrive-t-elle à produire une dizaine de cuvées sur de minuscules parcelles de vieilles vignes de chenin, pineau d’Aunis, gamay, cabernets, grolleau noir ? Mystère. Toutes ses cuvées portent des noms illustrant l’imaginaire de la vigneronne qui rend hommage à quelques femmes aux parcours hors du commun : poétesse antique, impératrice chinoise, danseuse étoile, reine africaine, alpiniste, etc, et même son cheval Sha-Nameh, comme l’a écrit récemment à son propos LeRouge&leBlanc.

La personne m’inspire un immense respect, mais pas leurs vins. Je dis « leurs » pour parler des vignerons qui affichent souvent le label Vin Méthode Nature, ce label du « fais pas ci, fais pas ça ». Qu’on me permette une opinion personnelle. J’ai goûté beaucoup de vins « nature » dans ma vie, en me posant sans cesse la question : ce liquide là, au fond de mon verre, est-ce que c’est bon ? Quand l’intellect prime sur le sensoriel, ce n’est pas bon signe. Puis j’ai cherché à comprendre les motivations des jeunes générations, des néo-ruraux, des cavistes qui s’extasient devant ces vins et parlent de  « révolutionner » le goût du vin. Faut-il y voir une mode comme le boisé des années 90 ? Le talent est rare, beaucoup de ces néo-producteurs ont du mal à faire la différence entre le jus de raisin fermenté et le vin. Bien sûr, il y a des exceptions, je pense à Pierre Goiset, à François Saint-Lô qui font des vins à forte identité. On aime ou on n’aime pas, ça c’est personnel mais quand un vin est trouble à la vue, au nez, en bouche, il y a du louche. Le vin doit rester une boisson éminemment plaisante à déguster, à boire, à savourer, à partager, comme dit le regretté Bernard Pivot. Une boisson gourmande, sensuelle en bouche, aux tannins fondus par un élevage maîtrisé issue d’une tradition vigneronne multiséculaire. C’est le nombre de millésimes qui fait le vigneron dit l’adage.

LE KIMCHI TRÉSOR DES CORÉES

Le stand O’Bocal, boutique bio, vrac, local, zéro déchets du centre-ville nous propose un voyage en Corée autour de ses variétés de kimchi fait maison. Korea.net nous précise que le kimchi est une spécialité culinaire coréenne aux saveurs uniques.

Reconnaissable par sa couleur rouge ou corail, le kimchi est une préparation à base de légumes, principalement de choux fermenté et épicé. Reconnu pour ses vertus diététiques, omniprésent dans la cuisine coréenne, ce met lactofermenté est reconnu depuis 2015 par l’UNESCO comme appartenant au patrimoine immatériel de la Corée du Sud….et du Nord !

Traditionnellement, le kimchi se consomme avec un verre de makgeolli, un vin de riz légèrement pétillant, d’apparence blanc crémeux qui titre 6-8% d’alcool. Connu pour ses bienfaits pour la santé, le makgeolli est malheureusement boudé par les nouvelles générations qui lui préfèrent la bière.

En regardant de plus près les ingrédients du kimchi, je vois que le chou fermenté est majoritaire. Mais bien sûr ! pas besoin d’aller si loin, notre kimchi français s’appelle la choucroute.

Je cherche sans succès le stand de la Maison d’Alsace à la fête de la fermentation.

Peut-être que les urbains néo-ruraux- ou l’inverse- ne connaissent pas.

Jean-Philippe

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.
Catégories : événements et salons

Commentaires:

  1. Eryck Ponseel dit :

    Bonjour,
    Une définition du goût de l’umami aurait éclairé ma lanterne. Le goût de la choucroute serait celui de l’umami ? Tout ce qui est fermenté ? La bière ?
    Article très intéressant sur ce qui semble bien relever d’une mode dans l’esprit du temps.

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