Aujourd’hui, je vous emmène au Sud de la Toscane à la frontière avec le Latium (Lazio en italien), soit à un peu plus de deux heures de Rome et deux heures au sud de Sienne. Oui, la Toscane est une grande région aux petites routes sinueuses parcourant les montagnes qui couvrent 25% du territoire.

Mais, le paysage constitue un spectacle à lui tout seul : admirer les alignements de cyprès signalant l’accès à une propriété agricole, observer les champs de blé ou même les rizières dans les plaines, les bourgs médiévaux sur les pitons rocheux ou encore la mer Méditerranée au loin depuis le parc de la Maremme.
La nature se complète avec les sangliers sauvages, porc-épics et oiseaux en tout genre.
la petite Jerusalem de Toscane

Ce surnom s’explique par la présence d’une communauté ébraïque, quatre siècles durant, formée à l’origine par des Juifs ayant fui les États du Pape après les édits de Paul IV en 1555 et la création du ghetto de Rome.
Une synagogue est toujours présente et aujourd’hui un musée lui est dédiée.
Ce bourg se dresse sur une crête à 313 mètres d’altitude, entouré de vallées verdoyantes traversées par les rivières Lente et Meleta. La forme du village trouve son originalité dans une succession de ruelles plus ou moins rectilignes et de maisons construites à la verticale sur cette falaise de tuf, de manière vertigineuse, rendant presque superflus les murs d’enceinte. De nuit, ce village médiéval tout illuminé offre un spectacle magique.
des siècles d’histoire
Selon une ancienne légende, Pitigliano aurait été fondée par deux Romains : Petilio et Celiano ; dont la combinaison des prénoms aurait donné le nom de la cité. Les ruelles étroites témoignent de siècles de développement culturel, depuis les établissements préhistoriques et les preuves évidentes de la civilisation étrusque visibles dans les tombes de la région jusqu’aux Romains.

Un chemin panoramique nous emmène à l’extérieur de la cité tout comme le sentier de Via Cave pour suivre les pas des Etrusques, une civilisation qui reste encore mystérieuse pour les historiens.
Via Cave, des caves de plein air
Ces caves de plein air se développent dans le tuf, creusées sur quelques centaines de mètres de long à plus d’un kilomètre, avec une profondeur maximale d’environ vingt-cinq mètres.

Les lieux vous provoqueront un sentiment mystérieux avec cette sensation de pénétrer au cœur de la terre à vous retrouver entre des murs vertigineux de part et d’autre.
Vous pourrez y découvrir des gravures elles aussi mystérieuses, des fontaines ou encore des nécropoles, le tout enveloppé par une nature luxuriante contribuant au charme des lieux.
des questions sans réponse

Ces questions n’ont à ce jour pas de réponses claires et nombre d’hypothèses gravitent autour d’un usage à caractère sacré et funéraire tandis que d’autres évoquent des voies de raccordement, de systèmes défensifs ou encore d’écoulement des eaux.
Une chose dont on peut être sûr, c’est que pour tailler et extraire 40 000 tonnes de roches volcaniques pour créer la Via Cave, cela devait avoir une grande importance pour cette civilisation.
des techniques vieilles de 3000 ans

La vinification étrusque remonte au 8ème siècle avant notre ère. Premiers cultivateurs de raisin de l’Italie ancienne, les Etrusques ont sélectionné et planté des vignes dans des zones sélectionnées pour leurs conditions pédoclimatiques adaptées, développant leurs connaissances en viticulture et cultivant une variété de cépages.
Les Étrusques utilisaient des pressoirs à vin pour extraire le jus des raisins, souvent fabriqués en pierre ou en bois et situés à proximité des vignobles. Pionniers de l’utilisation d’amphores en terre cuite pour le stockage et le transport du vin, ils utilisaient ces grands récipients pour fermenter et conserver le vin dans les grandes caves souterraines creusées à même la roche où la température et l’humidité étaient naturellement régulées. La conception des amphores, avec un fond pointu, permettait un empilement et un transport plus faciles, que les Étrusques n’hésitaient pas à décorer de scènes liées au vin et aux festivités.
l’expertise des cépages

Leur préférence pour certains cépages influençait leur choix de vin produit avec notamment l’aleatico, un cépage rouge connu pour ses caractéristiques douces et aromatiques. Les vins étrusques, produits dans des styles variés, en blanc comme en rouge, étaient réputés pour leur haute qualité et très recherchés dans tout le pourtour du bassin méditerranéen.
Romains copieurs
Lorsque les Romains ont conquis l’Étrurie au 4ème siècle avant notre ère, ils ont adopté de nombreuses pratiques viticoles étrusques qu’ils ont incorporées dans leur propre culture viticole.
Les Étrusques étaient des commerçants renommés et avaient compris la valeur marchande du vin. D’importance culturelle et sociale de la vie quotidienne étrusque, le vin avait aussi un rôle central dans les rituels religieux et cérémoniaux tout comme les banquets et les fêtes.
un terroir complexe

Mais pour éviter la dérive marketing de ce mot, je préfère parler d’une continuité de l’apprentissage et de l’héritage des Etrusques.
Stefano m’emmène derrière son chai pour observer le paysage et ses vignes. Là, il me présente toute une série de fossiles marins, témoins du passage de la mer il y a des millions d’années. Ici une ammonite, là un mollusque… et, me précise-t-il, celui-ci a une centaine de millions d’années.
Agroforesterie façon Etrusque

Stefano a réussi à sauvegarder d’anciens cépages autochtones que l’on trouve localement dans cette merveilleuse et riche région de la Maremme. Encore plus audacieux, il veut pratiquer la viticulture comme les Etrusques : en francs de pied. Il prend un pied délicatement, le caressant comme un enfant, ou plutôt un objet très précieux… Avec cette peur de tout perdre.
Je le regarde, les yeux ébahis par cette envie de prendre le risque de planter ce pied si fragile que l’insecte phylloxera ennemi numéro un de la vigne rêvera certainement d’attaquer une fois celui-ci replanté dans ce sol volcanique.
Oui, ici le sol est volcanique… C’est pourquoi d’ailleurs, à une vingtaine de kilomètres, on peut se baigner dans les sources d’eau chaude aux odeurs de soufre des termes de Saturnia ou encore des cascades du Mulino, issues de l’ancien volcan du Monte Amiata. Ce sol apporte cette particularité aux vins qui nous offrent une énergie vibrante en bouche.
des cépages autochtones
Et sur ces terres, Stefano met en valeur un cépage rare que l’on retrouve dans l’appellation DOC Bianco di Pitigliano, une des appellations pionnières en Italie créée en 1966 : le cépage procanico rosa. Le bianco di Pigliano bénéficie en effet de sa propre appellation et reste malheureusement peu connu, dans l’ombre de l’autre célèbre appellation de vin blanc de Toscane, la Vernaccia di San Gimignano.

Son autre cépage qu’il aime explorer en vinification se situe du côté des vins rouges avec le ciliegiolo, signifiant la cerise, un arôme dominant du cépage et une couleur riche et généreuse aux reflets violacés.
Voilà donc deux profils de vins pour deux cuisines toscanes, l’une de la mer pour le vin blanc et l’autre de la terre avec un plat de sanglier par exemple, et qui sortent des classiques Chianti…
Audrey


