Il n’y a ni règle ni obligation. Vous pourrez démarrer en solo votre nouvelle activité de vigneron. Du jour au lendemain vous serez à la tête de ce nouveau domaine dont vous avez tant rêvé ! A la tête mais peut-être aussi bien seul pour effectuer et assumer des premiers choix décisifs.
Ou bien vous pourrez aussi décider de vous faire accompagner pour affronter les nombreux écueils et embuches qui vont parsemer votre parcours initiatique…
La première année, c’est vraiment un exercice d’apnée : les nouveaux vignerons prennent la vague et moi je leur prends la main. Le secouriste qui parle c’est Loïc Perrin qui a fait son métier de l’accompagnement des néo-vignerons.
de la lumière au bout du tunnel ?
Ancien cadre dans l’industrie, formé à la mise en place de processus d’audits et de gestion du risque, il a commencé à s’appliquer à lui-même son savoir-faire le jour où il a décidé de de se reconvertir vigneron. Un BTS viti-oeno en poche, il part à la recherche du domaine de ses rêves. Je me suis rendu compte que mes interlocuteurs, banquiers, agents immobiliers, n’avaient aucune idée de ce qu’allait coûter mon entreprise : quel était le prix de revient d’une bouteille, quels étaient les axes stratégiques d’une entreprise, comment s’entourer, ils n’avaient pas les réponses car ils ne se posaient même pas les questions. Son analyse est sans appel, il va droit dans le mur ! Exit le projet d’installation.
Qu’à cela ne tienne, il va proposer ses services de conseil auprès de clients néo-vignerons déjà installés. Mais évidemment il arrive chaque fois trop tard. Les vignerons sont installés depuis six mois, un an ou même trois ans : je me suis rendu compte que les décisions structurantes avaient été prises sans avoir conscience de leur impact. Grosse déception chez des clients qui souvent achetaient un domaine pour être tranquilles à la retraite et qui finalement passaient 30 week end par an à faire des salons de particuliers. Ce n’était pas la promesse, ce n’était pas leur rêve, leur vision !
C’est ainsi qu’est née l’idée d’accompagner les néo-vignerons avant de se lancer dans le grand bain. Dans le cadre de son Projet Terroir, Loïc Perrin découpe sa mission en trois étapes.
le voyage apprenant
Loïc emmène ses clients sur un parcours vigneron tracé à l’avance à la rencontre de domaines exemplaires dont il connait bien la réalité. Pas seulement la vitrine.
Un voyage apprenant individuel, pour privilégier le tête-à-tête avec le futur vigneron dans le minibus. Je me rends compte qu’il faut qu’il ait une forme d’intimité où il va pouvoir dire où il en est, quels sont ses doutes…
Au bout du voyage l’aspirant doit se dire « oui, il y a un coup à jouer par contre il va falloir être plus structuré plus discipliné plus éclairé que ce que je pensais au départ ».
qualifier la démarche d’achat
Une fois les images d’Epinal mises de côté, l’idée c’est d’établir un Business Plan à partir des aspirations personnelles du futur néo-vigneron, du budget dont il dispose, la répartition entre l’investissement et le Besoin en Fonds de Roulement, l’implication attendue, un domaine qui doit tourner tout seul avec une équipe en place ? un domaine où il sera présent en permanence ? Dans quelle appellation ? Pour faire quels vins et vendus à quels prix ? Autant de configurations qui permettent de qualifier la démarche d’achat.
un audit 360
Armé de ces éléments l’aspirant vigneron va rechercher de son côté le domaine qui l’intéresse. Loïc Perrin n’intervient pas dans cette démarche. Pas plus que son associé Stéphane Gallet du Roc des Anges, un vigneron connu pour son expertise, avec lequel ils vont passer au crible la propriété visée. Quels sont les risques, quels sont les avantages de ce domaine par rapport à ce que j’avais imaginé au départ. Volets commerciaux, trésorerie, organisation, positionnement et puis volet technique : est-ce que le vin que j’ai prévu de faire peut y être réalisé ? Si vous achetez un domaine dans les sables de Camargue ce n’est pas forcément là que vous pourrez faire l’ensemble des vins de terroir. En revanche il y a d’excellents vins à faire côté rosé ou du côté des vins faciles à boire.
pour quels projets ?
Tous les néo-vignerons ont à peu près la même idée : on va passer en bio, on va monter en gamme, on va faire un produit original. Déjà il faut leur montrer que ce n’est pas si original que ça parce que tous les nouveaux entrants se positionnement plus ou moins sur ce créneau! Les bonnes questions à se poser : au bout de combien de temps j’arrive à écouler, 50, 100, 200.000 bouteilles sur ce genre de segment et puis quel est le prix réel de revient sortie du domaine. Ca peut doucher…
quand le succès vous joue des tours
Mais n’y aurait-il pas de réticence à s’ouvrir à un conseil extérieur ? Loïc Perrin l’admet, il y a bien une barrière psychologique à prendre en compte à tous les niveaux du projet même si les aspirants vignerons sont conscients de ne pas avoir une maitrise absolue des spécificités du vin, de la production mais aussi de l’environnement réglementaire, la commercialisation…
Pour Loïc le plus grand écueil c’est un manque d’humilité sur le mode de « moi j’ai réussi dans mon secteur et donc je ne vois pas en quoi je ne réussirais pas dans le monde du vin ». Ca ne veut pas dire que le fait d’avoir déjà réussi ailleurs n’est pas un avantage, il y a quand même des trucs à transposer, mais il y a des gens qui revendent au bout d’un certain nombre d’années parce que la promesse de leur vision n’a pas été matérialisée.
Alors c’est bien le rôle de l’accompagnant de poser des passerelles entre le rêve et la réalité ?
Il ne s’agit pas de tuer le rêve dans l’oeuf, il s’agit de dire OK si vraiment vous voulez aller sur tel ou tel domaine voilà les points de réalité dont je voudrais m’assurer que vous les avez bien pris en compte. Après ce n’est pas moi qui irai chez le notaire !
Aller chez le notaire…Je me souviens de ces quelques lignes écrites par Laure Gasparotto dans son livre autobiographique Vigneronne alors qu’elle se rend à Lodève chez le notaire pour acheter ses vignes dans les Terrasses du Larzac : Je me sens effroyablement seule face au choix que j’ai fait, qui devient concret.
J’ai l’impression d’être parvenue au bord d’un précipice, après y avoir couru tout droit.
François