Génération Vignerons est heureux de publier ici l’article d’un néo-vigneron, Julien Lopez. Julien a pris l’initiative de nous contacter sur les conseils de Thierry Loscos, animateur de Vignerons Demain, le réseau des futurs vignerons et peut-être des grands vignerons de demain. Le réseau compte déjà une centaine de membres dans la dynamique de Terra Hominis, créateur de vignobles en copropriété fondé il y a 15 ans par Ludovic Aventin, militant de toujours pour la maîtrise du foncier viticole.
Je m’appelle Julien Lopez et je vais sur mes 30 ans. Très jeune, j’étais passionné de sport et j’adorais me promener dans la nature, c’est toujours le cas aujourd’hui même si j’ai moins le temps. Il faut préciser que n’étant pas issu d’une famille agricole, rien ne me prédestinait à devenir vigneron.
Après des études en gestion forestière et en gestion et préservation de la ressource en eau, j’ai été salarié 3 ans dans une association qui accompagne les élus locaux sur toutes les thématiques forestières et sur l’utilisation du bois local dans la construction et le chauffage. Cette expérience était très intéressante mais ne me convenait pas. Je faisais beaucoup de route, beaucoup de réunions, beaucoup de travail devant un ordinateur.
MON PÈRE, UN GRAND AMATEUR DE VIN
Encouragé par ma famille, j’ai donc décidé de me reconvertir mais je ne savais pas trop dans quelle voie au départ. Ayant été initié au monde du vin par mon père, un grand amateur, et ayant envie de retrouver la nature, le monde de la viticulture et du vin me sont finalement apparus comme une évidence.
Quand j’ai découvert le monde du vin, je n’appréciais que les vins blancs, je trouvais les rouges trop tanniques. Ainsi, ma première cuvée « coup de cœur » fut la cuvée D18 d’Olivier Pithon. Mais j’ai commencé à apprécier les rouges et notamment ceux de ma région PACA.
FORMÉ À LA BIODYNAMIE
J’ai donc repris des études en ayant pour objectif de construire mon propre domaine et de choisir la manière dont je souhaite travailler. J’ai pour cela entamé en 2020 un BTSA Viticulture-Œnologie à Vivarais Formation en Ardèche, en alternance. Cela m’a permis d’apprendre le métier sur le terrain et de travailler sur différents terroirs de la Vallée du Rhône notamment à Saint-Joseph au Domaine Jean-François Jacouton, et à Gigondas, Séguret au Domaine du Pourra. J’ai eu la chance d’être formé par Boris qui m’a beaucoup appris sur le travail en biodynamie.
Cette pratique m’a tout de suite intéressé car elle respecte l’environnement, le sol, la vigne, les raisins et le vin. En travaillant de cette manière, on n’utilise pas d’intrants de synthèse dans les vignes et le vin.
Cela permet aussi de restructurer petit à petit les sols et de redonner de la vigueur aux vignes.
En 2021, j’ai obtenu mon diplôme et les recherches de vignes pour m’installer ont débuté.
Je ne recherchais pas d’appellation, ni de secteur en particulier mais je voulais avoir un coup de cœur sur la ou les parcelles dans lesquelles ma première cuvée verrait le jour. Je cherchais ainsi des parcelles en coteaux ou en terrasse.
Malheureusement, la plupart des vignes qui se vendaient à ce moment-là étaient des parcelles dans la plaine. Jusqu’à ce que je trouve ma parcelle en terrasse à Rasteau dans le Vaucluse.
IL FALLAIT TROUVER UN NOM
Début 2022, le Clot du Bénou a enfin vu le jour ! Pour la petite histoire, j’ai choisi ce nom de domaine en référence au nom du lieu-dit d’une de mes parcelles « Le Clot » et en écho au « Bénou », cet oiseau de la mythologie égyptienne associé à la création et au renouveau, un peu comme moi avec cette nouvelle vie !
En effet, je me suis positionné sur deux parcelles de vignes en AOP Rasteau, sur une superficie de 1,6 ha. La première parcelle est constituée de jeunes grenaches noirs en banquette tandis que la seconde est constituée de « vieux » mourvèdres en gobelet. Cela me permet d’avoir un beau mélange en bouteille.
Ma première cuvée se prénomme Horus en référence au dieu égyptien du ciel ; petit clin d’œil à la lune et au climat qui rythment mon calendrier de travail. Sur le millésime 2022, l’assemblage de ces cépages me permet d’avoir un vin fruité, puissant avec une belle fraîcheur en bouche.
J’ai obtenu 3 246 bouteilles sur ce premier millésime. La mise en bouteille a été effectuée par une entreprise externe ; c’est la seule tâche pour laquelle je fais appel à un prestataire.
….ET TROUVER DES FINANCEMENTS
Pour pouvoir acquérir mes parcelles, j’ai fait appel à trois prêts d’honneur (un auprès d’Initiative Ventoux, un de la région PACA et un auprès de Créa-Sol, organisme de micro-crédit). Ces prêts représentent un montant de 30 000 € et m’ont permis d’avoir de la trésorerie pour le début de l’activité. J’ai également eu recours à un prêt bancaire classique. Grâce au réseau Initiative Ventoux, j’ai aussi pu entrer en contact avec des créateurs d’entreprises et des restaurants locaux.
Dans un premier temps j’ai continué à travailler dans le domaine qui m’a formé et c’est chez eux que j’y ai vinifié mon premier millésime.
N’ayant pas encore les moyens d’acheter un tracteur, j’ai travaillé ce premier millésime à la main. J’ai entamé directement la conversion des vignes en agriculture biologique et biodynamique (Ecocert me contrôle sur la partie Bio et Demeter sur la partie Biodynamie). Pour ce premier millésime, j’ai fait le choix d’égrapper mes raisins et de les vinifier en cuve inox.
En parallèle de m’occuper des vignes et du vin, je devais aussi préparer la partie commerciale et marketing de mon entreprise. Pour cette partie, j’ai eu la chance d’être accompagné gracieusement par la société XEFI. Ils ont « donné vie » à mes idées notamment sur le design (étiquettes, flyers, etc.) et mon site internet.
Pour le millésime 2023, je me suis consacré à 100% sur mon domaine afin de réaliser au mieux le travail sur mes parcelles, sur la vente de mes premières bouteilles et de pouvoir préparer la venue de mon premier enfant. J’ai également changé de lieu de vinification.
ON ESSAIE LE FINANCEMENT PARTICIPATIF
Cette année-là, j’ai modifié ma manière de récolter mes raisins et ce grâce à une campagne de Crowdfunding sur la plateforme Miimosa. Cette plateforme collaborative permet d’exposer son projet et de le financer par palier par toute personne qui le désir avec une contrepartie.
De mon côté, cela m’a permis d’obtenir des fonds pour pouvoir vendanger mes vignes en caissette et m’a également permis de pouvoir parler de mon domaine. Selon le montant de la participation, j’ai donné une ou plusieurs bouteilles de ma première cuvée par exemple. Grâce à l’obtention du premier palier (6000€), j’ai pu acquérir des caisses qui me permettent d’apporter mes raisins dans toute leur intégrité en cave.
De plus, je fais partie du réseau Vignerons demain. Ce réseau me permet de me mettre en relation avec d’autres personnes qui souhaitent s’installer ou qui se sont déjà installées. Par ailleurs, je peux avoir accès à des visioconférences sur des sujets divers et variés autour de la vigne et du vin.
Afin de faire découvrir mon vin, j’ai participé à des premiers salons en 2024 (Mâcon, Boën-sur-Lignon, Ménerbes et bientôt Saint-Martin de Crau et Allauch. J’ai également « ouvert » une boutique éphémère à Lyon et je participe au marché estival de Malaucène. Mon vin est aussi disponible dans diverses caves et restaurants du Vaucluse.
COMPLIQUÉ, CE MILLÉSIME 2024
Pour le millésime 2024, j’ai eu la chance de travailler en collaboration avec un autre vigneron (Paul Hannequart, le Bastidon du Marquis). Celui-ci m’a prêté un tracteur en échange de travail dans son exploitation. Ainsi, j’ai gagné du temps et de l’énergie pour me concentrer sur la partie commerciale de mon domaine.
Cela m’a été particulièrement utile cette année car la saison a été compliquée dans les vignes en raison de l’humidité. J’ai dû lutter notamment contre le mildiou et j’ai dû faire plusieurs passages de traitements.
Même si la vendange est un peu moins bonne que ces dernières années, j’ai terminé les vendanges avec l’aide de ma famille et je suis en ce moment en pleine vinification. Celle-ci se déroule bien et le résultat s’annonce prometteur. Après 9 mois d’élevage (même temps d’élevage sur chacun des contenants), je vous donne rendez-vous pour une première dégustation en fin d’année 2025 !
Je travaille chaque jour pour donner le meilleur de mes vignes et de mon vin. Cela me pousse à me questionner sur mes pratiques, à les consolider ou au contraire à les modifier. Par exemple, en plus des caissettes, j’ai réalisé sur mon millésime 2023 des élevages dans différents contenants (demi-muid, jarre en grès et cuve inox). Le fût apporte de la rondeur, la jarre en grès décuple les notes fruitées quant à la cuve en inox, elle apporte de la fraicheur. L’assemblage de ces trois contenants me permet d’obtenir un vin plus complexe et le résultat me plait beaucoup.
LA CHANCE D’AVOIR DES PROCHES QUI ME FONT CONFIANCE
Pour le futur, j’ai beaucoup de projets afin de devenir plus indépendant dans ma manière de travailler et d’améliorer mes itinéraires techniques en fonction des millésimes. En effet, depuis que je travaille mes parcelles sur Rasteau, il n’y a pas eu un seul millésime qui se ressemble. Les phénomènes météorologiques sont de plus en plus intenses et ne sont pas les mêmes. J’essaie donc de m’adapter à chaque situation et la biodynamie m’aide en cela. En régénérant les sols, les vignes seront plus résilientes face à tous ces aléas et en seront moins impactées.
Pour résumer mon parcours, je n’ai pas eu la chance d’avoir un domaine familial à reprendre. Pas de vigne, pas de cave, pas de hangar, pas de logement à proximité, pas de matériel. Néanmoins, j’ai la chance d’avoir des proches qui m’aident et m’accompagnent dans cette aventure. Ce sont eux et mes premiers clients qui me poussent à me lever chaque jour et à donner le meilleur de moi-même.
Chaque année est différente et je suis très satisfait d’avoir changé de métier et d’être devenu vigneron !
Julien