Les aléas climatiques ont encore perturbé fortement la viticulture en France en 2024. Au Canada, la nouvelle donne climatique au Canada est un couteau à double tranchant : les étés sont maintenant plus longs. Mais d’autre part, les hivers sont aussi plus complexes avec un couvert de neige parfois inexistant ce qui rend la vigne plus vulnérable et des journées à moins 30 degrés alternant avec des périodes douces !
Les pluies sont aussi de plus en plus fréquentes et le gel tardif de mai est également survenu… Tout cela a forcé les vignerons canadiens à redoubler de vigilance et de créativité.
Les protections viticoles par l’utilisation de géotextile ont donc fait leur apparition comme alternative aux solutions anciennes de buttage des pieds de vigne avec pour but d’augmenter ainsi le taux de survie des bourgeons primaires.
Penchons-nous d’avantage sur le vignoble canadien et plus particulièrement québécois pour découvrir ses autres particularités que la lutte contre les conditions climatiques.
LE QUEBEC, TERRE DE CREATIVITE VITICOLE
Dès que l’on pense Québec, les images se bousculent sous nos paupières : neige abondante, lacs immenses, caribous, castors et sirop d’érable.
Mais il y a d’autres découvertes à faire si l’on veut sortir un peu des chemins balisés. Si les microbrasseries se multiplient à un rythme effréné, les régions viticoles ne sont pas en reste.
Le vignoble québécois possède 9 régions viticoles bien définies, s’appuyant sur leurs spécificités géologiques, climatiques et ampélographiques. La région de Québec se situe la plus au Nord.
Le premier vignoble québécois fut fondé en 1980, à Dunham, dans les cantons de l’Est, au sud est de Montréal. C’est seulement en 2018 que L’IGP « vin de Québec » a été attribuée par les autorités.
Aujourd’hui, 170 producteurs se partagent un permis de production artisanale et 1200 hectares sont consacrés à la culture du raisin. 47% des vins élaborés sont blancs et 26% sont rouges.
UN IMMENSE TERRITOIRE ET PLUSIEURS TERROIRS
Le Canada est grand comme toute l’Europe avec une densité de population moitié moindre que la France. On s’attend donc à jouir de paysages très étendus. Et c’est le cas, notamment le long du fleuve Saint-Laurent.
Il faut remonter à 14 000 ans, peu après la dernière glaciation, pour trouver l’explication à la présence de vignobles : une immense mer recouvrait à l’époque les plaines qui bordent aujourd’hui le Saint-Laurent. En se retirant progressivement, ces immenses bassins d’eau ont entraîné une gigantesque masse de minéraux qui forment la grande partie des sols des vignobles du Québec.
Si on retrouve près de 100 cépages différents au Québec, 10 d’entre eux sont les plus populaires. Sans surprise, comme dans beaucoup de régions à travers le monde, le chardonnay vient en tête : un domaine sur trois cultive ce cépage. Mais les cépages hybrides se taillent une belle part du gâteau : d’origine française ou américaine, ils représentent 80% des superficies cultivées. Les noms sont délicieux : frontenac, seyval, saint-pépin et vidal, en blanc, marquette et petite perle en rouge.
Les arômes des blancs sont très présents et d’une grande fraîcheur : fruits tropicaux, pomme, poire, agrumes et fleurs blanches.
En rouge, on va trouver des vins plutôt légers, fruités et peu tanniques avec des notes de fruits noirs ou rouges, de violette ou de fines herbes.
La force des vins québécois réside dans leur diversité. Il y a toujours un vin qui va séduire : arômes variés, fraicheur bien présente, taux d’alcool peu élevé, faible teneur en sucre et grande digestibilité. Ce sont souvent des vins de soif, en particulier les rouges et donc des vins de partage, ce qui cadre particulièrement bien avec la bienveillance des habitants.
L’incursion dans l’univers fascinant des vignobles québécois offre de belles rencontres aux couleurs uniques de l’automne débutant et de savoureuses pépites à partager. L’île d’Orléans est l’endroit idéal pour cela.
L’ILE D’ORLEANS, A 10 MINUTES DU CENTRE DE QUEBEC
Il faut enjamber le Saint-Laurent à la hauteur des magnifiques chutes de Montmorency, au nord de la ville de Québec, pour découvrir cette île aux multiples trésors.
Le premier surpris par cette île aura été Jacques Cartier en 1535 : débarquant sur ce magnifique bout de terre, il se trouve face à de vignes sauvages à profusion. Il lui donnera le nom d’Isle de Bacchus pour cette raison.
Cette île offre de magnifiques paysages champêtres et constitue un musée vivant du patrimoine de la Belle Province, que l’on découvre en parcourant le chemin du Roy qui fait le tour de l’île.
Dès que l’on entame cette balade, on découvre des vignobles d’exception. Le paysage est apaisant donnant vue notamment sur le pont ou sur les chutes de Montmorency.
Le vignoble Isle de Bacchus, créé en 1982, est un pionnier dans l’histoire de la viticulture québécoise. Son nom est évidemment associé à Jacques Cartier. Orienté sud, sud-ouest, disposé en terrasses qui dominent le Saint-Laurent, 35 000 pieds de vigne s’y épanouissent sous un microclimat qui protège généralement du gel de mi-mai à mi-octobre.
Trois parcelles pour un total de 11 hectares accueillent les cépages déjà mentionnés plus haut mais aussi du vandal-cliche, du sainte-croix du maréchal foch ou du geisenheim.
Le brut de Bacchus 2020, vin mousseux produit en méthode traditionnelle est particulièrement savoureux, autant que le XV35, vin tranquille aux parfums de miel et de pommes avec une touche vanillée venue de fûts de chêne français.
Sur le chemin royal
Un peu plus loin, on retrouve des vignes de chaque côté de la petite route ; c’est Saint-Pierre le Vignoble. L’accueil se fait dans une ancienne grange-étable datant de 1935, l’année de l’inauguration du pont qui relie les chutes de Montmorency à l’île.
Christiane Grégoire et Jacques Blouin ont choisi de s’y installer et de mettre en valeur le potentiel du terroir orléanais.
La conversion de la culture de petits fruits débuté en 1999 se fait en 2012 pour devenir vignoble.
Nous avons demandé à Patrick, le fils de Christiane et Jacques de nous parler de ce magnifique vignoble de 5 hectares, déjà récompensé par des médailles d’or à la Coupe des Nations, la compétition nationale des vins et alcools du terroir et des caractéristiques de la viticulture québécoise. Après avoir fait des études de BTS en Alsace pendant une année, Patrick revient au pays pour les premières vinifications qui se font en 2018.
La reconnaissance de la qualité des vins du Québec comme région viticole s’amplifie depuis 50 ans ce qui a été une motivation supplémentaire. Le sol est particulièrement intéressant pour la vigne au vignoble de Saint-Pierre : peu profond à certains endroits sur une base schisteuse, plus profond, sable et argile sur d’autres parcelles.
Les cépages rustiques ou semi-rustiques sont liés à une résistance aux hivers et à une saison de croissance plus courte. Les hybrides sont donc la bonne solution, grâce à leur bonne résistance au froid et portant des raisins qui arrivent à maturité dans un temps plus court. La résistance aux principales maladies, assez similaires à celles rencontrées en Europe est un autre avantage.
Les cépages de Saint-Pierre le vignoble sont notamment l’acadie, le frontenac blanc développés aux Etats-Unis, marquette et petite perle en rouge, donnant des vins très colorés avec une charge tannique peu élevée. J’ai particulièrement aimé le Parfum d’Acadie, vin blanc sec boisé issu d’une fermentation malolactique aux arômes floraux impressionnants et le Soleil Couchant, un assemblage subtil de marquette et petite perle.
Les vendanges ont commencé mi-septembre cette année à Saint-Pierre le vignoble ce qui est très précoce. 25 000 bouteilles sont produites par an mais on est encore en croissance et l’objectif se pose à 30 000.
Enfin, pour couronner le tout, l’accueil dans ce vignoble est remarquablement chaleureux : une équipe rodée vous propose une dégustation de quatre vins accompagnée d’une assiette gourmande créée par le chef réputé Laurent Godbout. Vous choisirez pour la dégustation entre la grange patrimoniale ou la terrasse panoramique qui offre une vue spectaculaire sur le vignoble, les Laurentides et la chute de Montmorency.
Déguster un Vin du Québec est un plaisir particulièrement savoureux basé sur l’authenticité et la spécificité de cette IGP. Cette émotion est encore renforcée par le travail inventif des vignerons québécois et leur aptitude à composer avec le climat et les aléas de Dame Nature !
A découvrir absolument !
Marc
Image à la Une : crédit Vignoble Isle de Bacchus