Qu’est-ce qu’un vin volcanique ? La conférence organisée par l’association VINORA a connu un grand succès lors du dernier WineParis. Génération Vignerons était présent et François avait illustré son article : les vins volcaniques se découvrent une famille d’une magnifique photo du volcan Pico aux Açores. Aussi quand ma belle-fille Gabrielle, magistrate et globetrotteuse, m’annonça qu’elle partait faire un trek aux Açores je lui a demandé de s’intéresser aux fameux vins volcaniques de Pico. Voilà son récit.
Jean-Philippe
Lors de mon voyage aux Açores (archipel de neuf îles appartenant au Portugal, situé à 1450 km de Lisbonne) Génération Vignerons m’avait confié la mission de goûter et décrire le fameux vignoble de l’île de Pico.
Si la mission de goûter le vin me semblait plutôt facile, celle de devenir blogueuse vin, beaucoup moins ! Comme j’ai aussi mon blog – Gobynette l’aventure commence maintenant- sur le voyage et le sport, l’article parlera également d’autres choses que du vin comme les belles attractivités que l’île nous a permis, à mon compagnon Guilhem et à moi-même, de découvrir.
À LA FORCE DES BRAS
L’île de Pico était notre troisième île de l’Archipel (sur les six que nous avons explorées) où nous avons passé trois jours. Chaque île a sa particularité et je dirais pour caractériser Pico que c’est l’île du vin, du volcan et des baleines. En effet, sa particularité est qu’elle détient le plus haut sommet du Portugal, le Mont Pico, le fameux volcan, qui culmine à 2351m d’altitude.
Les Açoriens surnomment naturellement Pico l’île noire car la roche volcanique qui recouvre tout, donne les jours de mauvais temps, l’impression de découvrir un paysage en noir et blanc. C’est donc une île très volcanique qui est également une île de vignes.
A l’évidence, on peut être une île volcanique et y faire du vin, cela n’a rien de surprenant car les sols volcaniques riches en basalte sont très favorables à la culture de la vigne. Tout le mérite revient aux habitants qui ont su s’adapter aux conditions géologiques et climatiques extrêmement difficiles de l’île.
En arrivant en avion, nous avons été particulièrement surpris par des paysages viticoles totalement hors du commun ; des « champs de vignes » logés sur cette terre noire comme cela, c’est assez déconcertant. Les vignes sont tellement uniques, extraordinaires qu’elles sont classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 2004.
Je n’avais jamais vu ces petits murets de roche volcanique qui entourent les vignes appelés currais. Ces petits murs de pierre ont une double fonction à l’origine. Celle de déblayer le sol pour pouvoir y planter les pieds de vigne, mais aussi protéger les vignes du vent violent, des embruns et du sel de l’Atlantique.
Cette technique viticole fut introduite au XVème siècle par les Frères Franciscains et a atteint son apogée au XIXème siècle, lorsque que les célèbres vins des Açores étaient vendus jusqu’à la cour des Tsars. Depuis, la viticulture aux Açores a connu un déclin qui semblerait enrayé depuis l’inscription au Patrimoine mondial.
LE VIN D’ICI SE BOIT ICI
A peine arrivés, nous commandons une bouteille au restaurant (pour ma mission évidemment !).
Le Terras de Lava est un blanc sec d’assemblage des cépages verdelho, arinto et terrantez. Il faut d’ailleurs préciser que le bon vin de Pico est seulement le vin blanc. Apparemment le vin rouge n’est pas très bon. Ce Terras de Lava est vendu un peu partout car nous l’avons également retrouvé sur d’autres îles.
Le marché du vin est très local, on nous a dit que 80 % des vins produits ici sont commercialisés aux Açores. Ce qui ne laisse que 20% pour l’exportation sur le continent, au Portugal et ailleurs. Avec une production inférieure à un million de bouteilles, très variable selon les millésimes et les conditions climatiques, les vins des Açores sont difficiles à trouver.
Pour en revenir au Terras de Lava, je dirais qu’il est bon, mais il laisse un peu sur sa faim. C’est un vin vif et salin qui se boit de manière agréable durant le dîner en accompagnement d’un ragoût de poissons ou d’un poulpe grillé.
Le premier jour de notre découverte de l’île, nous avons décidé de faire un guide tour viticole, avec notre guide Fàbio Rocha, Art of Wine pour la visite des vignes, du musée et des dégustations. Précisons ici que Fàbio, titulaire d’un master en viticulture, a travaillé 10 ans en tant que travelling winemaker au Chili, en Australie, et en Nouvelle Zélande avant de revenir au pays et produire son propre vin à Pico. Pour la petite anecdote, nous étions cinq touristes, dont trois italiens et j’ai pu constater que Fàbio, en plus de l’anglais et de l’espagnol, se débrouillait très bien en italien.
LA CIVILISATION DE LA VIGNE
Nous avons pu observer les magnifiques paysages de Criação Velha, lieu emblématique avec son moulin rouge, également caractéristique de l’île. Cette partie Est au bord de l’Océan est située face à l’île de Faial, l’île permettant de commercialiser le vin. Pour accéder à l’océan, les habitants faisaient rouler les tonneaux de vin sur des rampes creusées dans la roche pour ensuite les charger sur les bateaux. Ce sont les fameuses Rola-Pipas qui ont donné leurs noms à de nombreuses cuvées. Nous avons également pu découvrir les maisons typiques de l’île, en pierre volcanique et murs blanchis. Les vignes de Pico sont pratiquement partout autour de l’île, sans avoir besoin de les chercher (on ne voit d’ailleurs que ça et aussi le Mont Pico, lorsqu’il est dégagé !).
Malgré l’étendue des vignes sur toute l’ile, nous comprenons que les vignerons sont très courageux et persévérants pour vivre et même survivre dans leur activité. En effet, à cause des mauvaises conditions climatiques, quelquefois 70% de la production est perdue…En gros, leur activité ne leur permet pas de vivre correctement. Cela peut être décourageant surtout que les vignes sont très fragiles et qu’il est nécessaire de les travailler une par une.
Fábio nous a aussi indiqué que si on alignait tous les murets de pierre des vignes de Pico, la distance totale ferait deux fois le tour de la terre !
Le Museu do Vinho est un endroit magnifique, au cœur des vignes et entouré d’arbres, qu’il ne faut pas manquer. On y apprend beaucoup notamment les dégâts causés par les tremblements de terre très fréquents sur l’île.
DÉGUSTATION RÉUSSIE
Enfin, nous partons pour le Nord de l’île, proche de l’aéroport, pour la dégustation tant attendue. Surprise, le volcan se dégageait de ses nuages, c’était incroyable et ça donnait encore plus envie de l’escalader !
Superbe dégustation… avec trois verres :
Insula Arinto dos Acores : comme dirait le guide, the Princess. Très doux, très aromatique il m’a fait penser à l’Atlantique et à ma Bretagne ; je n’ai pas les termes techniques de vignerons ni de blogueuses vin !
A cerca dos Frades, the Queen ; en effet, plus de caractère ; c’est celui que j’ai le moins aimé car trop fort à mon goût,
A cerca dos Frades Terrantez the Princess II ; un mix entre les deux premiers, j’ai vraiment adoré, donc mon préféré.
Les vins que nous avons gouté étaient vraiment de qualité premium (35 euros la bouteille) et nous avons vu la différence avec celui de la veille au restaurant, peut-être aussi parce que nous avions compris tout le travail entrepris pour donner de si bons vins.
Y PAS QUE LE VIN ICI
Pour les amateurs de vins et d’œnotourisme, l’île de Pico est faite pour vous. C’est vraiment une destination qui sort du lot avec des paysages complètement atypiques et une production de vin encore «ancestrale ». Par contre, il ne faut pas résumer Pico à son vin, loin de là, puisque c’était pour nous notre première journée. Le reste du séjour fût tout aussi éblouissant et beaucoup plus sportif !
Comme j’aime monter toujours plus haut, et que nous sommes très sportifs Guilhem et moi, quelle meilleure idée que de faire l’ascension du Mont Pico de nuit et d’admirer toute l’île et les vignes au lever du soleil ?
On nous avait indiqué 3-4 heures d’ascension car le terrain était compliqué et on s’attendait à ne pas avancer, d’où le départ très tôt à 3h30.
Au final, on a doublé tout le monde et on est arrivé à 5h30 au sommet, quasiment seuls d’ailleurs. Nous avons attendu et nous avons eu froid. De l’autre côté du sommet, il y avait un vent de dingue (on a compris l’importance des petits murets pour protéger les vignes).
Puis, à 6h30, le jour a commencé à poindre et la magie a opéré.
LES TRÉSORS MARINS
L’île est également connue pour découvrir les cétacés, notamment les baleines.
Peu de temps après le début de notre sortie : une excursion avec Espaço Talassa – la base d’observation des cétacés aux Açores – nous avons eu de la chance de voir une baleine, une espèce rare qui n’est normalement pas présente à cette période (août). C’était une Balaenoptera Edeni aussi appelé Rorqual de Bryde.
Émerveillement, surtout que nous l’avons vue à quatre reprises.
Nous avons également pu admirer deux sortes de dauphins dont certains ont joué avec nous, une tortue et un poisson volant. C’était incroyable !
Voilà c’est parti pour d’autres aventures dans l’archipel et une nouvelle île à découvrir : Flores, l’île aux mille cascades.
Gabrielle