Les expéditions exotiques vers les confins de la planète sont presque une chose du passé. Aujourd’hui dans une démarche axée sur la sobriété et le désir de proximité qui donne du sens à la vie, le slow tourisme a ouvert la porte à un œnotourisme durable et vertueux empreint d’expériences immersives et d’enjeux sociétaux.
Pour quelqu’un comme moi qui a passé une grande partie de sa vie loin de Bruxelles, l’œnotourisme évoque immédiatement la nature, les paysages verts de cartes postales, le chant d’oiseaux et le bruissement de ruisseaux. Difficile donc d’imaginer une vigne en pleine ville.
Pourtant, certains sont plus audacieux, cherchant à allier plaisir, culture et patrimoine afin de redonner à la ville une dimension sociétale et de partage.
Et bien sûr, où il y a partage, il y a dégustation de vin.
Encore une invention de Leonardo
Les vignobles urbains existent depuis très longtemps dans certaines régions. La Vigna di Leonardo à Milan est probablement l’exemple le plus ancien. Le vignoble de Léonard de Vinci lui fut attribué par Ludovico il Moro, duc de Milan, après avoir peint la Cène du réfectoire de Santa Maria delle Grazie.
Disparue après son décès, la vigne renait aujourd’hui grâce à des fouilles archéologiques et une recherche scientifique de haut vol qui ont permis d’identifier le cépage Malvasia et de replanter en 2015.
Paris n’est pas en reste : Les vignobles parisiens sont parmi les plus célèbres des domaines viticoles urbains. Le clos de Montmartre, le domaine de Bercy, les vignobles du parc Georges Brassens, la vigne du parc de Belleville ou celle de la butte Bergeyre sont les résidus d’un temps ou la vigne s’étendait jusqu’à 100 kilomètres autour de Paris avec une superficie atteignant 42 000 hectares.
En Belgique, bien que la vigne ait été présente depuis des siècles, la trace d’un passé en ville n’est que peu présente mais l’imagination et l’envie de partage ont progressivement comblé ce vide, grâce aussi à une production totale de vin belge en augmentation constante avec une croissance de plus de 13% en 2023 et une augmentation de 11% du nombre de viticulteurs.
Les clos cisterciens précurseurs des vignobles de quartier
. Aujourd’hui, des petits vignobles de quartier voient le jour, inspirés par les clos cisterciens tels que celui de Villers-la-Vigne adossée à l’abbaye cistercienne de Villers-la-Ville. Revitalisé il y a un peu plus de 30 ans, en hommage à Saint Bernard, fondateur de l’ordre des cisterciens, le vignoble porte les valeurs du partage et du respect de la différence que l’on retrouve dans les vignobles de quartier.
A Genval, petite bourgade à une trentaine de kilomètres de Bruxelles, un vignoble s’étend dans tout le quartier. L’essentiel de la plantation se situe dans le jardin de la villa du Beau Site, témoin de la 2ème génération « Art Nouveau », offrant un magnifique mariage de l’art et de la nature. .
Rencontre avec Nicolas Vuille, un des fondateurs : » Ce vignoble planté en 2011 n’a aucun objectif lucratif. Il s’agit de se retrouver tous ensemble autour d’un projet fédérateur et participatif sous une ombrelle de convivialité. Nous y avons planté du Solaris : Genval, ce n’est pas encore le Sud de la France. Utilisé avec succès par plusieurs domaines belges, mais aussi en Allemagne et en Suisse, il convient particulièrement bien à notre climat et au sol limoneux ».
Lieu de rencontres d’artistes, chaque cuvée est parrainée par un écrivain et l’étiquette réalisée par un artiste local rendant les bouteilles extrêmement belles à l’image de l’atmosphère créée dans ce magnifique vignoble de quartier. Le vignoble est aussi un lieu de passage de balades artistiques d’un atelier à l’autre, d’un univers à l’autre, d’une vibration à l’autre .
Bruxelles, ma belle
A Bruxelles, le vignoble Paola est un nouvel ajout plein de charme. Dans un quartier sympathique de maisons et villas, les habitants se sont réunis pour transformer un coin de verdure en vignoble.
Grâce à un » coup de pouce citoyen » communal, des pieds de Souvignier Gris ont été plantés un 1er avril, offrant aux habitants l’occasion de s’essayer à la viticulture et un prétexte pour déguster ensemble d’autre vins belges.
L’association « Les vignerons urbains » est ainsi née, autour de Paola, doux prénom d’une reine des Belges.
Ces vignerons urbains vinifient souvent eux-mêmes comme à Villers-la-Vigne ou Genval mais bien sûr le nombre de bouteilles produites est limité, de l’ ordre de 1000 bouteilles par an et ne donne pas lieu à une commercialisation mais contribue au bonheur des membres de la communauté vigneronne et à celui des visiteurs qui peuvent quand même déguster les produits de la vigne.
D’autres petits vignobles de quartier ont depuis vu le jour dans le pays, tous portés par cet esprit collaboratif et fédérateur ancré dans l’autodérision belge et le surréalisme qui caractérisent si bien notre pays.
Marc