(ATTENTION ! il existe une version plus récente : le prix des vignes édition 2024)
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La publication annuelle des stats de la Safer est un moment toujours très attendu car ce sont elles qui révèlent les tendances du marché des vignes de l’année écoulée, 2016 en l’occurence. Rappelons que les notaires ont en effet obligation de notifier à la Safer tout projet de vente sur le marché rural. Bon, beaucoup de chiffres mais qui sont matière à réflexion…
Alors je rêve un peu,
moi qui ai (secrètement) caressé le projet de m’installer : et si j’avais gagné au loto un chèque d’un million d’euros, qu’est-ce que je pourrais m’offrir comme appellation pour ce budget ? 250 hectares d’AOC Coteaux du Vendômois (qui ne fait que 152 ha en surface totale…), ou 90 hectares d’AOC Beaujolais Villages, ou 55 hectares d’AOC Côtes de Blaye, ou 23,8 hectares d’AOC St Nicolas de Bourgueil (et oui !), ou 8,33 hectares d’AOC Bandol, ou 4,16 hectares d’AOC Pouilly-Fuissé, ou 2,22 hectares d’AOC Cornas, ou 6500 m2 d’AOC Champagne Côtes de Blanc, ou 5000 m2 d’AOC Pauillac, ou enfin 180 m2 d’AOC Bourgogne Grand Cru…
Bon, le choix est vaste, on va y réfléchir encore…
Qui achète quoi ?
Ainsi on apprend dans ces statistiques qu’il y a chaque année moins de vignerons qui achètent des vignes : ils étaient 70% en 1993, ils ne sont plus que 54% aujourd’hui. A l’inverse, le nombre de personnes physiques non professionnelles qui investissent dans le vignoble à augmenté de 18% en 1993 à 23% en 2016. Tout comme les personnes morales, professionnelles ou pas, à travers les GFV notamment.
De même le marché des vignes libres non bâties est en baisse, en nombre comme en surface et en valeur. Quelle interprétation ? Une volonté pour l’exploitant de conserver son domaine à une taille humaine, sans trop de charges, pour mieux travailler ? Alors que celui des vignes louées augmente. Encouragé par la demande des investisseurs ?
On y apprend aussi que certaines coopératives doivent faire face à une baisse de leurs adhérents (cf notre article sur la cave coopérative Uniré) mettant en danger leurs approvisionnements. De même que dans les régions les plus dynamiques, les coopérateurs préfèrent s’installer en cave particulière (cf notre article le vigneron corse et ses amphores). Du coup les coopératives acquièrent elles-mêmes les biens, prioritairement des vignes non bâties, pour les exploiter elles-mêmes ou les mettre en location.
Quant aux structures de négoce, elles cherchent à assurer ou étoffer leur gamme, tout en maîtrisant leurs approvisionnements. Avec des moyens conséquents, elles reprennent des domaines complets avec les vignes, les salariés et le reste.
Rappelons nous aussi que le 1° janvier 2016, c’était la mise en place du nouveau régime des plantations. Des opportunités se sont présentées comme celles saisies par les viticulteurs de cognac qui, pour augmenter leurs surfaces d’exploitation, ont racheté des vignes dans…le Muscadet ! Après arrachage, ils ont acquis un droit de plantation sur des terres agricoles non plantées dans leur région de production…Une bonne opération pour eux (12000€/ha dans le Muscadet contre 40000€/ha dans le Cognac) mais aussi pour des producteurs en difficulté ainsi que pour les vignerons du Pays Nantais qui voient d’un bon oeil la réduction du potentiel de production de leur appellation.
Des surfaces en baisse mais d’autres en hausse
Retour aux chiffres : 2016 c’est la première baisse du marché des vignes en surface vendues depuis 2009, faisant repasser le marché national sous les 16000 hectares. En surface, les bassins Sud-Ouest (-25%) Charentes-Cognac (-23%) et Vallée du Rhône-Provence (-17%) sont les plus touchés par cette baisse du marché. A l’opposé, les surfaces vendues augmentent de 23% en Champagne, 14% en Val de Loire-Centre et 4% en Languedoc-Roussillon.
Et des valeurs qui diminuent…
Le recul de 2,6% en valeur provient principalement des bassins Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura (-24%), Sud-Ouest (-26%) et Charentes-Cognac (-33%) en 2016. Une année noire pour le vignoble bourguignon (gel, grêle et maladie) qui s’est traduit par des rendements moyens inférieurs à la normale. Certains viticulteurs ont anticipé cette mauvaise récolte en vendant une partie de leur propriété à des investisseurs non viticulteurs. Autre exemple, en Dordogne, le marché foncier viticole fait face à une viticulture à deux vitesses : d’un côté des structures vieillissantes sans objectif ni réelle vision ; de l’autre des exploitations qui ont des projets ou qui sont reprises par des investisseurs extérieurs qui apportent du sang neuf.
mais pas partout
A l’opposé, les bassins Bordeaux-Aquitaine et Champagne réalisent des hausses de plus de 10% en valeur. Dans la Marne si l’essentiel des surfaces mises en vente est lié à des successions, de nouveaux types de cédants apparaissent : certains vignerons mis en difficulté par le recul des ventes sur les marchés français et britannique, cherchent en effet à décapitaliser pour générer de la trésorerie.
Le bassin Val de Loire-Centre connaît une croissance en valeur de 37%. Le dynamisme du marché est lié notamment en Touraine au maintien de la demande des coopératives et des structures de négoce en vignes plantées en sauvignon, ou comme on l’a vu dans le pays nantais, l’achat et l’arrachage des parcelles les moins bonnes dans le Muscadet qui ont permis la restructuration du vignoble et le maintien des prix.
Un placement de père de famille (mais plutôt riche)
Le prix moyen national des vignes AOP a enregistré, en valeur constante, une hausse ininterrompue entre 1997 et 2016. En 19 ans il est multiplié par 2,5 soutenu par la progression rapide du prix du Champagne, multiplié par 3,3 sur la même période.
Si le premier facteur d’augmentation du prix des vignes reste la baisse des taux d’intérêt, le second est le revenu viticole globalement en hausse depuis 2006. Grace notamment à la bonne santé des grands crus qui exportent hors de l’Europe et ont bénéficié de la croissance mondiale.
Cependant gardons en tête que beaucoup des données apparues en 2016 restent aujourd’hui des chiffres. Il faudra encore quelques années pour comprendre et confirmer les tendances que nous voyons apparaître aujourd’hui.
François
sources : FNSafer et Service de la statistique et de la prospective du Ministère en charge de l’Agriculture.
Image à la Une : © Ji-Elle Creative Commons
Ouuuh que ces chiffres donnent le tournis ! Cela permet de se rendre compte que même certains producteurs sont confrontés à des problèmes financiers quand on voit combien se vend un hectare de terrain !
Merci pour cet article mais aussi pour tous les autres