
La voilà aujourd’hui dans les rayonnages des librairies spécialisées co-écrit avec le pépiniériste viticole Lilian Bérillon (Grasset, 2018).
Déjà le titre n’est pas très incitatif…

Sauf que……..les auteurs mettent le doigt sur un sujet qui me turlupine depuis quelques temps : le végétal.
Lorsqu’un vigneron me parle de sélection massale, de complantation ou de viroses, je ne comprends pas toujours, et pourtant j’ai le sentiment que c’est important.
Alors ce petit manuel allait peut-être répondre à mes interrogations sur le végétal.
Et là, croyez-moi, je fus servi.
Le pépiniériste Lilian Bérillon, fils et petit-fils de pépiniéristes par sa mère et son père, a d’abord été trader en plants. Un métier qui gagne gros ; la Mercedes et tout le tralala. Il a connu son chemin de Damas lorsqu’il a trompé sciemment un couple de vignerons qui lui faisait confiance. Prise de conscience de l’aberration d’un métier poussé par le productivisme agricole. Le voilà à la tête du syndicat national des pépiniéristes viticoles à la fin des années 90.
Gros malaise dans la profession : tout le monde s’est rendu compte que nos vignes-mères, qui sont à la source de tout le vignoble français étaient malades. Il fallait arracher. Les collègues ont demandé des aides et des subventions, mais ce n’était pas la philosophie de Lilian.

Avec son associée Katia, il exploite sa pépinière de Jonquières dans le Vaucluse selon des méthodes respectueuses du végétal- un petit tour sur son site web permet de visualiser le personnage et son environnement oubliés par le livre.
Mais où est le problème ?
La vigne se meurt. Un peu de technique pour comprendre les enjeux. Il faut distinguer d’abord la sélection massale qui consiste à produire des plans à partir de vieilles variétés sélectionnées dans tous les vignobles et soigneusement sauvegardées dans des conservatoires, de la sélection clonale qui consiste à reproduire par clonage une variété sélectionnée en laboratoire.
Souvenons-nous que tout plan de vigne se compose d’un porte-greffe- une tige en bois de 30cm qui fait barrage au phylloxéra- et d’un greffon, c’est-à-dire une bouture de quelques centimètres de chardonnay, pinot noir, melon de bourgogne ou de tout autre variété.
La greffe peut être effectuée soit à la machine, c’est le greffé-soudé sur table ou effectué dans la vigne sur le raciné (le porte-greffe qui a pris racine). Il y a donc une méthode ancestrale qui coûte cher, qui prend du temps mais respecte les cycles de la nature, et une autre méthode rapide, industrialisée et pratiquée par l’immense majorité de la profession. Lilian explique parfaitement le processus avec moult détails toujours pertinents et accessibles.
Ah ! j’oubliais l’essentiel : la sélection clonale et le greffé-soudé sur table fait crever les vignes de plus en plus tôt, accablées par d’innombrables maladies. La « cuvée vieilles vignes », fierté de mon ami-vigneron, risque d’être bientôt inscrite à l’inventaire des pratiques révolues.
Lilian le lanceur d’alerte

Ne le voyez pas en ascèse, Lilian aime la fréquentation des vignerons ; il aime le bon vin et c’est ce qui le fait enrager, car le meilleur vin est produit par les vieilles vignes.
Laure Gasparotto a certainement fait tourner le magnétophone pendant de longues heures ; puis elle a construit un récit parfois amusant souvent convaincant, étayé par des données scientifiques et statistiques irréfutables comme ce Plan national Dépérissement du Vignoble, signé en 2016 entre l’État et l’ensemble de la filière viti-vinicole. L’affaire est sérieuse.
Pour ma part, je retiens que nos institutions scientifiques si réputées ont tendance à jouer à l’apprenti-sorcier avec le vivant. Dès fois qu’un gros scandale végétal pointerait son nez, y-a-pas loin !
Jean – Philippe

