Vraiment, si on ne m’avait pas poussé un peu, je ne me serais pas intéressé spontanément aux vins rosés ; à tort, comme vous allez le voir.
C’est l’œnologue Frédéric Junge, l’organisateur du congrès national des œnologues de Tours-Amboise au printemps dernier qui m’a mis la puce à l’oreille : en Val de Loire, La Palme du concours des VINALIES a été décernée au Domaine de la Petite Roche pour son rosé d’Anjou 2015, tu devrais aller voir !
On prend rendez-vous…
et par une belle journée de cet été finissant, je m’embarque pour le Haut–Layon, une belle région rurale et viticole que j’avais découverte récemment lors de la Paulée de l’Anjou noir à Passavant sur Layon. Là, nous sommes à Trémont, vous quittez la nationale et son cortège de semi-remorques, pour rejoindre le lieu-dit « la Petite Roche » , son océan de vignes et son imposant domaine bâti entourant une belle demeure angevine. C’est Antoine Poupard, responsable de la production et de la vinification qui m’accueille, un solide gaillard dans sa quarantaine, à la poignée de main vigoureuse. Le Domaine de la Petite Roche appartient à la famille Regnard depuis 1791, c’est Gwenaëlle Regnard qui en a aujourd’hui la responsabilité et m’a engagé il y a bientôt 10 ans ; nous avons l’un et l’autre la volonté de dynamiser le vignoble et d’investir vers l’avenir.
Quelques chiffres pour se faire une idée :
73 hectares plantés de vigne où le cabernet franc et le cabernet sauvignon dominent, viticulture raisonnée, enherbement et travail au sol ; une production annuelle de 4500 hl avec une gamme complète : Anjou rouge, chenin sec et moelleux, 30 000 bouteilles de fines bulles et bien sûr, les rosés.
A propos, saviez–vous que le Val de Loire est la deuxième région productrice de vin rosé derrière la Provence, avec 500 000 hl par an ?
Trop méconnus, ces rosés de Loire ; on y reviendra. Et pourtant, ils ne datent pas d’hier. Le cabernet est planté ici depuis des siècles, son jus a toujours eu des temps de macération très courts ; on l’appelait le rouget, nous signale Emile Peynaud, un peu comme le clairet de Bordeaux. Les Anglais et les Hollandais en raffolaient.
Et puis, il y a eu les excès de la chimie dans les années 80…
une image brouillée d’un vin chargé en sucre, bref le creux de la vague et depuis quelques années le renouveau, porté par une poignée de vignerons intransigeants sur la qualité. On ne fait pas du rosé par défaut, ici au Domaine Regnard, c’est notre savoir-faire, notre métier. Il ne faut pas croire qu’on choisit indifféremment de faire du cabernet d’Anjou ou de l’Anjou rouge, la vigne doit être préparée dès la taille. Je dis souvent que produire du rosé demande beaucoup de technicité, mais ce n’est pas pour autant un vin technologique. Je relance Antoine Poupard, sur la question de la technicité : Tenez, le froid devient un élément essentiel de la vinification ; ça commence à la vendange effectuée au petit matin pour avoir des raisins très frais. Après, on extrait à froid, aux environs de 7°, pour allonger les temps de macération et obtenir plus de fruits, sans pour autant que le jus devienne rouge. Enfin, on stoppe la fermentation avec du froid, ce qui permet de réduire fortement les quantités de soufre utilisé.
Nous sommes rejoints par Johandie, l’épouse d’Antoine. L’histoire de leur rencontre n’est pas banale : Johandie, la Sud-Africaine et Antoine le Français, faisaient les vendanges dans un domaine viticole australien, et voilà….Après, elle a suivi monsieur en France et contribue au développement à l’export des vins du Domaine de la Petite Roche. J’ai cru comprendre que les époux Poupard sont très présents sur les salons internationaux comme Prowein ou Chicago.
Et si on dégustait ?
Commençons par le Rosé de Loire, AOC depuis 1974, il est produit en Anjou, dans le Saumurois et en Touraine. Le cahier des charges précise qu’il doit intégrer 30% de cabernet. C’est un rosé sec, léger, délicat, agréable en bouche avec des petits amers sur la longueur ; belle couleur lumineuse rouge pâle.
Le Rosé d’Anjou, AOC depuis 1936, est un vin demi- sec, avec 15 g de sucre résiduel qui titre 10°. Antoine Poupard procède à un assemblage de grolleau/gamay très réussi qui lui a valu les plus hautes distinctions. Une robe chatoyante, couleur litchi accompagne un nez fin et élégant de bonbon anglais et fruits rouges frais (griotte). La bouche nous séduit par sa fraîcheur, son équilibre et une persistance rare. Ce vin charmera le dégustateur aussi bien en apéritif qu’en accompagnement d’une cuisine estivale. Merci Mesdames, Messieurs les œnologues pour ce commentaire élogieux associé à la Palme de 2016. On en redemande !
Le Cabernet d’Anjou, AOC depuis 1936 est aussi un vin demi-sec, assemblé exclusivement à partir de cabernet. Considéré comme un des meilleurs rosé de France, le Cabernet d’Anjou est un vin de soif agréable, d’une fraîcheur étonnante avec un nez vif de framboise et de groseille dans sa jeunesse, mais aussi des notes de rose, de bonbon anglais. Il révèle ensuite une finale très fraîche de menthe et de poivre blanc. Tendre, rond et suave, il possède une vivacité compensant son moelleux…. C’est Bernard Burtschy, du Figaro Vins qui l’écrit et moi, j’approuve des deux mains !
J’approuve d’autant plus que ces vins sont vendus autour de 5€, départ domaine. Peut-on trouver meilleur qualité/prix ?
Certainement pas sur les rives de la Méditerranée, où des rosés vineux d’une pâleur anorexique font peut-être les gros titres des foires aux vins, mais ne trompent pas les bloggers de la bande des 5 du Vin.
Jean Philippe