Du côté d’Hollywood – Provence

Une petite explication s’impose. Les trois stars du cinéma américain ont récemment jeté leur dévolu sur trois propriétés- Miraval que tout le monde connaît, château Margüi pour la Skywalker family et très récemment, le domaine de Canadel acquis par George et Amal Clooney. Toutes situées à un vol de Milan royal du château Real Martin, certainement la plus belle du quartier, assidûment courtisée par les agents immobiliers internationaux. Elle n’en a pas pour autant modifié son accueil en libre accès.

le château d’eau de la Provence

Il faut reconnaître à la Famille Paul une intuition phénoménale lorsque le père, M. Jean-Marie Paul a acquis en 2001 cet ancien domaine des Comtes de Provence et les 240 hectares de massifs calcaires, de forêts, vignes et oliveraies qui l’entourent.

Nous sommes ici au-dessus de Brignoles, à 300-400m d’altitude, au cœur de la Provence Verte surnommée le « château d’eau » pour ses nombreux lacs et rivières qui font le bonheur d’une flore et d’une faune magnifiquement préservées, surtout les sangliers ! La plus pittoresque de ces rivières à truite n’est-elle pas la real (rivière en provençal) Martin, qui passe juste en dessous ? 

Encore éblouis et un peu grisé par notre magnifique dégustation au château Real Martin, j’engage la voiture sur la départemental D554 en direction de Correns, connu pour être le « premier village bio de France ». Quand je pense que Brad Pitt, George Lucas et George Clooney ont emprunté cette route, et pas qu’une fois ! Ma fascination pour les people a déclenché une moue réprobatrice chez mon ami Eryck. Ici c’est Hollywood vineyards, nous a-t-on dit malicieusement.

le groupe discret

La Famille Paul – rien à voir avec la boulangerie – a construit en un demi-siècle dans la discrétion et l’efficacité le groupe Butard Paris, leader de la restauration évènementielle française, dirigé aujourd’hui par Dominique, l’un des fils. Si ce nom ne parle pas trop au commun des mortels, l’évocation du Pavillon d’Armenonville (bois de Boulogne), de l’hôtel Le Marois, plus une Compagnie de bistrots parisiens suffisent à situer l’univers de la maison.

Et de mieux comprendre l’achat très stratégique d’un magnifique domaine viticole provençal. 

L’étrange histoire des crus classés de Provence

Vous avez certainement vu sur les étiquettes des Châteaux Minuty, Galoupet ou encore Brégançon et bien d’autres, la mention cru classé figurer en bonne place. Voilà un signe de reconnaissance « à la bordelaise » qui signifie que le domaine ou château a une renommée distinctive par rapport aux autres. Les GCC- Grands Crus Classés- de Bordeaux attestent de l’efficacité de ce système hiérarchisé qui fixe les niveaux de prix, tant pour les bouteilles que pour l’hectare de vigne.

A la fin du XIXème, les quelques propriétaires vignerons du Var, très peu nombreux par rapport aux viticulteurs coopérateurs, enrageaient de ne pas pouvoir mettre en valeur la qualité de leurs vins et lorgnaient sur le fameux classement bordelais de 1855. Leur demande a pris un demi-siècle pour aboutir. C’est en 1955 que fut arrêtée la liste officielle de 23 domaines ou châteaux en « cru classé » essentiellement situés en Var maritime.

Évidemment rien n’a été prévu pour déclasser un domaine ou renouveler le classement comme cela se fait à Saint-Émilion. Aujourd’hui, les crus classés sont au nombre de 18( la liste ici) et bien sûr défendent bec et ongles leurs prérogatives en publiant notamment une Charte d’excellence.

Les 300 autres domaines «non classés » du Var ne sont pas contents car ils considèrent que cette distinction délivrée à vie est une rente de situation faussant les règles de concurrence, comme l’explique l’historien du vin François Collombet du Dico du Vin. On paie forcément plus cher le rosé premium d’un cru classé, est-il pour autant meilleur ? À tout le moins, il aura un goût de plus grand prestige.

polyculture bio

L’équipe locale est dirigée par Joachim Etienne, un grand gaillard tout juste quinquagénaire, en place depuis 10 ans après un joli parcours dans les crus classés de Provence. A la fois chef de culture et maître de chai, il a l’œil sur les 43 hectares de vignes jeunes et moins jeunes plantées sur d’excellents terroirs marneux argilo-calcaires.

Et aussi sur les milliers d’oliviers disséminés sur les anciennes restanques ou replantés au centre du domaine. Évidemment la culture bio s’impose dans cette nature profondément respectée. Notre huile d’olive maison (variétés picholine et cayon) est très recherchée malheureusement les quantités sont trop aléatoires, on ne fera pas plus de 400 litres cette année. Les quantités de vin produits ici sont heureusement beaucoup plus importantes, autour de 200 000 bouteilles par an, en AOP Côtes de Provence rosé à 80%. Les trois couleurs sont présentes avec notamment des rouges (cuvée Optimum) intégralement vinifiés en fût de chêne. 

L’alchimie d’un grand rosé

L’élaboration du rosé m’intrigue, il se dit tellement de choses sur les arômes et les goûts pas toujours naturels. Dans certaines régions les rosés sont mono-cépage, mais pas en Provence. Nous avons la chance d’avoir au domaine une belle diversité de cépage : grenache noir, cinsault, syrah, mourvèdre, rolle, ugni blanc, cabernet sauvignon, qui vont délivrer une large palette aromatique précise le responsable technique.

La vinification effectuée par pressurage direct ou macération pelliculaire est contrôlée au degré et à la minute près pour obtenir la couleur voulue tout en extrayant un maximum d’arômes.

assembler les couleurs

Faut-il rappeler que la couleur du vin rosé – ô combien essentielle- va dépendre de la durée et de la température lors du contact entre la peau et le jus. Dans le rosé basique – pas au château Réal Martin naturellement ! les différents cépages sont mélangés avant vinification.

Alors qu’ici, on pratique l’art de l’assemblage un peu «à la bordelaise » en associant tel et tel cépage dans telle ou telle proportion. Monsieur Paul est très attaché à l’assemblage de ses rosés. Il invite sa famille, ses proches, ses importateurs et distributeurs à participer à l’élaboration de l’assemblage ajoute Joachim.

l’expérience du traiteur

La Masterclass du millésime 2022 coachée par l’œnologue Chrystelle Gourrin, star de l’œnologie en Provence, s’annonce pointue compte tenu de la climatologie extrême de l’été. L’expertise-métier du traiteur gastronomique commande de ne jamais imposer un goût mais toujours solliciter les avis. Y aurait-il un lien entre cette pratique rare en Provence et la moisson de médailles obtenue pour la Perle de Rosé 2021 ?

Son assemblage subtil composé de grenache, cinsault, syrah et rolle – dans quelle proportion ? – a totalement séduit notre ami sommelier Jean-Michel Deluc (Le Petit Ballon) qui le qualifie de perle de fraîcheur à la trame élégante, fruité et minérale. J’y adhère à 100% en me remémorant l’effet whaouh de cette Perle de Rosé lors d’un déjeuner familial au Parc, à Boulogne-Billancourt, le bistrot sympa d’Alexandre, le frère ainé.

à la dégustation

La dégustation conduite par l’équipe commerciale propose une gamme de vins à plusieurs niveaux de complexité et de prix. Encore une fois j’ai ressenti une difficulté à apprécier pleinement les cuvées premium comme l’Optimum blanc 2021 (28€), un vin de gastronomie élégant et complexe à l’ampleur suave qui s’inscrit dans la tradition des grands blancs de Correns.

Il lui manquait quelque chose…mais oui, bien sûr ! Une jolie caille à la provençale pour lui tenir compagnie. Nous la trouverons peut-être à l’auberge de Correns où nous sommes attendus pour le déjeuner.

Une envie de s’y installer

On se sent bien à Real Martin, au point de ne pas avoir envie de partir. D’où vient la magie des lieux ? Certainement des grands espaces et leur quiétude, les arbres bicentenaires, les bâtiments viticoles et le caveau dans leur jus, les sols blancs calcaires, les chiens Pinot et Niellucciu qui vous font la fête.

Le bronze féminin du sculpteur Igor Mitoraj est un clin d’œil à Vesta, la déesse du foyer. Un peu à l’écart, derrière un porche seigneurial du XVIIIème siècle, trône la majestueuse bastide à enflammer de jalousie les stars d’Hollywood !

Jean-Philippe

Photo à la Une : ©Wine Spectator – Miraval

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

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