ça goûte comment le Banyuls ?

Génération Vignerons a souhaité explorer ici un champ nouveau de la dégustation.  Nous quittons la dégustation physique, qu’elle soit géo-sensorielle ou analytique pour aller sur le registre de l’évocation poétique.

Il nous fallait un maître dans ce registre. Qui mieux que Philippe Delerm, l’auteur du petit joyau littéraire : La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules (Gallimard 1997) pouvait nous en montrer le chemin ?

Rappelez-vous comment il en a changé notre perception :

Ça commence bien avant la gorge.

Sur les lèvres déjà cet or mousseux, fraîcheur amplifiée par l’écume,

puis lentement sur le palais bonheur tamisé d’amertume.Philippe Delerm

Dans ce même recueil Philippe Delerm s’est emparé du porto, toujours avec ses mots qui gravent à jamais l’imaginaire.

Porto, Banyuls, les deux nectars sont aussi proches gustativement que culturellement.

Qu’il veuille bien nous pardonner d’avoir substitué un nom pour un autre.

Prendre un porto banyuls
D’emblée, c’est hypocrite :
Un petit porto banyuls, alors !
On dit cela avec une infime réticence, une affabilité restrictive.
Bien sûr, on n’est pas de ces rabat-joie qui refuseraient toutes les
largesses apéritives.
Mais le
Petit porto banyuls alors !
tient davantage de la concession que de l’enthousiasme.
On jouera sa partie, mais tout petit, mezza voce, à furtives lampées.
Un porto banyuls, ça ne se boit pas, ça se sirote. C’est l’épaisseur
veloutée qui est en cause, mais aussi la parcimonie affectée. Pendant
que les autres se livrent à l’amertume triomphale et glaçonnée du
whisky, du martini-gin, on fera dans la tiédeur vieille France, dans le
fruité du jardin de curé, dans le sucré suranné – juste de quoi faire
rosir des joues de demoiselle.
Mais dans le verre, il reste seulement l’idée du noir. Plus grenat
que rubis, c’est de la lave douce où donnent des histoires de couteau,
des soleils de vengeance, et des menaces de couvent sous le fil du
poignard. Oui, toute cette violence, mais endormie par le cérémonial
du petit verre, par la sagesse des gorgées timides. A chaque lampée,
on laisse le porto banyuls remonter vers une source chaude. C’est un plaisir à
l’envers, qui s’épanouit à contretemps, quand la sobriété se fait
sournoise. A chaque coup de langue en rouge et noir monte plus fort
le lourd velours…

Philippe Delerm (Gallimard 1997)

lire aussi : notre article autour de la dégustation des vins doux naturels

Jean-Philippe

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.
Catégories : cépages et terroirs

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