Collioure et Banyuls, terres du bout de la France

A l’heure où le soleil apparaît timidement dans les cieux de nos régions plus septentrionales, je vous invite à voyager dans la zone viticole la plus méridionale de France : le Roussillon.

LA COTE VERMEILLE, BIJOU CULTUREL ET VITICOLE

Côtoyant une mer de camaïeux, les falaises aux arêtes schisteuses ciselées et les verdoyants vallons couverts de vignes compose une côte légendaire : la Côte Vermeille. Le nom reflète les couleurs que prend la roche aux levers et couchers du soleil.

Située à l’extrême sud est des Pyrénées, historiquement en région Catalogne et actuellement en Roussillon et plus exactement en Pyrénées Orientales, cette zone frontalière fut l’objet des luttes incessantes et tumultueuses entre la France et l’Espagne jusqu’au traité de Bayonne de 1866 qui fixa définitivement la frontière entre les deux pays.

Un peuple coupé en deux

Toutefois, cette nouvelle délimitation a scindé un peuple en deux : les catalans.

Outre une identité bien marquée et de nombreuses traces patrimoniales témoignant d’un passé riche et houleux, les Pyrénées Orientales proposent une belle diversité géographique en raison de son emplacement entre la chaîne des Pyrénées, les Corbières, les Albères et la Méditerranée qui bordent de part et d’autre, la plaine du Roussillon. Terre de contrastes, elle offre de nombreux sites naturels et culturels à découvrir : massif du Canigou, monuments historiques, réserves naturelles terrestres et maritimes…

des anchois et des couleurs

Revenons à la Côte Vermeille. Celle-ci a inspiré nombre d’artistes peintres, subjugués par Collioure, appelée le « joyau de la Côte Vermeille » et la belle variété de ses couleurs.

Collioure a effectivement tout d’un bijou : renommée pour son port et ses anchois, la Belle offre une sélection de sites touristiques à en faire pâlir plus d’un, dont le Château Royal, le Fort Saint Elme, le chemin du Fauvisme et les œuvres de Matisse et Derain, son moulin à huile, ses conserveries d’anchois…

Ancien village catalan de pêcheurs, il faut s’y perdre (en dehors des périodes touristiques) : déambuler dans les ruelles médiévales et fleuries, flâner sur son marché, admirer les maisons colorées et pittoresques ou encore les fameuses barques catalanes…

Petit rappel historique

Situé à une position géographique stratégique, cet important port marchand permet dès l’antiquité l’échange de produits et de denrées rares. Mentionné pour la première fois en 673, le château commencera à être fortifier dès 981 par les comtes du Roussillon.

A compter du XIIème et durant cinq siècles, Collioure sera annexé successivement aux royaumes d’Aragon, de Majorque et de France.

COLLIOURE, BANYULS : APPELLATIONS DU SOLEIL ET DU VENT

C’est ici que les Pyrénées rencontrent la Méditerranée et que les vignes semblent toucher la mer. Le paysage montagneux amène une grande diversité de méso-climats en raison de la variété des expositions, orientations, inclinaisons des parcelles. L’architecture du vignoble est atypique.

En raison de la forte pente, les vignes sont plantées en étroites terrasses où elles font face à la rudesse du climat : chaleur & sécheresse, toutefois tempérées par l’air marin, ensoleillement intense & tramontane, vent dominant sec du Nord …

Autant d’éléments signature qui obligent à des pratiques culturales spécifiques (absence de palissage, cépages résistants à la sécheresse, faible rendement, mécanisation impossible donc travail uniquement manuel…) et qui permettent une utilisation moindre des traitements phytosanitaires.

la viticulture héroïque

Des murettes de pierres sèches évitent le ravinement lors des fortes pluies qui peuvent alors entraîner la fine strate de terre, posée sur une roche majoritairement composée de schistes gris.

Nous appelons cela la viticulture héroïque. La conjugaison du travail des hommes, du climat et du lieu donne cette identité si spécifique aux vins de ce pays de cocagne.

L’AOP Collioure est l’appellation la plus méridionale de France et se partage la même zone géographique que sa sœur, l’AOP Banyuls.

Elle couvre quatre villages : Collioure, Banyuls, Cerbère et Port-Vendres.

Les vins secs de Collioure se déclinent en rouges, blancs et rosés, avec trois cépages stars : les grenaches rouge, blanc et gris ; pouvant être complétés par la syrah, le mourvèdre, le carignan, le cinsault, la malvoisie, le macabeu, la marsanne, la roussanne et le vermentino.

Les Collioure rouges sont aussi bien des vins gourmands aux notes de petits fruits rouges frais parfois mentholées que charnus et complexes avec des notes de fruits à noyau mûrs et d’épices parfois torréfiées. Généreux en bouche, les meilleurs se distingueront grâce à leur souplesse et à leur rondeur.

Les blancs, le plus souvent riches et intenses, mêlent agrumes, fruits blancs, fleurs et anis. Ils peuvent se montrer exubérants mais les meilleurs afficheront une finesse et une fraîcheur bienvenues. La proximité de la mer procure aux vins une certaine note dite iodée.

Les rosés sont puissants tout en conservant une certaine fraîcheur.

Notons l’existence de l’IGP Côte Vermeille regroupant les vins tranquilles rouges, blancs et rosés.

DOMAINE DE LA TOUR VIEILLE ET VINS DE COLLIOURE

Située sur la commune de Collioure, le domaine de la Tour Vieille présente une belle gamme de vins que ce soit en appellation Collioure qu’en Banyuls.

En 1982, Vincent Cantié reprend les vignes familiales auxquelles s’ajouteront celles de Christine Campadieu quelques années plus tard. Les rendements du domaine sont relativement faibles : 40hl/ha, afin d’assurer qualité et maturité.

Les trois cépages rouge du domaine en AOP Collioure

Les trois cépages rouges sont présentés sur trois cuvées d’assemblage où chacun est majoritaire donnant au vin toute sa spécificité :

La Pinède (2018/19 – 13 €) – grenache majoritaire – peut être bu jeune ou au bout de 3 ou 4 ans. Son côté fruité et gourmand s’accommodera parfaitement de grillades.

Puig Oriol (2018/19-15 €) – syrah majoritaire – est structuré et équilibré. Il s’exprimera totalement au bout de 4 à 6 ans. Ses notes poivrées se marieront avec des viandes cuisinées comme le petit gibier.

Puig Ambeille (2018/19-15 €) – mourvèdre majoritaire – est une ode à ce cépage méditerranéen. Complexe et épicé, il est conseillé d’attendre une petite dizaine d’années avant de le déguster, accompagné par exemple d’un gigot d’agneau ou d’un magret de canard. Le côté charnu du blanc,

Les Canadells (2018/19 -15 €) – 40% grenache gris, 30% grenache blanc, macabeu et roussanne – équilibré par une « fraîcheur iodée » sublimera poissons et viandes en sauce, anchois marinés ou encore une tomme de brebis des Pyrénées.

LE BANYULS, TRESOR DOUX NATUREL

Les VDN (Vins Doux Naturels) sont les descendants des vins sucrés antiques dont étaient friands les Romains. En 1285, Arnau de Villanova, professeur de médecine à la faculté de Montpellier, découvrit le principe du mutage. Ce procédé consiste en l’ajout d’un alcool au cours de la fermentation en vue d’arrêter cette dernière. Ainsi, le vin conserve une grande partie de ses sucres non-fermentés : il en résulte cette douceur naturelle. Couvrant la même zone géographique que celle des vins tranquilles, les AOP Banyuls et Banyuls Grand Cru correspondent à un vin doux naturel dont les cépages autorisés sont les trois grenaches, le muscat à petits grains, le muscat d’Alexandrie, le macabeu, le tourbat (malvoisie du Roussillon), complétés par le carignan, le cinsault et la syrah.

Deux méthodes de vieillissement

Le caractère des Banyuls est notamment déterminé par leur mode de vieillissement. Deux méthodes existent :

-réductive : élevés quelques mois en fûts de chêne ou en cuves inox, il n’y a peu voire pas de contact avec l’oxygène avant l’embouteillage. Ils sont frais et fruités et ont des arômes d’agrumes, pêche, coing, ananas, fleurs pour les blancs ou fruits rouges et noirs, prune, cerise, grenadine pour les rouges. Conservation de la fraîcheur des arômes primaires : Banyuls rosé, Banyuls rimage (rouge), Banyuls rimage « mise tardive » (rouge), Banyuls blanc.

-oxydative : élevés de plusieurs mois dans des foudres en bois ouverts et non remplis pour encourager l’oxydation et rechercher des arômes spécifiques : fruits confits, cuits, secs, épices, moka, café, chocolat, tabac : Banyuls Hors d’Age (rouge élevé minimum 5 ans), Banyuls Traditionnel (élevé minimum 30 mois, communément appelé Tuilé pour les rouges et Ambré pour les blancs), Rancio.

Les Rancios, subissent un vieillissement de plus de 5 ans en bonbonnes de verres en extérieur exposés au soleil pour accélérer l’oxydation et donner un côté madérisé avec des arômes de noix, zestes d’oranges, résine de pin, fenugrec et caramel.

Quant aux Banyuls Grand Cru, ils sont produits uniquement les meilleures années, ont une plus forte proportion de grenache noir (au moins 75%) et vieilli au moins 30 mois.

 

DOMAINE DE LA TOUR VIEILLE ET VINS DE BANYULS

Les Banyuls, qu’ils soient élevés en milieu réducteur ou oxydatif, témoignent de la riche culture viticole du Roussillon et de son identité emblématique et singulière. Uniques, ils offrent une rare complexité et une persistance aromatiques d’une incroyable longueur. Ils donnent le change aux meilleurs portos.

Le domaine de la Tour Vieille propose trois Banyuls élevés en milieu réducteur :

Blanc Doux (2018, 12 € les 50 cl) : fruité et suave ; à servir avec une île flottante, une crème catalane, du nougat ou un Roquefort.

Rimage (2018/19, 12 € les 50 cl) : aux arômes de petits fruits rouges et noirs ; à proposer avec une tarte de fruits ou des fromages frais accompagnés de confiture de cerise.

Rimage Mise Tardive (2016/18, 17 € les 75cl) : gourmand et généreux, à accorder avec un fromage frais de chèvre et de brebis ou des desserts à base de fruits confits et d’orange amère.

Vous pourrez également découvrir deux Banyuls vieillis en milieu oxydatif :

Reserva (18 € les 75 cl) Rouge : il est élevé 6 ans dont une partie pendant plus d’un an en bonbonnes de verre .

Il se marie avec le chocolat, la frangipane et le pain d’épices.

 

 

Vin de méditation, Rancio Doux Blanc (50 € les 50 cl) : vin confidentiel élevé en solera, un système d’élevage ancestral, la base de ce Banyuls date de 1952 ! Les longues années de vieillissement lui confèrent des arômes de fruits secs, cire et moka ainsi qu’une incroyable longueur et une riche complexité.

Il se déguste à 18°C seul, pour lui-même, en prenant son temps.

Nous pouvons le décrire comme un lever de soleil un matin d’été depuis l’une des criques de la Côte Vermeille.

 

Mémoires d’automnes, Rancio Sec Blanc (15€ les 50 cl) : élevé 5 ans, c’est un vin d’initiés aux notes de noix fraîche, de zestes de citrons et de moka. Bien que sec, son onctuosité et sa souplesse en bouche lui permet de s’associer avec une anchoïade, des huîtres ou des fromages à pâte dure (comté, parmesan).

Je vous conseille vivement ce domaine pour la qualité de ses vins, la chaleur de son accueil, sa vue magnifique. Vous ne verrez pas le temps passer et quand vous en sortirez, vous aurez l’impression d’avoir fait un voyage dans un autre monde !

le Banyuls à la peine

L’œnotourisme, c’est également appréhender une région et ses vins à travers ses salons. Pour notre plus grand désarroi, ceux-ci ont bien en peine actuellement mais nous ne doutons pas de leur reprise haute et forte prochainement…

Soulignons que le Roussillon est le premier producteur national de vins biologiques et biodynamiques : 30% de la production française et 9% de la production mondiale en sont issues.

Les mouvements bio et biodynamique y sont très prégnants, grâce à la combinaison d’un climat propice, la présence de vieilles vignes et l’implication de producteurs ouverts et motivés.

C’est une région modèle en matière de respect de l’environnement et de préservation des traditions viticoles ancestrales. Toutefois, la région doit faire face aux changements climatiques, véritable défi pour les hommes et les vignes qui modifiera indubitablement le visage des vins de demain.

En témoigne cet article de France 3 Occitanie sur le Banyuls, menacé de disparaître, malgré son exceptionnelle singularité et le combat des producteurs.

Caroline

Photo à la Une : ©cru Banyuls Collioure

Ecrit par Caroline PELLOT
--------------------------------------------------------------------- Une valise dans une main, un verre dans l’autre, Caroline est toujours enthousiaste à l’idée de découvrir vins, spiritueux et autres délices qui s’inscrivent dans l’histoire des hommes et dans leur culture. Titulaire d'un DU oenotourisme et du WSET3, Caroline n’hésite pas à prendre la plume pour faire partager aux lecteurs son goût pour le voyage, les rencontres et la dégustation.

2 commentaires

  1. Jean-Claude Bonnaud dit :

    Bonjour Caroline,
    J’ai beaucoup apprécié cet article sur le Roussillon, d’autant que j’aime… le soleil et le vent.
    Bonne continuation.
    Jean-Claude Bonnaud

  2. Caroline Pellot dit :

    Bonjour Jean-Claude, il est agréable, en ces temps plutôt sombres, d’amener un peu de soleil qui réchauffe nos cœurs, des couleurs qui réveillent nos sens et un vent qui vivifie nos esprits ! À bientôt.

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