Les pays du Nouveau Monde sont plutôt pauvres en patrimoine historique et l’Afrique du Sud ne fait pas exception à la règle. Alors quand le pays tient le joyau symbolique de l’implantation de ses premiers résidents, il le bichonne et le vénère. Constantia est un peu le Versailles du Cap me dit Denis Garret. Très proche du centre-ville, sur le côté est de la montagne de la Table, la Constantia Valley s’étend sur un petit millier d’hectares dont la moitié est plantée en vigne.
C’est ici que le premier gouverneur de la colonie néerlandaise, Simon Van Der Stel, fit planter des vignes il y a 350 ans ; il s’agissait du cépage muscat de Frontignan. Ce même gouverneur fit venir les premiers Huguenots, comme nous en parlons dans le coin français.
Précisons que la colonie néerlandaise du Cap, à la fin du XVIIème siècle, avait pour mission de constituer une halte d’avitaillement pour les navires de la Compagnie des Indes orientales qui revenaient d’Asie chargés de mille trésors. Les capitaines avaient besoin de denrées fraîches pour boucler les 6 derniers mois de mer qui les séparaient de la République des Provinces Unies.
Ce vin de Constance – un vin de liqueur – connut un succès spectaculaire au 18ème siècle ; les cours royales d’Europe en raffolaient, supplantant souvent le Tokay de Hongrie ou le Château Yquem, la romancière anglaise Jane Austen a dit qu’il était le meilleur remède aux cœurs brisés. Enfin, il est avéré que Napoléon exilé à Saint Hélène et privé de son Chambertin favori en fit sa boisson de fin de vie.
Un long déclin s’amorça au 19 et 20ème siècles
pour de multiples raisons parmi lesquelles l’ouverture du canal de Suez, la crise du phylloxéra et l’apartheid. Bref, le renouveau remonte à 20 ans, pas plus.
Aujourd’hui le vignoble est exploité par une demi-douzaine de domaines dont les « historiques » : Groot Constantia, Klein Constantia, Buitenverwatching, ceux qui revendiquent la production du fameux vin de liqueur.
La vie collective à Constantia Valley est ponctuée de visites touristiques, de ventes aux enchères et une fête du vin annuelle qui rassemble plusieurs milliers de participants.
Ambiance club à l’Anglaise.
Allez, je le dis, la vallée m’a complètement séduit.
Météo toujours au beau fixe, paysage fleuri d’une grande beauté, arbres centenaires, vignes au cordeau, majestueux bâtiments et manoirs admirablement entretenus, propriétés privées huppées, restaurants raffinés- mais où étaient les cars de touristes ?
Nous avions rendez-vous avec Hans Astrom, un suédois d’immense culture, directeur du domaine de Klein Constantia, qui nous avait convié à rejoindre la visite dédiée aux étudiants du Master of Wine Management de l’OIV. Un plaisir de se retrouver avec un groupe d’étudiants multiculturels accompagné de leur directeur Nicolas Goldschmidt, qui font un tour du monde des vignobles pendant 18 mois pour acquérir une vision globale du monde viti-vinicole.
Tiens, n’est-ce pas un peu notre ambition à Génération Vignerons ? On apprend que les 70 ha du vignoble de Klein Constantia, le plus haut de la vallée, est à la croisée de l’influence des deux océans- petite parenthèse, n’oubliez pas d’aller au Cap de Bonne Espérance pour voir réellement la jonction des deux océans – du vent, de la salinité pour l’Atlantique, de la douceur pour l’océan indien. Il est évident qu’un tel terroir donne de la typicité aux vignes et aux vins, une typicité unique au monde ; en marketing du vin, ça vaut de l’or. Les propriétaires du domaine Klein Constantia l’ont bien compris.
Ici, rien n’est trop beau,
tout est neuf, de la cuverie à la salle de dégustation, et on replante sans cesse les vignes ; tiens, y aurait-il de la casse à la croisée des deux océans ? Notre fierté est cette parcelle de 14 ha, replantée en muscat ; avec des raisins récoltés en passerillage, nous voulons renouer avec la tradition séculaire du Vin de Constance nous indique Hans en précisant que le domaine emploie 115 travailleurs à plein temps, ce qui lui permet de récolter ses raisins de muscat, grappe par grappe sur 3 mois. Quel luxe !
Mes amis de l’AOC Quarts de Chaume qui peinent à recruter un ouvrier agricole apprécieraient surement de pouvoir disposer d’une telle main d’œuvre.
La dégustation a mis en avant le joli Metis, 100% sauvignon blanc conseillé par le sancerrois Pascal Jolivet- métissage culturel France –Afrique du Sud ? Crisp in mouth, je ne sais pas traduire ce mélange d’acidité, de fraîcheur, de consistance. Notre groupe bien studieux a eu droit à sa récompense, soit la dégustation de quelques gouttes du divin nectar- le liquoreux Vin De Constance 2013. Après 4 ans de vieillissement cuve et barrique de chêne français, il est proposé en élégante bouteille de 50cl vendue quand même 70€ à la propriété. Le nez est puissamment aromatique, kumquat, orange sanguine, ananas mais je trouve la bouche un peu lourde de sucre. Regards croisés avec Denis, petite grimace, où est la fraîcheur ?
Allez, mes amis producteurs du Grand Cru Quarts de Chaume, pas de découragements, continuez la bataille des World Class Wines !
Fin.
Jean Philippe