Arinto, Tamars, Excelsior (ou Liona), Fernão Pires, Muscat Redondo, Boal d’Alicante, Vale Grosso (ou Manteúdo), Alva (ou Roupeiro ou Siria), Muscat Banana, Red Ceuta, Pearl (ou Assario), Arinto Galicien, Ferral, Trincadeira, Aragonez, Tinta Francesa ou Alicante Bouschet, Grand Noir ou Grand Bouschet, Tinta de Olho Branco, Hamburg Muscat, Periquita ou Castelão, Moreto…
Ces noms vous parlent ? Certains oui, d’autres non…
C’est ça le Portugal ! Des variétés de vignes infinies que les scientifiques et passionnés d’œnologie continuent de découvrir.
D’ailleurs, ces vieilles vignes découvertes sur l’unique terroir en altitude de l’Alentejo, au nord de la région à l’entrée des montagnes (800 mètres d’altitude) près de la frontière espagnole, font l’objet d’expérimentation depuis quelques années.
Aux portes de la jolie bourgade de Portalegre, capitale du nord de l’Alentejo, et à l’entrée du parc national de São Mamede, Miguel, œnologue arrivé fraichement dans la propriété Adega Portalegre Winery nous accueille tout sourire.
L’altitude au nord pour une fraicheur aromatique
Portalegre, de l’ancien nom Portus Alacer (port sec de montagne) est entourée de faune et flore à profusion avec un climat plutôt sec, témoigne d’un riche passé industriel de liège, de textile et lainage.
L’Adega Portalegre winery, située aux portes d’entrée de la ville et à deux pas de ses parcelles de vignes, était autrefois une coopérative de vignerons locaux, créée en 1954.
Elle a récemment été acquise par les propriétaires d’une célèbre liqueur portugaise, la Beirao, une création traditionnelle depuis la fin du XIXème siècle à base de graines et plantes aromatiques par une famille originaire de la région sud-ouest de Coïmbra, toujours installée aujourd’hui au cœur du domaine de la Quinta do Meiral.
Le domaine Portalegre représente environ 28 hectares d’exploitation. Outre ces parcelles quasiment d’un seul tenant au pied des montagnes, vous pourrez découvrir ça et là sur les routes sinueuses de montagnes d’autres parcelles de vieilles vignes en gobelet des 66 vignerons avec qui collabore l’exploitation.
Des grappes rouges sous les feuilles blanches
Lors de notre visite, les belles vignes affichaient de belles grappes rouges, prêtes à être vendangées dès le 15 août pour conserver au maximum la fraicheur aromatique selon Miguel.
Les grandes feuilles de vignes sont toutes blanches sous ce soleil de plomb affichant plus de 35 degrés. N’ayez crainte, ce ne sont pas des produits chimiques mais de la craie pulvérisée pour protéger les plantes des rayons du soleil tout comme vous vous tartineriez de crème solaire (qui elle pourrait être plus toxique pour vous que la craie pour la vigne ?).
500 hectolitres de nectar en appellation Alentejo DOC sorte chaque année de
.Miguel explique qu’il existe ici une telle variété de sols, avec des parties tantôt calcaires, d’autres de schistes ou encore de granit et une richesse de variétés de vignes dont certaines encore à découvrir que les combinaisons de création de vins sont infinies.
Une réserve de fraicheur
Il ajoute : « Cette région de l’Alentejo est encore peu connue mais présente un grand potentiel grâce à la fraicheur apportée par l’altitude des montagnes. Même des vignerons et grands domaines situés sur les plateaux bas de l’Alentejo viennent s’approvisionner ici en raisins ! Ici, les nuits sont plus fraiches avec 15 degrés en été la nuit versus 40 degrés le jour, grâce aux 500 mètres voire 650 mètres d’altitude.
J’aime l’idée de garder la fraicheur aromatique avec une belle acidité et une explosion d’arômes fruités. Cela diminue aussi le risque de taux élevé d’alcool auquel les plateaux bas de la région doivent faire face. Mon idée est de faire des vins de garde et l’acidité d’ici permet cela. »
Miguel rêve d’une fraicheur pour des vins qu’il imagine même à déguster dans 40 ans ! Voilà la nouvelle stratégie du domaine : orienter la gamme vers des vins haut de gamme et de garde. A cela, ils ont même introduit l’utilisation de barriques françaises.
Des parcelles de vieilles vignes à l’étude
Certaines parcelles sont irriguées pour remédier à la sécheresse du mois d’août, ce sont les jeunes vignes qui en ont le plus besoin. Les plus vieilles vignes ne sont pas irriguées car du haut de leur cinquante ans d’âge, voire même quatre-vingt et plus (viñas velhas), elles ont appris à s’acclimater !
Même si la fraicheur est une caractéristique différenciatrice des plateaux hauts, le constat est là : chaque année la sécheresse s’accentue de plus en plus et le besoin d’irriguer grandit.
Nous voici plantés devant quelques rangées de grands pieds tortueux et majestueux ! Ces ceps ancestraux ont dû en voir des têtes passer : aragonês, alicante bouschet, trincadeira, arinto, fernão Pires, peruga, bical…se présentent à nous !
Et encore, même Miguel s’y perd et continue ses découvertes au cœur de ces parcelles de vieilles vignes mélangées. Il explique que la vigne a l’époque des grands-parents et même arrière grands-parents était considérée comme de la simple agriculture.
Alors, en ces temps-là, on mélangeait toutes les variétés ensemble et parfois même avec le jardin potager: bref, la permaculture existait déjà finalement… Rien de nouveau alors avec ce concept à la mode ? « On mélangeait même les blancs et les rouges », ajoute Miguel.
Pour éviter les pics de chaleur, le travail dans la vigne se réalise entre 6 heures et 14 heures. Les équipes tentent aujourd’hui de dissocier les cépages et récolter par variété avec en priorité les vieilles vignes avant de terminer par le blanc, l’arinto ! Les vendanges s’étaleront sur 5 semaines.
Et le réchauffement climatique dans tout ça?
Oui la fraicheur est là mais ça se réchauffe chaque année ! Alors comme les oenophiles, la réflexion sur la plantation d’autres cépages nationaux face à la chaleur se pose. En attendant, l’équipe préserve ses vieilles vignes tout en expérimentant une large variété de vignes, avec ou sans irrigation selon les âges et cela prendra encore quelques années à Miguel avant de trouver les combinaisons parfaites.
A ce jour, la production reste nationale et commence peu à peu l’export vers la France, la Russie et le Brésil notamment. Toutes les vendanges sont manuelles, tout comme le travail de la viticulture.
Le positionnement des vignes avec une exposition est/ouest est stratégique sur ces hauteurs : elle permet d’éviter l’effet « plein sud – plein soleil » sur les fruits et de finir avec de la compote de fruits noirs !
Et comme en France, le constat de la difficulté à trouver de la main d’œuvre disponible, motivée et qualifiée fait l’éternel débat.
Des cépages oubliés remis en lumière
Des anciens cépages oubliés ont été plantés ici comme la grand noire ou tinta negra, les anciens l’appellent tinta francesa, pour ses origines françaises soi-disant. Cette belle dame produit un jus très coloré et qui plus est assez épicé sur la palette aromatique. Miguel ne s’arrête plus lors de notre visite, pris par la passion de ses découvertes : nous sillonnons les petites parcelles cachées derrière de vieux murets en pierres : des vignes à l’état sauvage, de véritables « bush vines » ou « vignes en gobelet » nous accueillent.
Un novice pourrait se dire qu’il faut arracher ses vieux buissons. Jamais, il n’imaginerait pas que ces petits pieds tout secs produisent encore, certes des grappes en petite quantité, mais des vins merveilleux !
Cette parcelle de 7 hectares est un bijou d’histoire: l’âge des vignes est estimé entre 80 et 130 ans pour certaines ! Elles ont même survécu au phylloxera, étant francs de pied ! C’est dire la complexité aromatique que vous aurez en bouche (et au nez, ne l’oublions pas !). Par exemple, le vieux cépage bical intègrera les vins blancs haut de gamme de la maison.
La biodiversité
: on laisse les plantes se côtoyer tout en observant et analysant les interactions.La présence d’une variété de vieux chênes, de vieux oliviers, d’asperges sauvages, d’aubépine, de chênes lièges a été répertorié et joue certainement sur le résultat de la palette aromatique des raisins !
Donner un nouveau souffle
L’objectif de Miguel et de l’Adega est clair : retravailler la gamme vers le haut et privilégier la qualité au volume : les équipes se penchent tant sur la réflexion autour de nouvelles étiquettes et que de nouveaux essais en vinification.
Pour la macération, Miguel a choisi d’utiliser un chapeau de raisins avec en bas du chapeau 50% de grappes entières et 50% de grappes éraflées, pour préserver un côté vert au vin. Chaque année, de nouveaux fûts arrivent pour faire tourner les barriques et assurer une continuité dans l’apport aromatique du bois. Les barriques seront conservées au maximum 10 ans !
Audrey