Nouvelle incursion dans l’univers du Whisky en un peu plus d’un mois, mais le whisky français cette fois. Pourtant qu’il y a-t-il de commun entre le travail d’un distillateur et celui d’un vigneron ? Pas mal de choses aux yeux de Génération Vignerons : la démarche artisanale, le sens de l’esthétisme beaucoup d’exigence et un certain goût pour la perfection…
A soixante kilomètres à l’ouest d’Angoulême, je vous emmène à Bercloux, petit village de 460 habitants, en pleine zone de production du cognac, dans le cru des Fins Bois, là où est produite la majeure partie des vins destinés à cette eau de vie. Ici le paysage est façonné autour des vignes d’ugni blanc.
Philippe Laclie, 45 ans, issu de la cinquième génération de producteurs de cognac, ne se voyait pourtant pas assurer une continuité dont la plupart des règles sont déjà écrites. Armé d’un BTS viti-oeno, Il voulait sortir des sentiers battus.
out of the box
Sa première expérience disruptive, il la tente à l’âge de 21 ans en créant la brasserie Bercloux qui produit la Bercloise. De la bière au pays du cognac ! Premiers contacts avec le malt…
Mise au point d’une large gamme de bières : bière blanche, bière blonde, bière ambrée, noire, ou bière au cognac. Son slogan ? la Bercloise la Brasserie Qu’en Brasse !
Avec à la clé une médaille d’argent au Concours Général Agricole 2011. Quand même.
Et puis voilà : ce sont ses gènes qui le rattrapent, une nouvelle idée qui germe : après s’être essayé au whisky en achetant un blend importé d’Ecosse qu’il vieillit lui même en fût de pineau -ce qui deviendra sa marque de fabrique- il décide en 2014 d’acheter un alambic. Une nouvelle passion s’installe qui ne le quittera plus : La distillation.
Un whisky qui me ressemble
Dès lors ce qui devient la distillerie Bercloux s’essaye à toutes sortes de liqueurs, coings, pêches, pommes, menthe, mais aussi de la verveine, de l’absinthe, du pastis du gin et…du whisky qui ne pourra réellement porter son nom qu’au bout de 3 ans de vieillissement. Les premières commercialisations ont lieu en 2018.
Philippe Laclie : Je ne suis jamais allé visiter d’autres distilleries, on n’a pas été en Ecosse chercher du savoir-faire, on fait à notre façon, moi j’ai la chance d’être d’une région de cognacs, on a un vrai savoir-faire au niveau de la distillation, un vrai savoir-faire au niveau de la tonnellerie, le mieux pour faire quelque chose qui nous soit personnel et qui nous ressemble ? C’est de ne pas copier.
Mon alambic et moi : toute une histoire
Mais le secret du whisky de Bercloux ne trouve-t-il pas ses racines en 2012 dans la rencontre avec Jean-Louis Stupfler, 3ème génération du fabricant d’alambics éponymes ? Jean-Louis m’a fait gouter une eau de vie d’abricot. Je suis très émotif comme garçon. J’avais l’impression d’avoir l’abricot dans le verre ! c’était magique…
L’une des spécificités des alambics Stupfler®, c’est la multiplication des points de contacts -30.000 environ- avec les vapeurs d’alcool à travers une colonne brevetée très particulière. Philippe Laclie est convaincu que cette technologie peut être parfaitement adaptée à la distillation de moûts de céréales.
Philippe : L’avantage avec cette colonne c’est qu’on est capable de garder la même température pendant toute la distillation …C’est intéressant quand on associe les bonnes molécules, les bonnes plages de goût, à certains TAV (titre alcoométrique volumique)…
Avec émotion, la main posée à plat sur la colonne, l’artiste nous confie : Il est petit, il est modeste, on ne charge que 800 litres -8 hecto- mais c’est aussi la force de cet alambic : on fait de bonnes distillations avec de petits alambics. Je vais sortir une soixantaine de litres sur une distillation, c’est tout petit ! à 70% d’alcool !
Un cycle de distillation dure 4 heures. L’alambic fait 6 chauffes par jour. Maintenant il fonctionne automatiquement. Mais pour y arriver…
addict à l’alambic
Les 2 premières années J’ai passé beaucoup de temps à l’observer, j’avais installé mon canapé devant ! J’ai appris à l’écouter le sentir, savoir comment il réagit, tous les bruits ! Je me suis rendu addict !
La machine est donc automatisée, nous l’avons dit, et Philippe peut y avoir accès avec un téléphone à distance : il charge tout seul, il chauffe tout seul, il distille tout seul, il s’arrête, il nettoie, il vide, il recharge. Il se débrouille.
En sortie d’alambic, Philippe se penche pour humer : oups ! je crois que j’ai mis aussi la langue…C’est pas fort, c’est gras, on a l’impression que c’est sucré mais pas du tout, c’est la sucrosité !
Et moi je peux aussi ?
l’esprit d’aventure toujours au rendez-vous
Se lancer de nouveaux défis. Philippe Laclie n’en a pas fini. A la fin de l’année dernière, il s’est rapproché des Bienheureux, la dynamique équipe propriétaire du Whisky Bellevoye dont il était déjà l’un des fournisseurs. A eux le marketing, la force de leur circuit de distribution. A lui de se concentrer sur la production avec bientôt un deuxième alambic Stupfler et aussi la R&D : il y a tant de choses encore à expérimenter !
Et puis il y aussi l’aventure du whisky français qui s’est constitué en fédération en 2017. Philippe est un membre actif de ce qui était pour lui au début plutôt un club.
Aujourd’hui avec près de 60 adhérents, la profession nécessite de se structurer, aller discuter avec l’administration, l’Inao…On est un pays d’entrepreneurs, mais avec le frein à main serré ! Pas facile d’avancer comme ça…
homme public H24
A relire le portrait de Philippe Laclie, on pourrait s’imaginer un touche à tout un peu dilettante. Vraiment ? Philippe cache bien son jeu : il termine son deuxième mandat de maire de sa municipalité et se prépare à enchaîner un troisième.
Avec à la clé les problèmes d’une petite commune qui viennent interférer dans son quotidien -et dans notre interview par la même occasion- comme les disputes de voisinage dans lesquelles il faut aller s’interposer.
Allez on se calme, on respire tous le même air !
François