La Belgique a été créée en 1830, il y a bientôt deux cents ans. Un de ses points forts a toujours été un doux mélange d’accueil, de surréalisme, de gastronomie et de boissons conviviales, dont notamment bien sûr la bière, en particulier d’abbaye.
La Belgique, terre de vins méconnue
Mais ce qu’on sait moins, c’est que les abbayes ont aussi installé une présence viticole depuis près de 900 ans. C’est le cas de l’abbaye de Villers-la-Ville à 30 kilomètres de Bruxelles, fille de l’abbaye de Clairvaux en champagne.
Longtemps propriétaire de vignobles dans la région rhénane, elle en a acquis par la suite dans la région de Louvain en Belgique. Il reste aujourd’hui un magnifique vignoble didactique, Villers-la-Vigne, jumelé au vignoble de Montmartre et de la citadelle de Blaye.
Malheureusement, au Moyen-Age, une mini-période glaciaire immortalisée par le tableau de Bruegel, paysage d’hiver, où l’on voit des patineurs sur glace, a fait péricliter la vigne.
Vers 1960, la viticulture a enfin repris progressivement son chemin vers la réalisation de vins de qualité et ne l’a plus quitté depuis.
Aujourd’hui, on compte plus de trois cent vingt vignerons en Belgique, avec une croissance annuelle de 10% sur une surface qui approche les mille hectares. Nous en sommes fiers même si cela représente une superficie 880 fois moindre que la France ! La production annuelle est aussi en croissance, sauf en ce qui concerne l’annus horribilis de 2024.
Une géologie et un climat favorable aux vins effervescents
Sur cette terre dont les propriétés géologiques sont très variables d’une région à l’autre et dont le climat est tempéré, la moitié des cépages plantés sont traditionnels comme le chardonnay et le pinot noir et l’autre moitié des cépages interspécifiques comme le solaris et le johanniter, adaptés aux conditions locales et d’avantage résistants aux maladies. C’est une des caractéristiques de la viticulture belge.
L’autre est l’importance que prend petit-à-petit le vin effervescent. Plus de 100 domaines produisent des bulles. Le climat est tempéré océanique, plus frais que les régions viticoles classiques favorisant des vins frais, vifs et équilibrés. La Belgique a son propre climat viticole et c’est crucial pour se faire une place dans le monde des bulles.
Jusqu’à présent, les effervescents se nichaient dans plusieurs appellations, dont l’AOP Vin Mousseux de qualité de Wallonie ou l’AOP Crémant de Wallonie. D’autres appellations existent pour la Flandre et, au total, cela faisait une carte des vins difficile à comprendre pour les consommateurs locaux et un frein à l’exportation.
Il était aussi rageant, comme le souligne Christian Geldhof du domaine de Glabais de voir tous ces efforts entrepris par les vignerons pour constater que finalement dans les réceptions privées ou même publiques on servait du cava !
Il y avait dès lors une nécessité que l’on puisse bien identifier ces vins mousseux belges au niveau des restaurants et cavistes belges mais aussi d’ailleurs. Pour cette raison, un nouveau label des vins effervescents belges élaborés selon la méthode traditionnelle a vu le jour.
Le label Belbul : la perfection des vignerons belges
BelBul : çela sonne clairement, c’est aussi facile à retenir que cava, prosecco ou champagne ! Ce label est une garantie de qualité supérieure et signe un savoir-faire local. Il est basé sur des critères stricts en matière d’origine, de méthode et de production. Chaque bouteille est identifiable grâce à ce label apposé sur les étiquettes.
Les critères sont très précis et rigoureux :
– Les vins effervescents doivent être élaborés selon une méthode traditionnelle.
– Ils doivent bénéficier d’une reconnaissance d’appellation. Deux appellations sont identifiées : l’AOP côté francophone et le BOB, côté néerlandophone.
– Ils doivent évidemment être 100% belges, c’est-à-dire que la culture et la vinification doivent absolument avoir lieu sur le sol belge.
– Enfin, le domaine viticole doit être une entreprise familiale belge.
Tout ceci devrait donner une croissance continue au secteur viticole belge.
Il n’y a pas si longtemps, j’écrivais dans ce même magazine le fait que la Belgique viticole allait devoir se trouver une identité. Il semble que très rapidement, c’est dans les fines bulles que le vin belge va se positionner.
Les bulles deviennent probablement définitivement le produit phare, le produit le plus vendu et aussi le plus crédible.
Ce n’est pas un hasard si les reconnaissances des bulles belges se multiplient à l’étranger : Le domaine du Chant d’Eole gagnait en 2020 la médaille d’or du meilleur chardonnay du monde. En 2025 c’est au tour du domaine W à Saintes de remporter la médaille du meilleur chardonnay lors d’un grand concours en Bourgogne.
Il est clair que les locomotives ont envie de positionner la bulle belge de manière compétitive. Et c’est là l’origine de cette initiative qui pour la première fois est un projet porté aussi bien par la Fédération des vignerons wallons que flamands. C’est clairement un mouvement national sous un nom qui est facilement reconnaissable et qui peut, le cas échéant, s’exporter.
Comme le souligne très bien Vanessa Vaxelaire, la présidente de l’Association des vignerons wallons, qui est aussi propriétaire du château de Bioul : « nous ne serons jamais la Champagne, mais nous pouvons être une alternative crédible, identitaire et sincère. BelBul, est un levier destiné à y arriver. »
Le futur de la vigne belge passe par un soutien économique
Il y a plusieurs modèles économiques dans les vignobles belges : reconversion agricole, coopératives, familles aisées et petits domaines familiaux. Pour une large majorité des vignerons, la partie est loin d’être gagnée. Les terres agricoles sont chères, le matériel couteux, le réseau de distribution limité et la rentabilité ne s’obtient qu’après une dizaine d’années.
Néanmoins, ces modèles restent fragiles et les petits domaines de moins de cinq hectares, souffrent encore et appliquent une diversification raisonnée. Il n’est pas encore tout à fait certain qu’on ne risque pas de voir ces bulles éclater, même si l’enthousiasme des consommateurs est bien présent.
Certains comme Hubert Ewbak du domaine du Chant d’Eole n’hésitent pas à exprimer leurs attentes de simplification administrative et de soutien au monde politique. Le cadre est favorable mais va nécessiter des aides financières à ce jeune secteur agricole surtout si on parle d’exportation.
Le vin belge, c’est encore une aventure qui doit se développer, et les mésaventures climatiques de 2024 rappellent aux vignerons de petits domaines ou de domaines de moyenne taille qu’il faut rester humble et en même temps développer l’œnotourisme propre à encourager une approche humaine pour faire découvrir les domaines, les faire apprécier et garder un contact authentique et simple avec les consommateurs, qui sont de plus en plus nombreux à s’intéresser au vin belge, nouvel acteur européen.
Marc