Au Canada, alors que l’hiver s’installe, les villes et villages s’illuminent de guirlandes et de décorations festives. Les monuments scintillent, apportant un peu de magie à cette période de l’année.
Les premières neiges surprennent les automobilistes qui pestent contre le froid et les premières gelées.
A Havelock, au Québec, près de la frontière américaine, les nuits glaciales frôlent les – 10 degrés depuis quelques jours. Jean Joly, propriétaire du vignoble du Marathonien posé le long de la route 202, se prépare pour la récolte et le pressurage des raisins, essentiels pour l’élaboration du vin de glace.
Ce vignoble de 2 hectares, blotti dans un secteur vallonné et enchanteur, est un des rares producteurs de vin de glace au Québec.
Le vin de glace canadien, une drôle d’histoire
Le vin de glace n’est pas un produit de masse mais bien le fait de quelques domaines et vignerons: le plaisir de la rareté est un bonheur précieux ajouté à la dégustation lors des fêtes.
Inutile de chercher du vin de glace en Espagne ou en Italie : les aires de production européennes sont limitées à l’Allemagne et l’Autriche sous le nom de « Einswein » avec quelques producteurs également en Alsace ou dans le Jura.
Cependant, Le pays roi du vin de glace c’est le Canada et plus précisément l’Ontario et le Québec ainsi que dans une moindre mesure la région des chutes du Niagara.
L’appellation « Vin de glace du Québec » est réservée à un vin élaboré exclusivement à l’aide de raisins cultivés au Québec, à l’intérieur d’une zone géographique bien délimitée le long du fleuve Saint-Laurent, de l’île d’Orléans aux frontières de l’Ontario à l’Ouest et des Etats-Unis au Sud.
Cette aire d’appellation sur le territoire québécois est déterminée par l’analyse de trois indices agro-climatiques : le nombre de jours sans gel (au moins 150 jours), le cumul de degrés-jours (minimum de 900), une notion mathématique qui permet d’évaluer la rigueur du climat d’une année et la température hivernale minimale.
L’usage de l’appellation IGP est réservé exclusivement aux produits certifiés conformes au cahier des charges.
Particularité, le raisin doit avoir gelé naturellement sur la vigne.
L’origine du vin de glace est plutôt récente et allemande : c’est un émigrant du nom de Walter Heinle qui en est le père en 1973. Cette pratique datait du XVIIIème siècle où des vignerons surpris par un gel précoce ont dû presser des raisins gelés. Produit en Colombie Britannique où Heinle s’était installé, la pratique s’est progressivement développée en Ontario puis au Québec.
Le Canada est aujourd’hui le premier producteur de ce vin riche en sucres résiduels parfaitement balancé par une acidité de belle tenue.
le vin qui a pris froid
Nous avons rencontré Jean Joly, vigneron du Domaine du Marathonien, lors d’un récent voyage au Québec. Jean a été le premier à produire du vin de glace, en 1994. Il est aujourd‘hui une référence en la matière et ses productions ont remporté au-delà de 100 médailles dont plus de 50 d’Or.
Le cépage-roi pour le vin de glace est le vidal, un hybride d’origine française. Très équilibré, il permet de garder une acidité soutenue donnant beaucoup de fraîcheur.
Jean nous a expliqué que le vigneron va laisser le raisin mûrir plus longtemps, sur la vigne dans un premier temps jusqu’aux premiers gels. Puis il va appliquer la méthode de mise en filet où le raisin va poursuivre la dessication.
Après une prétaille lorsque la vigne a entamé sa dormance, les filets sont posés au-dessus de la vigne au début du mois de novembre et les raisins sont posés à la main dans les filets. Puis a lieu le buttage des pieds de vigne ou la pose de toiles géotextiles destinés à protéger la vigne.
Les raisins semblent abandonnés dans ces filets, exposés au vent, au froid, à la neige, aux périodes de gel et de dégel. Ils s’assèchent et se concentrent en sucre.
Le moment clé va correspondre à une température entre -8° et -12° : il est temps alors de récolter les raisins : on est aux environs de la fin de l’année !
Ils sont pressés immédiatement, encore gelés, afin que les parties aqueuses restent prisonnières de la glace et du pressoir. Cette méthode tout-à-fait particulière s’appelle la cryo-extraction, seule méthode autorisée pour le vin de glace en IGP.
La dénomination Vin de Glace du Québec est protégée par la certification IGP ce qui en fait un vin exceptionnel et précieux. Au Québec, seulement une dizaine de producteurs de vin de glace existent. Le vin de glace du Québec sous IGP doit impérativement être vinifié, embouteillé et étiqueté au vignoble.
le vin onctueux
Les vins de glace du Québec possèdent de la structure. C’est surtout pour cette raison qu’ils sont intéressants sur le plan organoleptique. Les fêtes de fin d’année sont un moment particulier pour déguster le vin de glace du Québec, de Niagara ou de l’Ontario. Le froid ou la neige passent du coup nettement mieux et le sourire revient chez toute la famille et les invités.
Pour en avoir tout le plaisir, servir le vin à la température d’environ 8 degrés, selon que vous le dégustiez en apéritif ou en dessert . Servez-le dans un verre à vin blanc classique qui mettra en évidence sa couleur jaune ambrée ou dorée et pour en retirer tous les arômes : abricot séché, pêche, ananas ou pomme, même agrumes. Mais aussi miel ou caramel, donc extrêmement riche en sensations. La bouche, d’une texture onctueuse, se termine dans une longue finale.
Foie gras, pâté de foie de volaille, fromages bleus ou comté se marient très bien avec ce nectar. Mais aussi avec une tarte tatin en dessert. Mon accord préféré : escalope de foie gras poêlée, chutney de poires aux fruits secs !
Ce vin liquoreux peut se conserver de 7 à 12 ans au frais.
Le vin de glace du Marathonien est disponible au vignoble du Marathonien, auprès de la Société des alcools du Québec, ou pour une commande France sur Planet Bison, qui commercialise différents produits canadiens.
Marc
Très bon article sur ce nectar méconnu. On comprend très bien le procédé et on devine le goût et le charme de la région.
Vive Génération Vignerons !
Merci Luc pour ce message très encourageant !