Qu’il est plaisant d’entendre sonner des mots positifs sur le vignoble bordelais des Côtes de Bourg, surtout quand l’accent anglais s’en mêle ! Matthieu et Laura, membres de Vignerons Demain ont souhaité nous raconter leur histoire. Pas banal, l’histoire de ces deux jeunes trentenaires basés à Londres, lui dans le secteur public, elle dans la communication qui ont décidé de faire de leur passion leur métier. Une passion partagée pour les sous-sols exceptionnels des Côtes de Bourg faits notamment des « célèbres calcaires à astéries et molasses du Frondasais ». Et aussi pour les amitiés vigneronnes qui les font revenir à Bourg dès qu’ils le peuvent.
Depuis notre arrivée à Londres il y a près de dix ans, notre passion pour le vin n’a cessé de croître. Notre intérêt a pris une ampleur exponentielle pendant la pandémie de Covid, où, pendant les confinements, nous avons trouvé le temps d’explorer en profondeur le monde du vin. Nous avons commencé par suivre les recommandations de nos importateurs préférés, comme Dynamic Vines, pour les découvrir chez nous. Au fil du temps, notre intérêt s’est traduit par un engagement plus marqué dans l’apprentissage formel, Matthew obtenant son WSET niveau 3 avec mention tout en continuant à travailler à temps plein.
CONTRIBUER AU RENOUVELLEMENT DE BORDEAUX
Tout au long de nos explorations viticoles, nous sommes constamment revenus vers Bordeaux. La famille de Matthew a des racines profondes dans la région, et nous avons parfois eu la chance d’éprouver la capacité des grands Bordeaux à vieillir à l’envers, se transformant au fil des générations pour susciter des émotions puissantes et créer des moments spéciaux.
En 2024, nous avons franchi une nouvelle étape dans notre parcours en achetant 3 hectares de vignes à Bourg, dans le Bordelais, afin de faire de notre passion notre métier. Encouragés par notre famille, nous sommes motivés par l’opportunité de forger notre propre destin dans un domaine et un lieu que nous aimons profondément.
Nous sommes particulièrement enthousiastes à l’idée de pouvoir élaborer les vins que nous aimons boire, en laissant notre personnalité s’exprimer dans le fruit de notre travail. Notre ambition est de contribuer au renouvellement de Bordeaux, en remettant en avant la grandeur des terroirs de la région et en nous inspirant de l’équilibre, la complexité et la nuance des grands vins du passé. Voir la petite vidéo du domaine (pour la version française, ne pas oublier de cliquer sur sous-titres, bouton en bas : « CC » en survolant l’image).
Le chemin qui nous a menés à Bourg a en fait commencé dans la Loire et dans le Beaujolais, où nous avons été inspirés par la nouvelle génération de vignerons, dont l’approche respectueuse de la viticulture et de la vinification a été largement saluée par les critiques et les amateurs de vin ces dernières années. Au fil de nos voyages d’exploration, nous avons rapidement réalisé que le succès de ces régions rendait difficile, voire impossible, de trouver le projet idéal pour nous, compte tenu notamment de nos capacités de financement limitées.
Nous avons donc revu notre projet en envisageant, par exemple, de nous concentrer dans un premier temps sur le négoce, en y ajoutant nos propres vignes lorsque nous en aurions les moyens. Parallèlement, en discussions avec des vignerons et des amis, nous avons commencé à comprendre que de meilleures opportunités pouvaient exister ailleurs.
ET BOURG S’EST IMPOSÉ !
Par un rare coup du sort, plusieurs vignerons de la Loire nous ont recommandé Bourg comme un lieu potentiel pour notre projet. Ce terroir historique, actuellement sous-estimé, présente pourtant un potentiel énorme.
En approfondissant nos recherches, nous avons découvert que plusieurs producteurs à Bourg partagent des ambitions similaires aux nôtres, notamment : Bruno et Christine Duhamel du Château l’Hospital, pionniers de la viticulture biologique et des vins à faible intervention dans les Côtes de Bourg. Guillaume Pouvaret du Château Grand-Maison, qui, après avoir travaillé comme œnologue au Château Lafleur, élabore des vins contemporains basés sur des pratiques biodynamiques.
Enfin, notre ami Olivier Rivière, qui produit des vins élégants, fins et biologiques, axés sur le terroir, comme il le fait depuis longtemps en Rioja.
Lors de nos visites à Bourg et grâce au bouche-à-oreille, nous avons trouvé une opportunité intéressante d’acquérir 3 hectares de merlot sur des pentes argilo-calcaires exposées au nord. Le seul inconvénient était que ces vignes avaient été abandonnées et non taillées lors de la dernière campagne, car leur précédent propriétaire restructurait son vignoble.
AUDIT DE RIGUEUR
Prenant le temps de réfléchir et de tempérer notre enthousiasme, nous avons commandé un audit des parcelles auprès de RVS Consultants Viticoles afin d’évaluer leur état actuel, leur conformité avec l’AOC et leur potentiel qualitatif. Cet audit nous a permis de répondre à nos questions en suspens : le terroir pouvait-il offrir le niveau de qualité visé ? Quel effort et quels investissements seraient nécessaires pour y parvenir ? Quels seraient les principaux défis et risques ? En bref, était-ce le bon choix pour nous ?
L’audit a révélé que les parcelles étaient situées sur trois sous-sols distincts à très fort potentiel qualitatif : les célèbres calcaires à astéries et molasses du Fronsadais de la rive droite, ainsi que la spécialité locale, les sables et graviers du Bourgeais. L’exposition nord a constitué un atout, modérant la maturation du précoce merlot et créant un potentiel de fraîcheur et d’équilibre dans les vins finis. Voir la petite vidéo d’approfondissement.
RVS a également mis en évidence plusieurs problèmes liés au manque d’exploitation des vignes pour la campagne 2024, notamment une croissance excessive de l’herbe et un fort impact du mildiou. Un effort considérable serait nécessaire durant les premières années pour rétablir l’équilibre et révéler le plein potentiel du vignoble.
En réfléchissant à nos questions, l’audit nous a clairement démontré que cette offre correspondait à nos ambitions. Malgré les défis initiaux, un travail rigoureux dans les vignes et au chai pourrait nous permettre de produire des vins de haute qualité avec une identité unique. Une dernière vidéo pour comprendre comment restaurer les équilibres.
AUCUNE CERTITUDE POUR LA VENDANGE 2025
Cette année, la vigne doit retrouver sa place dans l’écosystème. En 2024, elle a été affectée par des chocs importants, comme le mildiou qui a ravagé tout le Bordelais, ainsi que par des excès d’enherbement et de végétation. À partir de cette situation de départ, il n’y a aucune garantie de rendement et, sans efforts supplémentaires, il y a même un risque de ne produire aucun vin lors de la première année.
Nous avons donc mis en place une série d’interventions agronomiques mesurées : une taille de récupération et un épamprage rigoureux pour rétablir les flux de sève, un travail de sol accru pour réduire la domination des herbes, ainsi qu’une fertilisation modérée pour réveiller la vigueur actuellement affaiblie de la vigne. Malgré ce travail, on ne saura qu’à la floraison si on produira du raisin en 2025. Au minimum les interventions de cette année établiront les bases requises pour que la vigne produise un bon rendement de qualité en 2026.
Dans les années à venir, notre priorité passera de l’établissement des bases d’une agronomie durable à la création d’un écosystème viticole florissant. Ce faisant, nous espérons créer le potentiel pour que nos vins expriment un sens unique du terroir ; une sorte d’identité tirée directement de l’écosystème du vignoble. À Bordeaux, le changement climatique impose des défis majeurs à la viticulture comme la croissance des risques de mildiou, gèles, grêle, et sècheresse. Nous espérons que notre engagement envers le bio et la biodynamie nous aidera à maintenir ce véritable goût du terroir dans nos vins malgré ces défis.
NOTRE CAPACITÉ D’INVESTISSEMENT PRÉSERVÉ
Au chai, notre premier objectif est d’établir une production cohérente et de haute qualité. Nous avons loué un chai propre et bien équipé auprès d’un viticulteur local, offrant suffisamment de cuverie et d’espace pour travailler efficacement. Avec des raisins de haute qualité issus de notre vignoble, ce chai nous permettra d’assurer une base solide pour la qualité de nos vins sans de gros investissements.
Louer plutôt qu’acheter le chai présente des avantages significatifs pour notre projet à long terme en réduisant l’ampleur de l’investissement initial. Cela préserve notre capacité d’investissement pour des futures améliorations en technologie vinicole, contribuant ainsi à une amélioration continue de la qualité des vins. La cuverie généreuse présente également l’avantage de nous permettre d’augmenter notre production à l’avenir en ajoutant des raisins achetés et vinifiés en tant que négociant. Cela nous offre la flexibilité de créer de petites cuvées intéressantes, en réponse aux tendances du marché et des consommateurs. Si nos vignes ne produisent pas de raisin dans cette première année, nous pourrions commencer nos activités de négociant immédiatement.
À long terme nous restent conscients de la richesse de nos sous-sols et du fort potentiel du vignoble. Notre ambition est de produire un vin qui exprime cette singularité avec la plus grande pureté. Pour y parvenir, nous devrons relever plusieurs défis, notamment l’équilibre du merlot dans les années chaudes et l’état sanitaire des vendanges lors des millésimes frais et humides. Nous accueillons ces défis avec enthousiasme, convaincus que l’appréciation actuelle des consommateurs pour des vins plus frais nous offre l’opportunité d’expérimenter avec des approches plus douces à la macération, fermentation et l’élevage. Pour relever ces défis, heureusement nous pouvons compter sur la connaissance de classe mondiale de nos amis à Bourg ainsi que sur l’expertise reconnue dans la région bordelaise.
Au début de cette aventure, nous sommes attentifs aux défis qui nous attendent. Notre travail jusqu’à présent nous conforte dans l’idée que notre terroir, notre approche et notre communauté sont les piliers de la réussite de ce projet. Nous mentirions si nous ne passions pas des nuits blanches à contempler les ravages du mildiou ou les fermentations bloquées, mais notre courage est nourri par le soutien constant de notre famille et de nos amis. Si notre vie londonienne nous a appris quelque chose, c’est que le véritable bonheur et la beauté se trouvent dans nos émotions ; les moments passés ensemble, les espoirs, les peurs et les rêves qui constituent un projet, une vie. Ou, pour reprendre les mots de Bruno Duhamel, notre ami proche, vigneron depuis 25 ans et confident de ce voyage : le rêve nous sauvera.
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Matthieu et Laura