Dans le sillage des experiences de la maison Krug qui a créé avec l’Ircam un espace de dégustation sonore immersif, voici un vigneron champenois, passionné de musique qui compose ses assemblages selon sa propre partition et qui convainc une étoile montante du jazz de les mettre en musique.
J’ai parlé de Stéphane Regnault, jeune vigneron installé au coeur de la Côte des Blancs dont 80% de la production est exportée dans toute l’Europe. Son parcours est atypique : ancien élève du conservatoire de musique d’Epernay, c’est d’abord vers l’aéronautique que le dirigent ses études supérieures, mais diverses expériences vécues à l’étranger lui rappellent qu’il est champenois pour toujours et que c’est là qu’il a sa place.
Il y reprend des études, s’éloigne très vite de la viticulture paternelle pour devenir vigneron à part entière et au bout de quelques années s’impose comme une figure originale dont les vins sont bien mieux connus à l’étranger que dans son propre pays. Car Stéphane innove et cherche à faire parler le terroir de chacune de ses parcelles : l’idée est que chaque parcelle à sa propre biodiversité, sa propre flore. Les ferments, naturellement présents sur la peau des raisins sont normalement différents d’une parcelle à l’autre.
Ses jus sont bios, et s’il est tenté par la biodynamie, c’est actuellement l’agroforesterie son cheval de bataille.
Une gamme chromatique
Ses années de solfège ne sont pas très loin car voilà qu’il m’explique qu’il assemble ses propres cuvées selon le mode musical, plus précisément le mode diatonique : Ce sont des modes, utilisés notamment en jazz modal lors d’improvisation pour apporter plus de liberté au musicien. Comme l’a dit Miles Davis, quand on joue en modal on peut continuer à l’infini. Chaque mode va apporter une atmosphère spécifique au même morceau, tout comme le terroir va créer un vin différent avec le même cépage. Et ses assemblages vont même porter des noms de modes musicaux. On retrouve le Chromatique, le Dorien, le Lydien et le Mixolydien…
Normal qu’à un moment Stéphane Regnault cherche à faire interpréter ses propres cuvées : le voilà qui écoute le dernier album du saxophoniste Léon Phal. Il est sous le charme. Depuis longtemps, je rêvais de lancer une collaboration artistique et là, c’était l’occasion rêvée surtout avec un tel artiste ! Il contacte Léon Phal pour lui proposer une collaboration.
Précisons tout de suite que Léon Phal n’est pas un inconnu sur la scène musicale : La trentaine, saxophoniste prometteur nous dit Aline Afanoukoé dans sa chronique matinale sur France Inter, ténor de la nouvelle vague de jazz français : Léon Phal. Plus efficace que n’importe quelle molécule, c’est un anti-stress naturel !
Le saxophoniste est tout de suite enthousiaste et les choses s’enchainent. Le projet prend forme autour de la création de quatre morceaux de jazz par le quintet, inspirés des quatre cuvées du champagne Stéphane Regnault. L’opus s’appelle « No pain No Champagne » en référence clin d’oeil au proverbe « No pain, no gain » (pas de douleur, pas de gain).
assembler le vin et les notes
Pour créer chacun des quatre morceaux, Léon Phal a dégusté les champagnes de Stéphane afin que cette alliance mette en lumière le processus créatif lié à l’élaboration d’une cuvée. L’aventure va au-delà du vin, là où le possible est sans fin, comme le souligne Stéphane.
coup de com ?
Une belle opération marketing ? le vigneron s’en défend : je n’ai plus rien à vendre ! Voyons le comme, un projet ambitieux pour lequel Stéphane Regnault n’a pas hésité à engager sa trésorerie. Ce projet c’est aussi le plaisir de pouvoir partager l’amour du jazz et celui de l’élaboration du champagne. Avec la sortie de « No pain No Champagne », un coffret verra le jour en fin d’année dans lequel seront glissés un vinyle et les 4 bouteilles de la gamme.
Une façon aussi de casser les codes et de dépasser l’image glamour et vuittonisée du champagne pour en faire une œuvre esthétique, authentique, unique.
François
Image à la Une : © Pierre Nocca La libre
Ecrit par Francois SAIAS 
