Nous voici, quatre femmes réunies par l’amour du vin au cœur de l’appellation Saint Chinian. Invitées à l’occasion de la Journée internationale de la femme par l’Office du tourisme, de la formatrice à la consultante en passant par une future caviste, notre groupe féminin se retrouve dans un vaste programme d’une tournée de presse, à la rencontre des terroirs et des hommes qui font toute la richesse de cette région.
20 villages sont réunis sous l’appellation Saint Chinian, au cœur du Languedoc, une AOP depuis 1982 pour les rouges (plus de 80% de la production) et rosés, et depuis 2004 pour l’AOP Saint Chinian blanc. On vous dit Languedoc, vous pensez rouge ? Et si on cassait les codes… car les blancs méritent autant l’attention de vos papilles qui se régaleront de fruits mûrs voire même tropicaux, gouleyants et de rondeur tout en gardant une belle fraîcheur… En route pour découvrir notre tournée riche de rencontres !
Des partitions écrites par la nature
Arbousier d’un côté, garouille de l’autre (un chêne kermès dont on extrait la cochenille pour la teinture rouge), un profil de gibier au sud, un autre au nord, des plaines calcaires d’un côté, des montagnes de l’autre (monts du Caroux et de l’Espinouse), la nature offre des paysages variés et surtout deux terroirs opposés, séparés par le fleuve de l’Orb et son affluent (Vernazobre). Une dualité déclinable à l’infini : mi garrigue, mi plateau, mi plateau, mi montagne, mi schiste mi calcaire…
Le nord est une véritable découverte pour les passionnés de géologie avec ses nombreuses couches de schistes vieux de 500 millions d’années, où l’on peut retrouver les traces de l’apparition de la vie sur Terre avec les fossiles de trilobites (Ere Primaire). Ces schistes aux couleurs rougeoyantes apportent une structure et une générosité de fruits aux vins tandis que le sud du territoire présente une couche de calcaires que les racines des vignes transmettront dans le vin avec élégance et finesse.
peau neuve pour l’AOC
L’AOC s’est refait une beauté avec le support du cabinet AOC conseils et le résultat se révèle frais et pimpant avec une collection de mini films et ce nouveau logo symbolisant ce duel de terroirs, S pour Schistes et C pour Calcaires dans le Saint Chinian (jeux de mots). L’équipe charmante de l’Office du tourisme nous accueille sur la place principale du village au cœur de la Maison des Vins, ancienne maison du père de Charles Trenet qui y exerçait la fonction de notaire.
Le Syndicat du Cru est propriétaire de cette maison depuis 1988 et agit à titre associatif avec les vignerons pour vous proposer la variété des vins des villages réunis sous l’appellation. « 55 000 bouteilles sont vendues chaque année avec une moyenne de prix de 10 euros » explique Gaylord lors de notre visite.
Notre matinée s’achève avec une dégustation et la présentation de deux femmes vigneronnes à l’énergie débordante et aux collections de vins reflétant leurs personnalités avec charme et délicatesse : n’hésitez pas à rencontrer Elisabeth et sa sœur du domaine Pech Ménel et Marie qui a quitté son ancien métier pour rejoindre son mari et donner vie au domaine Saint Cels.
Malena, conseillère en séjour, nous emmène ensuite au cœur du domaine de La madura (signifiant la « maturité » en occitan) – lamadura.com – à la rencontre de Nadia et Cyril, un couple qui cherchait des vignes pour s’installer ici sur les hauteurs de Saint Chinian.
Vous y dégusterez avec toujours sous vos yeux une vue panoramique à 360° sur les reliefs des montagnes environnantes. Cyril vous expliquera avec enthousiasme la variété des plantes, comme le ciste, un arbuste au feuillage persistant et aux arômes très puissants que l’on peut retrouver dans le « nez du vin » comme par magie.
la biodiversité sous contrôle
D’ailleurs, en ce 8 mars, ces cistes odorants préparent leurs fleurs colorées pour les semaines à venir. Le projet de ce couple de néo-vignerons est de faire revivre d’anciens cépages. Ils ont acheté les parcelles de vignes en 1999 et possèdent une cave dans le village où sont vinifiés les vins. Les plus vieilles vignes ont 80 ans pour le carignan que l’on retrouve bien souvent plantées en gobelet avec leurs pieds tortueux le long des petites routes paysagères. Les vieilles vignes étaient autrefois plantées avec un objectif quantitatif.
Mais : « L’âge ne veut rien dire. Tout dépend de ce qu’on veut en faire et comment on l’entretient par rapport à son rendement » selon Cyril. « Nous avons une mosaïque de sols avec des vignes plantées sur grès, d’autres sur un sol argilo-calcaire et aussi sur schistes. Plantées au milieu de la nature, elles n’ont pas besoin de traitement contre le ver de la grappe car elles jouissent de la biodiversité et de ce bel équilibre avec la nature.
Notre principal problème concerne les animaux comme les sangliers et les oiseaux qui viennent picorer les fruits ou encore les lièvres qui taillent nos pieds de vignes. Nous avons dû mettre en place des clôtures contre ces prédateurs » détaille Cyril.
picpoul sur schistes
La discussion autour de cette philosophie très peu interventionniste s’achève au cœur de ce domaine qui sera prêt à passer en bio l’année prochaine. Néanmoins, ne quittez pas les lieux sans découvrir une originalité dans leur collection de vins blancs avec l’assemblage de deux cépages très intéressants sur ce terroir : le picpoul et le sauvignon blanc, classé en IGP Pays d’Oc (étant hors du cadre de l’appellation). C’est une belle audace que d’avoir planté du picpoul sur un terroir de schistes !
Les vins se méritent ici !
Nous terminons cette première partie de la tournée au domaine des Pradels Quartironi à Prioux où nous rencontrons Magali sur les hauteurs de ses vignes. Après une montée ardue et quelques essoufflements, nous comprendrons tout le travail manuel nécessaire pour soigner les vignes au quotidien, difficilement accessibles, et encore moins mécanisables.
Les vins se méritent ici ! Magali et son frère ont opté pour des jarres en grès, fabriquées en Italie, avec une forme ovoïde pour assurer une rotation des particules en suspens dans le vin de manière continue, apportant texture et rondeur aux vins tout en maintenant la fraicheur.
L’Art en cave : approchons le vin avec créativité !
Suite de la tournée de presse, nous sommes accueillies chaleureusement au sein de la cave coopérative de Saint Chinian, dans ses nouveaux locaux inaugurés en novembre 2020. Fondée en 1937, cette coopérative représente 650 hectares et 6 villages apporteurs de raisins. Premier acteur de la région sur l’AOP, elle réunit trois 3 terroirs : argilo-calcaire, schistes et calcaires pour un volume total de 25 000 hl par an. Les trois couleurs de vins sont représentées.
C’est en 2013, lors de la nécessité de procéder à une réfection des cuves que l’idée du projet « L’Art en cave » est née : inviter un artiste chaque année pour peindre selon son style et sa personnalité une fresque sur chaque cuve en béton. On peut ainsi découvrir les œuvres de Misstic, de Jean Bastide (auteur de la célèbre bande dessinée Boule et Bill), des artistes Bocaj ou encore de Laura Chaplin. Chacun a déployé sa méthode pour s’adapter à ce format XXL de 6.5 m par 3.5m.
Les étiquettes et les cuvées sont elles aussi déclinées sur les bouteilles et le maitre de chai tente de refléter les caractères et styles des artistes dans chacune des cuvées. Benoît, maitre de chai passionné, cumule déjà 12 vinifications en 6 années puisqu’il partage son amour pour le vin entre Saint Chinian et l’Argentine où il a vécu et rencontré à l’époque sa future épouse et œnologue.
Benoit explique son approche : « Nous évitons d’utiliser les barriques neuves sur les rouges pour ne pas masquer les arômes primaires des cépages locaux. Le passage en barriques neuves se fait d’abord avec le blanc pour atténuer le bois. Puis, nous gardons les lies de vin blanc pour les vins rouges et leur apporter une belle palette aromatique ».
l’imagination au pouvoir
Et dernièrement, influencée par l’expérience de la Côte du Rhône septentrionale, l’équipe ne cesse d’innover dans ses cuvées en créant un assemblage syrah (90%) et viognier (10%), une nouveauté à découvrir sans tarder. L’apport du viognier crée une réaction chimique qui accentue la couleur de la syrah, tout en apportant des arômes fruités tel l’abricot. Benoit a également développé des cuvées monocépages comme le 100% carignan (classé en vin de France) ou encore le 100% mourvèdre sans sulfites. C’était aussi une volonté de l’équipe de sortir ces cuvées hors de l’appellation afin de laisser la créativité s’exprimer. Pour Benoît, « le sulfitage est un traitement curatif. Or, je ne travaille qu’en préventif pour préserver au mieux le fruit de la vigne et ce qu’il a à révéler ».
Quand des milliardaires belges redonnent vie à une propriété
C’est en 2007 que Marc et Tine, un couple de milliardaires belges, tombe sous le charme du village d’Assignan et tout particulièrement du Château Castigno après avoir parcouru le monde en quête de leur projet rêvé. Le couple a progressivement racheté les vignobles autour du village et les maisons en réhabilitant totalement le château, la maison d’Amis, la Maison des Vendangeurs ou encore la Maison de Vigneron au cœur du village d’Assignan, dans l’appellation Saint Chinian. La décoration est soignée avec un sens du détail entre objets chinés, mise en scène, confort et modernité, insufflée par le passé de cheffe costumière de Tine.
Aujourd’hui, le domaine est en bio et l’ensemble de la propriété est répartie sur 150 ha (34 ha de vignes). Vous pourrez séjourner sur place dans une des nombreuses chambres, déguster dans un des trois restaurants et profitez de diverses activités proposées sur place.
élevage en musique
Laissez-vous surprendre par une dégustation dans une des caves les plus modernes, dessinée et réalisée par Lionel Jadot, le maître du design belge. Recouverte de 1500 m² de liège venu tout droit du Portugal sur les parois extérieures, cette cave rend hommage aux bouchons et prend la forme d’une bouteille vue du ciel. La salle rouge accueille d’énormes cuves en béton aux formes ovales peintes aux couleurs rouge et violette de la marque.
Le nectar fermente toujours sous une mélodie de musique classique 24 heures sur 24 heures. Les vins seront également élevés en musique à l’étage inférieur au cœur de barriques de chêne français.
Ici, les vendanges sont parcellaires. Sur la propriété, vous pourrez apercevoir Udoline et Princesse, deux juments utilisées pour labourer la terre et aussi aider pendant les vendanges à transporter les petites cagettes pour ne pas écraser les raisins. Pour remercier Marc et Tine d’avoir sublimé ce lieu et créé ce bel espace de travail, l’équipe a créé une cuvée spéciale « Nirvana », 100% grenache dont seulement 1000 bouteilles sortiront. Les barriques neuves ne sont réutilisées que trois fois au grand maximum.
Le domaine produit annuellement environ 120 000 bouteilles avec une moyenne d’âge des vignes de 55 ans, les plus jeunes ayant 35 ans. Tous les vins sont filtrés en légèreté. Le premier millésime du château était « Château rouge » en 2007. La particularité des vins ? Une subtile minéralité (sol calcaires oblige) et le résultat du vent qui souffle pendant la nuit sur le plateau d’Assignan…
Du vin au drap…puis au vin
Le passage des romains, puis des moines a laissé de nombreux vestiges du passé tant dans l’organisation des rues que dans l’architecture de Saint Chinian. Un canal traverse à proximité de la place, datant du 12ème siècle, servait à alimenter les anciennes maisons drapières.
La période viticole s’est développée dès la fin du 19ème siècle avec l’arrivée du train permettant l’exportation du vin vers d’autres régions dont notamment la région parisienne. Puis, cette industrie viticole est passée dans l’ombre au profit de la période drapière où des ateliers entiers de textile ont pris place dans le village.
Cette succession de périodes se reflète par l’architecture de maisons vigneronnes comme en témoigne la rue de la gare tandis que d’autres rues affichent une architecture plus industrielle avec les anciennes maisons de draps de laine. D’ailleurs, pour séjourner, comme nous, vous pourrez faire une halte au Moulin Martinet, utilisé aussi pour la teinture des draps, repris par un couple de passionnés, Elisa et Clément. Ils vous accueilleront dans leurs vastes chambres d’hôtes avec vue sur la montagne pour vos randonnées jusque la chapelle de Notre-Dame de Nazareth. A ce propos, ce moulin existe depuis 1544 et aura été en fonctionnement jusque 1975 avec un enchainement d’activités de la production d’huile, de tapisserie puis de soufre. A vos réservations pour votre prochain séjour à Saint Chinian…
Audrey
Merci à Malena, Gaylord et toute l’équipe de l’Office du tourisme, de la commune, de la cave coopérative mais aussi des vignerons et vigneronnes ainsi que le Clos Martinet pour l’accueil, les échanges et l’organisation.
Organisez votre séjour avec l’Office du tourisme
Merci à Rosy, instigatrice de cette tournée de presse qui vous propose également des « Wine tours » en bateau le long du Canal du Midi.
Merci au groupe des 4 femmes investies dans cette tournée : Stéphanie Brisson (créatrice d’un univers autour du vin dans le Jura – concept à venir), Rosy Châu GENNEN (agent export vins et experte en oenotourisme), Maria Charueva (consultante en marketing et communication dont l’Ecole du Vin à Paris), Audrey Delbarre (consultante, écrivaine et formatrice indépendante, notamment pour La Revue du Vin de France Academy)