Le débat n’est pas nouveau : faut-il quitter les AOC et leurs cahiers des charges trop restrictifs ?
Depuis des années, des vignerons et pas forcément les moins connus décident de déclasser tout ou partie de leur production en catégorie Vin de France, citons pêle-mêle Hubert de Boüard du château Angélus qui produit la cuvée La Fleur de Boüard en Vin de France, Jo Landron, figure emblématique du Muscadet avec son Melonix, le rebelle.
On pense aussi à Richard Leroy, le vigneron des Ignorants, la BD d’Etienne Davodeau : produites au départ en liquoreux sous l’appellation Coteaux du Layon et en sec en Anjou, les cuvées sont désormais déclassées en Vin de France.
Elles restent une référence en matière de chenin. Les prix de ses vins se sont envolés et sont désormais recherchés par les amateurs du monde entier.
On pense encore à Jean-Michel Deiss en Alsace, qui prône la complantation et plante à Bergheim syrah et grenache aux côtés de pinot noirs et gris…
Les griefs sont souvent les mêmes : l’AOC n’offre pas assez de liberté pour “faire le vin que j’aime“, une rengaine souvent entendue et qui traduit la revendication du droit d’utiliser librement les cépages, de les assembler à sa guise, d’élaborer un vin sec ou moelleux sur n’importe quel terroir.
Typicité ou standardisation ?
L’autre reproche fait aux AOC c’est qu’elles produisent des vins trop standardisés. Pour la géographe Sylvaine Boulanger enseignante à Sorbonne Université et spécialiste du sujet, la notion de typicité mérite d’être éclaircie : un vin typique est un vin similaire aux autres vins de l’appellation, un vin qui constitue un exemple caractéristique de l’AOC.
Cette recherche de consensus inciterait à la standardisation des vins pour satisfaire les circuits de distribution, ce qui est contraire à la différenciation des terroirs que les vignerons souhaitent révéler par leurs productions.
Le changement climatique est aussi passé par là et a convaincu pas mal de vignerons que l’appellation leur imposait un carcan délétère en ne réagissant pas assez vite, comme, par exemple, ouvrir la porte à des cépages résistants…Un carcan ou un garde fou ?
le pire côtoie le meilleur
Pourtant dans la catégorie Vins de France, le pire peut cotoyer le meilleur : d’un côté on trouve la quantité qui ne cherche pas à s’inscrire dans une AOC ; de l’autre, des vignerons qui conçoivent des vins d’auteur en utilisant peu ou pas du tout d’additifs. Et surtout pas de SIQO : Signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine délivré par l’Inao. La catégorie IGP n’apparait alors même pas comme une solution intermédiaire.
Jo Landron, Hubert de Boüard, Jean-Michel Deiss, Richard Leroy et bien d’autres…ces locomotives ont permis aux VDF d’acquérir un capital sympathie et…commercial. Et les cavistes spécialisés en vins d’auteur ont suivi.
Forts de leur notoriété ces vignerons imposent leur marque et -en jouant solo- ils dynamitent l’appellation. D’ailleurs on peut se demander dans quelle mesure, par leur départ, ils ne la ringardisent pas.
Mais peut-on se priver de la force d’une communauté de vignerons qui a su porter haut une production locale ? Car une AOC n’est jamais que l’expression d’une volonté collective de se faire connaître et respecter en s’appuyant sur un cahier des charges approuvé de tous ?
Le cahier des charges justement : Sébastien David, vigneron à Saint Nicolas de Bourgueil rappelait dans l’hebdo la Vie que son grand-père avait participé à sa rédaction. A l’époque il faisait 2 pages. Maintenant, on en est à 26…
Depuis les règles et contraintes se sont multipliées et le système est jugé trop rigide. Je ne vois pas en quoi la taille des vignes ou l’utilisation obligatoire de certains pesticides a un impact sur la typicité d’un vin !
une envie d’appellation
Pourtant à l’opposé de ces rebelles il y a la queue à l’Inao pour rejoindre le club des (trop nombreuses ?) AOC viticoles : elles sont aujourd’hui 366 selon l’Institut. Des vignerons portés par un désir de reconnaissance ? Un tremplin nécessaire vers l’excellence comme le chemin parcouru par le Beaujolais et ses lieux-dits ? Voici l’Entre-deux-mer rouge qui vient d’être reconnue, le Sauternes sec en appellation Bordeaux, le Médoc Blanc…
Sans parler des vignerons qui ont gagné un jackpot et se retrouvent à la tête d’un domaine dont les vignes viennent d’être classées en AOC : C’est le cas de Laure Gasparotto, journaliste au Monde, qui, dans la période de sa vie où elle a été propriétaire d’un domaine au nord de Montpellier dans le Larzac, a vu trois mois après l’acquisition de ses parcelles, l’AOC Terrasses du Larzac reconnue par l’INAO…
Car bénéficier d’une AOC c’est aussi une histoire de gros sous à l’heure où un tiers des vignerons français cherchent à céder leur domaine. Je ne suis pas anti-AOC, insiste dans la Vie Alexandre Bain vigneron à Pouilly qui a perdu son AOC en 2015. Lorsque le modèle a été fondé par les anciens, c’est parce qu’ils avaient à cœur de défendre la notion de terroir. Le problème, c’est qu’elle est devenue une rente pour les vignerons installés dans des appellations prestigieuses.
Tout simplement, pour la grande majorité des vignerons, bénéficier d’une AOC, c’est s’appuyer sur la notoriété qu’is n’ont pas pour vendre leur vin. Un argument imparable.
Mais ce débat n’est-il pas vain ? Le modèle français s’accroche aux Appellations alors que les vins à succès dans le monde sont produits par des marques…
François
Image à la Une : © xbrchx/ Shutterstock
Tres bien l’article sur les AOC 🙂