Mais pourquoi donc le château de Berne me poursuit-il de ses assiduités sur mon fil d’actualités Facebook ? Tous les jours depuis début août. Comment connaissent-ils autant de choses sur moi comme mon goût immodéré pour les bons vins ou mes commentaires dans les groupes de dégustation ? De-là à imaginer que je vais craquer pour leur rosé de Provence même avec 40% de remise…!

Sans vouloir faire de polémique, il semblerait que les méthodes du milliardaire basé à Monaco soient un peu « cow-boy» comme le dévoile l’enquête récente de l’Oeil du 20 heures de France-2.
Le vin s’impose quand le soleil s’absente

L’année 2022 ayant délivré une vendange pléthorique, les cuves sont encore pleines. Peut-être ont-ils trop anticipé les bonnes ventes d’un été annoncé comme caniculaire ? Des centaines de milliers de bouteilles attendent dans les entrepôts. Et vous savez que le rosé se conserve mal….On a vu dans le passé des embouteilleurs appelés pour vider discrètement les bouteilles, avec la bibine qui part à la distillerie ou à l’égout.
VOUS AVEZ DIT DESTOCKAGE ?

Et voilà le sésame : Pour votre première commande, 15€ offerts dès 150€ hors frais de livraison grâce au code FIRST.
J’ai exploré les 580 références proposées – du bout des lèvres- à la décote. La plate-forme n’est pas seulement le « leader mondial de la vente aux enchères (de vin et spiritueux) » mais un caviste en ligne renommé et sélectif. Souvent les vignerons nous disent non sans fierté : nous, on est référencé chez iDealwine. Eh bien, les décotes les plus notables se trouvent attachées aux productions de domaines très en vue du Centre-Loire, de l’Anjou, du Rhône Nord ou du Roussillon, notamment. Des domaines d’excellence qui affichent des prix premium parfois stratosphériques. Le client est-il toujours disposé à suivre ?
LES BONNES AFFAIRES AU COIN DE LA RUE

Tenez Biocoop qui affiche une jolie sélection de vins bios évidemment. L’anjou-villages Brissac Petra Alba 2015 est proposé à 15€ au lieu de 17,50€.
Ce vin signé Christophe Daviau (domaine de Bablut) est un excellent cabernet d’Anjou multi-médaillé. Erwan le directeur ne le connaissait pas : on peut pas tout déguster, et puis moi, je suis plutôt bière. Merci pour l’info, je ferai passer le message aux clients.
Et de m’expliquer qu’il devait faire de la place en rayon vins pour les arrivages de fin août. Vous savez les clients d’ici achètent rarement des vins au-dessus de 10-12 €.
CAUCHEMAR EN HYPER
Ah ! le prix, le prix cette dure réalité qui donne des cauchemars aux organisateurs des foires aux vins de la rentrée. Essayez de résoudre ce casse-tête : les gens achètent de moins en moins de vin, et achètent de moins en moins leurs vins en grandes surfaces (-20% sur 3 ans, selon FranceAgriMer). Ils se détournent des bordeaux et de la vallée du Rhône, alors que ces régions constituent l’offre principale des foires.
Les clients, étranglés par l’inflation achètent toujours moins cher (75% de l’offre Auchan est en dessous de 10€, source LSA). Certains y croient encore, comme la Revue des Vins de France qui nous incitent à participer aux soirées inaugurales en les préparant sérieusement : Quels vins seront proposés à la dégustation ? Sera-t-il possible de faire des achats durant la soirée ? Y aura-t-il des remises, et si oui, ces dernières sont-elles réservées aux porteurs de la carte de fidélité de l’enseigne ?
NOSTALGIE, NOSTALGIE…
Si je puis me permettre ce souvenir personnel : les foires aux vins au tournant des années 2000 nous plaisaient beaucoup, à nous les quadras de l’époque. Un peu comme le fameux « 3ème jeudi de novembre » date-événement de lancement du beaujolais nouveau. Les foires aux vins étaient très attendues, c’était l’occasion d’acheter des grands crus bordelais à l’époque hors de prix chez les cavistes. On se faisait des plans entre parents ou amis : tiens, j’ai pris chez Leclerc une caisse de Château Brane-Cantenac 1998 essaie de prendre autre chose qu’on puisse comparer !
Autres temps, autres mœurs ; ne croyez pas que les amateurs, les passionnés, les œnophiles aient disparu, bien au contraire, seulement on les retrouve ailleurs. Ils se sont détournés de la grande distribution, lui préférant l’œnotourisme, les cavistes, les ventes en ligne, les dégustations ou les cours d’œnologie. Leur culte à Bacchus s’est ouvert aux milliers de foires et fêtes des vins, fêtes des vignerons, concours, randos-vino, vendanges à vélo, ampélofolies et autres concerts dans les vignes, – qui fleurissent toujours plus nombreuses, renouvelant le lien du vin à la culture, à la rencontre, à la vie…et aux achats !
ON EST MAL PATRON !

Et puis, les acheteurs de la GD sont des professionnels hors pair comme le montre cette anecdote d’achat.
Dans un Lidl du Nord-Finistère, je tombe en arrêt sur cette référence : Fronsac Château Justice 2020 BIO 8,49€. Pour le client habituel Lidl ça peut sembler cher mais pour l’acheteur futé ça flaire la bonne affaire. L’enseigne est habituée à ce genre de bons plans d’achat, mais attention uniquement en magasin.
EXPLORATION EN AOC FRONSAC
En traversant la Dordogne à Libourne, s’élèvent devant vous d’amples coteaux couverts de bois et de vignes, vous êtes dans les AOC Fronsac et Canon Fronsac. Des appellations de la Rive Droite, qui furent un temps plus prestigieuses que Pomerol et Saint-Émilion. Vous connaissez Petrus, Cheval Blanc ou l’Angelus bien sûr ; ces monuments ont joué la carte gagnante de l’investissement et de la mondialisation alors que Fronsac est restée dans son pré carré du libournais ; son prestige s’est évidemment fané.

Mais pourquoi nous parle-t-on du château de La Dauphine ? Eh bien, La Justice est tout simplement le second vin de La Dauphine bien qu’il ne s’affiche jamais comme tel. La famille Labrune tient à dissocier les deux noms : La Justice pour la grande distribution, La Dauphine pour les cavistes, la restauration et la vente sur place. Mêmes terroirs, même cépage exclusif : le merlot, un vieillissement barrique un peu plus court, même patronne Stéphanie Barousse, grande figure de la viticulture bordelaise qui a fait passer récemment en bio ses 70 hectares de vigne.
ELLE GOUTE COMMENT CETTE JUSTICE 2020 ?

Un bordeaux gourmand qui n’est peut-être pas un monument de complexité, mais qui saura accompagner vos repas d’été avec ou sans soleil. Il me serre un peu le cœur, ce 100% merlot quand je vois les vignerons bordelais subir les ravages d’un mildiou jamais atteint jusqu’alors.
Jean-Philippe
Merci Jean Philippe pour cette exploration des frémissements dans les ventes de vins. Je partage l’hommage mérité à l’appellation Canon Fronsac qui bientôt devrait rejoindre les caves des oenophiles que nous sommes. Surtout après ce délicieux commentaire de dégustation. Bonne continuation dans l’écriture.