Jacques Puisais, une figure de la gastronomie et de l’œnologie en France aurait aimé assister à ce webinaire organisé par Franck Thomas. Décédé le 6 décembre, Jacques Puisais aimait, comme beaucoup d’épicuriens, percevoir le vin différemment tout comme Franck Thomas, aux multiples titres décrochés en sommellerie, qui offre des approches intuitive et géo sensorielle autour du vin dans son institut.
Quand les professionnels du vin se digitalisent pour parler « terroirs »…

Il est vrai que le vin a près de 8000 ans d’histoire à nous partager.
Le 5 novembre dernier, Franck Thomas a ainsi réuni plus de 140 participants pour écouter les témoignages de grandes personnalités que sont Jacky Rigaux et Jean-Pierre Lagneau autour du thème de la dégustation géo-sensorielle.
A la rencontre des terroirs par écrans interposés
Jacky Rigaux est retraité de l’Université de Bourgogne où il a initié deux diplômes originaux Vin et Culture et « Pratique de la dégustation par la connaissance des terroirs ». Passionné et très actif dans le monde du vin, il écrit beaucoup sur ses recherches et a notamment publié de nombreux ouvrages en sciences humaines et sur les terroirs viticoles dont le dernier vient de sortir en novembre dernier aux éditions Terre en vue : Le monde du vin aujourd’hui récemment commenté par Génération Vignerons .

Jacky partage ses connaissances lors de conférences sur « la dégustation géo-sensorielle et les vins de lieu » dans de nombreux pays : France, Belgique, Suisse, Italie, Allemagne, Danemark, Canada, Etats-Unis.
A la recherche du verre parfait

Après 10 ans de recherche, il a mis au point le verre parfait pour la dégustation de vin : la forme du verre influe sur la dégustation comme l’aménagement d’une pièce peut colorer la musique.
À partir de ses propres recherches psycho-sensorielles, mais aussi à l’aide de de la physique quantique et de l’acoustique, il a conçu le Master’s Glass, un verre qui fait parler le vin tel qu’il est.
Ce soir, lors du webinaire, Jean-Pierre partage son irrésistible envie d’avoir créé ce verre : J’ai souffert pendant des années du fait que le verre installait un écran entre le vin et moi. C’est lorsque j’ai découvert la bioénergie que j’ai réussi à designer des verres qui s’en affranchissaient .
La dégustation géo-sensorielle, renouveau d’une pratique ancestrale

Pour Jacky Rigaux, l’histoire de la dégustation géo-sensorielle a commencé avec Henri Jayer lors d’une dégustation suivie d’un repas et d’autres connaissances proches du monde viticole. Henri, à l’époque, rappelait que le vin n’était pas fait pour être reniflé mais pour être bu, en référence à l’ouvrage de Jules Lavalle datant de 1855 et plus particulièrement le chapitre dédié aux gourmets.
Les gourmets avaient la capacité de reconnaitre si le vin dégusté provenait bien du lieu du nom indiqué sur le tonneau.
Le tastevin

Par une dégustation en bouche, ils étaient capables de déceler si les vins étaient des assemblages de tel ou tel cépage, de vérifier s’ils provenaient bien d’un type de sol ou autre. Avec leur outil de travail, le tastevin, ils tâtaient le vin en se concentrant sur le toucher de bouche, une sensation révélatrice du goût de lieu, se manifestant par des textures, des sapidités et minéralités particulières.
Jacky explique qu’il a appris aux côtés d’Henri Jayer à travailler ce toucher de bouche et a privilégié la pratique de la dégustation géo-sensorielle, autrement dit la dégustation des gourmets.
Cette dégustation était pratiquée du XIIème siècle jusqu’à la Révolution française, date de sa disparition tout comme le grimoire qui en détaillait sa pratique. Jacky a été si inspiré par cette approche qu’il a créé un diplôme autour de cette manière de déguster avec le vigneron Jean-Michel Deiss en Alsace. De plus, il précise que déguster dans les verres de Jean-Pierre Lagneau permet de percevoir de manière optimale les messages du vin et notamment ceux de son terroir : Ce verre permet de lire le message gustatif du lieu.
la dégustation des gourmets
Avec le retour de la dégustation des gourmets, et donc lorsque l’on met le vin en bouche, on active la poly sensorialité car on fait appel au toucher, au gustatif et au rétro olfactif. Les trois sens sont activés sans aucune prédominance de l’un sur l’autre au sein de notre cerveau. Cette approche du terroir à travers la dégustation devient holistique et non plus séquentielle comme la dégustation analytique traditionnelle.

Ainsi, en écoutant son propre corps, on réalise que l’on salive plus ou moins sur les vins dégustés, une salivation révélatrice de l’acidité du vin transmise par le terroir. La localisation de la zone de salivation en bouche permet même d’identifier si le vin est né d’un sol calcaire ou granitique, argileux ou encore schisteux. Par exemple, le sol granitique activera votre salivation sur le devant de votre bouche au travers de la glande sublinguale.
D’ailleurs ce soir-là, Jacky dégustait un Pouilly-Fuissé issu d’un sol argileux. Il expliquait qu’en bouche, un sol argileux se transcrit par une consistance épaisse en bouche et d’une grande générosité, marquée par une sensation de poids et une vivacité en fin de bouche. Le dégustateur devra se concentrer sur sa propre salivation : il réapprend à sentir le lieu au travers de ses propres sensations, en se focalisant sur le lieu de salivation en bouche et de la texture de celle-ci. Il découvre l’énergie du vin, une vibration en bouche, bref le message du vin.
Pour conclure, Franck Thomas a demandé cette fois-ci à Jacky Rigaux et non au vin de passer son message au public :
Lorsque la situation sanitaire le permettra, n’hésitez pas à vous initier à la dégustation géo-sensorielle et la dégustation intuitive proposées par le programme lancé cette année par La Revue du Vin de France Academy.
Audrey
Super article; heureux de découvrir l’histoire du tastevin et la dégustation géo-sensorielle