Cet article a été publié une première fois le 9 juin 2023.
Contre toute attente, en 2022, la production viticole s’est envolée et a dépassé les espérances : les pluies de fin d’été ont compensé le gel du printemps et le long épisode de sécheresse : +21% par rapport à 2021. Si les exportations ont progressé en valeur, on ne peut pas en dire autant en volume du fait de l’inflation générale et du confinement en Chine qui représente 45% des ventes en AOP Bordeaux (mais en baisse depuis plusieurs années).
(ATTENTION ! il existe une version plus récente : le prix des vignes édition 2024)
Quel volume ?
Une dynamique qui se traduit dans les échanges de vignes : avec plus de 5% de surfaces cédées – soit 18400 hectares qui ont changé de mains- l’année 2022 confirme une tendance qui va sans doute s’accentuer les prochaines années : celle des départs en retraite des boomers.
Mais les 9 490 transactions enregistrées représentent seulement 1 milliard d’euros, soit une baisse de 7,9%. Trop de vignes arrivent sur le marché ?
Quels prix moyens ?
Le prix des vignes AOP progresse en 2022 à l’exception des bassins Bordeaux-Aquitaine et Corse. L’augmentation du prix des vignes à eaux-de-vie AOP se poursuit à un rythme moins soutenu que les années précédentes. Quant aux vignes hors AOP, leur prix progresse pour leur treizième année consécutive.
Prix des vignes AOP par bassin viticole
(en euros courants par hectare)
Bassins viticoles | année 2021 | année 2022 | évolution 2022/2021 |
Alsace-Est | 111 800 | 113 200 | +1,3% |
Bordeaux-Aquitaine | 117 500 | 114 000 | -3,0% |
Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura | 201 900 | 220 900 | +9,4% |
Champagne | 1040 600 | 1065 700 | +2,4% |
Corse | 24 000 | 22 200 | -7,7% |
Languedoc-Roussillon | 12 800 | 13 000 | +1,4% |
Sud-Ouest | 12 900 | 14 000 | +7,9% |
Val de Loire-Centre | 35 200 | 39 200 | +11,1% |
Vallée du Rhône-Provence | 51 400 | 51 800 | +0,8% |
Prix moyen AOP | 147 900 | 151 200 | +2,3% |
Prix moyen AOP (hors Champagne) | 80 000 | 81 600 | +2,1% |
Les vignes AOP tirées vers le haut par les appellations prestigieuses
Voici un focus sur quelques appellations dans chacun des neuf bassins viticoles. Pour plus de détails sur une appellation précise, n’hésitez pas à consulter le-prix-des-terres.fr
Alsace-Est
Les prix repartent à la hausse et l’échelle de prix s’élargit. Les grands crus restent très recherchés. A l’autre bout du spectre, les vignes en appellation générique continuent à perdre de la valeur. Le nombre de transactions est en hausse sensible (+ de 28% de surface par rapport à 2021), certains vignerons cherchant à profiter de prix redevenus accessibles pour consolider leurs exploitations. Il faut dire qu’entre 2019 et 2022 les prix ont baissé en moyenne de plus de 10% dans ce bassin.
Alsace-Est | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Bas-Rhin | 85 300 | 90 500 | +6% |
Haut-Rhin | 131 200 | 130 000 | -1% |
Bordeaux-Aquitaine
En Bordeaux et Côtes de Bordeaux les prix poursuivent leur baisse. Les vignes les mieux placées peuvent s’échanger autour de 21000/ha, les parcelles situées sur des terroirs plus communs ou gélifs peinent à trouver preneur et s’échangent entre 6000€/ha voire 4000€/ha. Cadillac, Balle, Côtes de Bourg baissent d’environ 15%.
Il s’agit souvent de parcelles qui pourraient intéresser des opérateurs voulant les orienter vers d’autres usages que la viticulture. Dans ce cas le coût de l’arrachage contribue à tirer les prix vers le bas. (on parle ici de 9500 ha qui vont pouvoir bénéficier d’une prime à l’arrachage de 6000€/ha).
Même Pessac-Leognan n’y échappe pas avec une baisse de 15% ramenant le prix de l’AOC à son niveau de 2019 soit autour de 500 000€/ha
Bordeaux (départ. Gironde) | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Blaye Côtes de Bordeaux | 15 000 | 13 000 | -13% |
Côtes de Bourg | 18 000 | 16 000 | -11% |
Pessac-Leognan | 650 000 | 500 000 | -23% |
Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura
Beaucoup de transactions et de surfaces échangées. Plus que les années précédentes, La hausse est soutenue par l’ensemble des appellations de la Côte-d’Or ; les hausses s’y étalent de +7% pour les appellations communales jusqu’à +15% pour les premiers crus, sur un marché foncier en retrait et convoité par les professionnels comme par les investisseurs. Peu d’opérations foncières en grands crus mais toujours à des niveaux très élevés.
La demande est également forte sur la zone du Beaujolais avec des projets de plantation en cépage chardonnay, valorisé en Beaujolais blanc ou Crémant. Dans le Jura, une bonne vigne en Côtes du Jura peut se vendre jusqu’à 40 000 euros/ha. Les terres à vigne plantables sont maintenant très demandées par les vignerons jurassiens, qui souhaitent être propriétaires lorsqu’ils plantent une vigne.
Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Beaujolais Village rouge | 10 000 | 12 000 | +20% |
Bourgogne premier cru blanc | 1740 000 | 2000 000 | +15% |
Côtes de Jura | 30 000 | 30 000 | 0% |
Champagne
Parlons du Champagne qui, après avoir enregistré une baisse du foncier de 13% entre 2003 et 2006 a repris 39% entre 2006 et 2022. Il faut dire préciser que la filière a enregistré un nombre record de ventes de bouteilles : 326 millions en 2022 contre 244 millions en 2020. Les prix sont stables sur la Côte des Blancs (Marne) et progressent dans toutes les autres zones, y compris dans l’Aube et l’Aisne. Après un rebond conséquent en 2021, la filière champenoise enregistre en 2022 un nombre record de ventes de bouteilles, qui fait oublier les mauvais résultats de l’année 2020. Sans aucun doute l’appellation représente une valeur refuge pour des investisseurs fortunés.
Champagne | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Marne – Côte des Blancs | 1658 600 | 1658 500 | 0% |
Aube | 888 500 | 897 300 | +1% |
Aisne | 814 400 | 840 100 | +3% |
Corse
Le peu de transactions effectuées sur ce marché foncier nécessite d’établir les prix de la vigne et de la terre à vignes à dires d’expert. Les transactions sont majoritairement sans IGP ou AOP et se concentrent essentiellement sur la plaine orientale (Haute Corse).
Corse | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Ajaccio (Corse du Sud) | 30 000 | 28 000 | -7% |
Calvi (Haute Corse) | 25 000 | 25 000 | 0% |
Languedoc-Roussillon
Moins de transactions mais plus de surfaces vendues plus cher, avec des cessions de domaines, importantes dans ce bassin viticole. Plusieurs appellations héraultaises se démarquent, notamment le Pic-Saint-Loup, tandis que le Muscat de Rivesaltes continue à diminuer (Pyrénées-Orientales, Aude).
Val de Loire-Centre | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Pic-Saint-Loup | 68 000 | 72 000 | +6% |
Muscat de Rivesaltes | 9 000 | 8 500 | -6% |
Limoux | 14 000 | 15 000 | +7% |
Sud-Ouest
Le marché poursuit sa croissance généralisée en nombre de transactions mais surtout en surface et en valeur échangées. Le prix moyen des vignes AOP sur l’ensemble du bassin viticole gagne 7,9%, à la faveur notamment des hausses des appellations Cahors (Lot) avec plusieurs transactions de propriétés et Marcillac (Aveyron) une appellation en altitude qui a le vent en poupe et fait office de locomotive du département.
Sud-Ouest | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Cahors (Lot) | 11 000 | 15 000 | +36% |
Marcillac (Aveyron) | 19 000 | 21 000 | +11% |
Fronton (Tarn et Garonne) | 8 500 | 9 000 | +6% |
Val de Loire-Centre
Assurément dans un bassin qui progresse de plus de 11%, c’est l’appellation Sancerre qui s’en sort le mieux : +24%. La quasi-totalité des achats sont réalisés par des fermiers en place. En appellation Saumur-Champigny, plusieurs transactions font grimper le foncier. Cette tendance nécessite parfois la création de binômes entre jeunes candidats à l’installation et investisseurs. En appellation Côteaux d’Ancenis, les reprises d’exploitations hors cadre familial semblent s’accélérer. Car le vignoble est situé dans une région attractive, les prix restent abordables et le vin blanc est bien dans l’air du temps avec une forte montée en gamme grâce aux crus communaux.
Val de Loire-Centre | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Sancerre (Cher) | 210 000 | 260 000 | +24% |
Saumur-Champigny (Maine-et-Loire | 63 000 | 70 000 | +11% |
Côteaux d’Ancenis (Loire Atlantique) | 6 000 | 6 500 | +8% |
Vallée du Rhône Provence
C’est bien le bassin Vallée du Rhône-Provence qui maintient un niveau élevé de valeur sur le foncier viticole national . Les surfaces échangées y sont en progression, le nombre de transactions en faible hausse. Des prix des vignes AOP hétérogènes conduisent à une quasi-stabilité du prix moyen sur l’ensemble du bassin (+0,8%). D’une part, les appellations du Diois (Clairette de Die, Crémant...) poursuivent leur baisse, et les difficultés des Côtes du Rhône génériques entraînent cette année des baisses dans la Drôme et le Gard. D’autre part, plusieurs appellations enregistrent des hausses, notamment Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse).
Vallée du Rhône-Provence | 2021 | 2022 | évolution 2022/2021 |
Appellations du Diois (Drome) | 30 000 | 25 000 | -17% |
Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) | 480 000 | 500 000 | +4% |
Coteaux d’Aix-en-Provence (Var) | 25 000 | 30 000 | +20% |
Qui achète ?
Pour faire court : en 30 ans le nombre de viticulteurs « personnes physiques » qui acquiert des vignes a baissé d’un tiers au profit des personnes morales agricoles.
En 10 ans, trois fois plus de surfaces ont été acquises par des sociétés de portage du foncier, des Groupements Fonciers Viticoles (Le GFV, grâce aux personnes physiques qui apportent le capital, permet de rassembler le montant nécessaire à l’achat de la vigne qui est ensuite louée à l’exploitant). Un phénomène qui reflète bien la difficulté rencontrée par les vignerons à s’installer ou à s’agrandir. Cette tendance ne va sans doute pas s’atténuer dans les prochaines années.
François
Tous les prix sont consultables sur le site le-prix-des-terres.fr
Toutes les données figurant dans cet article sont issues de l’analyse des marchés fonciers ruraux publiée par la FNSafer.
Image à la Une : photo de Boudewijn boer sur Unsplash