Le prix des vignes 2023

Cet article a été publié une première fois le 9 juin 2023.

Contre toute attente, en 2022, la production viticole s’est envolée et a dépassé les espérances : les pluies de fin d’été ont compensé le gel du printemps et le long épisode de sécheresse : +21% par rapport à 2021. Si les exportations ont progressé en valeur, on ne peut pas en dire autant en volume du fait de l’inflation générale et du confinement en Chine qui représente 45% des ventes en AOP Bordeaux (mais en baisse depuis plusieurs années).

Quel volume ?

Une dynamique qui se traduit dans les échanges de vignes : avec plus de 5% de surfaces cédées – soit 18400 hectares qui ont changé de mains- l’année 2022 confirme une tendance qui va sans doute s’accentuer les prochaines années : celle des départs en retraite des boomers.

Mais les 9 490 transactions enregistrées représentent seulement 1 milliard d’euros, soit une baisse de 7,9%. Trop de vignes arrivent sur le marché ?

la véritable histoire du prix des vignes

Sur quelle base est fondée le calcul du prix des terres ? Il faut revenir plus de 30 ans en arrière : 1992 c’est la première réforme de la PAC (Politique Agricole Commune de l'Union européenne) . Elle amplifie les effets d’une bulle foncière entamée dans les années 60 et stoppée en 1978. La PAC réformée va conditionner la distribution des aides directes au gel d’une partie des terres. Du coup leur prix dégringolent pendant plusieurs années pour se stabiliser en 1997.

C’est cette année là qui a été retenue pour évaluer l’évolution du prix des terres et des vignes. Et il se trouve qu’au bout de 26 ans, le prix des vignes, en valeur constante, a enfin retrouvé le niveau de 1997 avec un prix moyen de 151 200 €/ha.

La présentation annuelle du Prix des Terres (dont celui des vignes) est assurée par la FNSafer et le Service de la statistique et de la prospective du Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Tous les prix à l'hectare sont présentés sur le site  le-prix-des-terres.fr

Mais de quoi parle t-on ? De 10 000 transactions : c'est beaucoup ou peu quand on y regarde de plus près : 10 transactions en Corse, près de 3000 en Vallée du Rhône-Provence pour ne prendre que les deux extrêmes. Il ne s'agit donc que de tendances et sûrement pas d'un argus !

Quels prix moyens ?

Le prix des vignes AOP progresse en 2022 à l’exception des bassins Bordeaux-Aquitaine et Corse. L’augmentation du prix des vignes à eaux-de-vie AOP se poursuit à un rythme moins soutenu que les années précédentes. Quant aux vignes hors AOP, leur prix progresse pour leur treizième année consécutive.

Prix des vignes AOP par bassin viticole

(en euros courants par hectare)

Bassins viticoles année 2021 année 2022 évolution 2022/2021
Alsace-Est 111 800 113 200 +1,3%
Bordeaux-Aquitaine 117 500 114 000 -3,0%
Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura 201 900 220 900 +9,4%
Champagne 1040 600 1065 700 +2,4%
Corse 24 000 22 200 -7,7%
Languedoc-Roussillon 12 800 13 000 +1,4%
Sud-Ouest 12 900 14 000 +7,9%
Val de Loire-Centre 35 200 39 200 +11,1%
Vallée du Rhône-Provence 51 400 51 800 +0,8%
Prix moyen AOP 147 900 151 200 +2,3%
Prix moyen AOP (hors Champagne) 80 000 81 600 +2,1%

Les vignes AOP tirées vers le haut par les appellations prestigieuses

Voici un focus sur quelques appellations dans chacun des neuf bassins viticoles. Pour plus de détails sur une appellation précise, n’hésitez pas à consulter le-prix-des-terres.fr

Alsace-Est

Les prix repartent à la hausse et l’échelle de prix s’élargit. Les grands crus restent très recherchés. A l’autre bout du spectre, les vignes en appellation générique continuent à perdre de la valeur. Le nombre de transactions est en hausse sensible (+ de 28% de surface par rapport à 2021), certains vignerons cherchant à profiter de prix redevenus accessibles pour consolider leurs exploitations. Il faut dire qu’entre 2019 et 2022 les prix ont baissé en moyenne de plus de 10% dans ce bassin.

Alsace-Est 2021 2022 évolution 2022/2021
Bas-Rhin 85 300 90 500 +6%
Haut-Rhin 131 200 130 000 -1%

Bordeaux-Aquitaine

En Bordeaux et Côtes de Bordeaux les prix poursuivent leur baisse. Les vignes les mieux placées peuvent s’échanger autour de 21000/ha, les parcelles situées sur des terroirs plus communs ou gélifs peinent à trouver preneur et s’échangent entre 6000€/ha voire 4000€/ha. Cadillac, Balle, Côtes de Bourg baissent d’environ 15%.

Il s’agit souvent de parcelles qui pourraient intéresser des opérateurs voulant les orienter vers d’autres usages que la viticulture. Dans ce cas le coût de l’arrachage contribue à tirer les prix vers le bas. (on parle ici de 9500 ha qui vont pouvoir bénéficier d’une prime à l’arrachage de 6000€/ha).

Même Pessac-Leognan n’y échappe pas avec une baisse de 15% ramenant le prix de l’AOC à son niveau de 2019 soit autour de 500 000€/ha

Bordeaux (départ. Gironde) 2021 2022 évolution 2022/2021
Blaye Côtes de Bordeaux 15 000 13 000 -13%
Côtes de Bourg 18 000 16 000 -11%
Pessac-Leognan 650 000 500 000 -23%

Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura

Beaucoup de transactions et de surfaces échangées. Plus que les années précédentes, La hausse est soutenue par l’ensemble des appellations de la Côte-d’Or ; les hausses s’y étalent de +7% pour les appellations communales jusqu’à +15% pour les premiers crus, sur un marché foncier en retrait et convoité par les professionnels comme par les investisseurs. Peu d’opérations foncières en grands crus mais toujours à des niveaux très élevés.

La demande est également forte sur la zone du Beaujolais avec des projets de plantation en cépage chardonnay, valorisé en Beaujolais blanc ou Crémant. Dans le Jura, une bonne vigne en Côtes du Jura peut se vendre jusqu’à 40 000 euros/ha. Les terres à vigne plantables sont maintenant très demandées par les vignerons jurassiens, qui souhaitent être propriétaires lorsqu’ils plantent une vigne.

Bourgogne-Beaujolais-Savoie-Jura 2021 2022 évolution 2022/2021
Beaujolais Village rouge 10 000 12 000 +20%
Bourgogne premier cru blanc 1740 000 2000 000 +15%
Côtes de Jura 30 000 30 000 0%

Champagne

Parlons du Champagne qui, après avoir enregistré une baisse du foncier de 13% entre 2003 et 2006 a repris 39% entre 2006 et 2022. Il faut dire préciser que la filière a enregistré un nombre record de ventes de bouteilles : 326 millions en 2022 contre 244 millions en 2020.  Les prix sont stables sur la Côte des Blancs (Marne) et progressent dans toutes les autres zones, y compris dans l’Aube et l’Aisne. Après un rebond conséquent en 2021, la filière champenoise enregistre en 2022 un nombre record de ventes de bouteilles, qui fait oublier les mauvais résultats de l’année 2020. Sans aucun doute l’appellation représente une valeur refuge pour des investisseurs fortunés.

Champagne 2021 2022 évolution 2022/2021
Marne – Côte des Blancs 1658 600 1658 500 0%
Aube 888 500 897 300 +1%
Aisne 814 400 840 100 +3%

 Corse

Le peu de transactions effectuées sur ce marché foncier nécessite d’établir les prix de la vigne et de la terre à vignes à dires d’expert. Les transactions sont majoritairement sans IGP ou AOP et se concentrent essentiellement sur la plaine orientale (Haute Corse).

Corse 2021 2022 évolution 2022/2021
Ajaccio (Corse du Sud) 30 000 28 000 -7%
Calvi (Haute Corse) 25 000 25 000 0%

Languedoc-Roussillon

Moins de transactions mais plus de surfaces vendues plus cher, avec des cessions de domaines, importantes dans ce bassin viticole. Plusieurs appellations héraultaises se démarquent, notamment le Pic-Saint-Loup, tandis que le Muscat de Rivesaltes continue à diminuer (Pyrénées-Orientales, Aude).

Val de Loire-Centre      2021 2022 évolution 2022/2021               
Pic-Saint-Loup 68 000 72 000 +6%
Muscat de Rivesaltes 9 000 8 500 -6%
Limoux 14 000 15 000 +7%

Sud-Ouest

Le marché poursuit sa croissance généralisée en nombre de transactions mais surtout en surface et en valeur échangées. Le prix moyen des vignes AOP sur l’ensemble du bassin viticole gagne 7,9%, à la faveur notamment des hausses des appellations Cahors (Lot) avec plusieurs transactions de propriétés et Marcillac (Aveyron) une appellation en altitude qui a le vent en poupe et fait office de locomotive du département.

Sud-Ouest 2021 2022 évolution 2022/2021
Cahors (Lot) 11 000 15 000 +36%
Marcillac (Aveyron) 19 000 21 000 +11%
Fronton (Tarn et Garonne) 8 500 9 000 +6%

Val de Loire-Centre

Assurément dans un bassin qui progresse de plus de 11%, c’est l’appellation Sancerre qui s’en sort le mieux : +24%. La quasi-totalité des achats sont réalisés par des fermiers en place. En appellation Saumur-Champigny, plusieurs transactions font grimper le foncier. Cette tendance nécessite parfois la création de binômes entre jeunes candidats à l’installation et investisseurs. En appellation Côteaux d’Ancenis, les reprises d’exploitations hors cadre familial semblent s’accélérer. Car le vignoble est situé dans une région attractive, les prix restent abordables et le vin blanc est bien dans l’air du temps avec une forte montée en gamme grâce aux crus communaux.

Val de Loire-Centre 2021         2022         évolution 2022/2021
Sancerre (Cher) 210 000 260 000 +24%
Saumur-Champigny (Maine-et-Loire 63 000 70 000 +11%
Côteaux d’Ancenis (Loire Atlantique) 6 000 6 500 +8%

Vallée du Rhône Provence

C’est bien le bassin Vallée du Rhône-Provence qui maintient un niveau élevé de valeur sur le foncier viticole national . Les surfaces échangées y sont en progression, le nombre de transactions en faible hausse. Des prix des vignes AOP hétérogènes conduisent à une quasi-stabilité du prix moyen sur l’ensemble du bassin (+0,8%). D’une part, les appellations du Diois (Clairette de Die, Crémant...) poursuivent leur baisse, et les difficultés des Côtes du Rhône génériques entraînent cette année des baisses dans la Drôme et le Gard. D’autre part, plusieurs appellations enregistrent des hausses, notamment Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse).

Vallée du Rhône-Provence 2021 2022 évolution 2022/2021
Appellations du Diois (Drome) 30 000 25 000 -17%
Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) 480 000 500 000 +4%
Coteaux d’Aix-en-Provence (Var) 25 000 30 000 +20%

Qui achète ?

Pour faire court : en 30 ans le nombre de viticulteurs « personnes physiques »  qui acquiert des vignes a baissé d’un tiers au profit des personnes morales agricoles.

En 10 ans, trois fois plus de surfaces ont été acquises par des sociétés de portage du foncier, des Groupements Fonciers Viticoles (Le GFV, grâce aux personnes physiques qui apportent le capital, permet de rassembler le montant nécessaire à l’achat de la vigne qui est ensuite louée à l’exploitant). Un phénomène qui reflète bien la difficulté rencontrée par les vignerons à s’installer ou à s’agrandir. Cette tendance ne va sans doute pas s’atténuer dans les prochaines années.

François

Tous les prix sont consultables sur le site le-prix-des-terres.fr

Toutes les données figurant dans cet article sont issues de l’analyse des marchés fonciers ruraux publiée par la FNSafer.

Image à la Une : photo de Boudewijn boer sur Unsplash

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Scénariste, réalisateur, documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.
Catégories : le métier

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