Du Douro à Porto, deux lieux, deux histoires : que cache ce patrimoine classé à l’UNESCO ? naissance au cœur des vignes du Douro et un élevage à Vila Nova de Gaia.
Grimpez sur les collines et admirez l’étendue du paysage dessiné par l’homme au fil d’années de dur labeur à façonner les rangées de vignes sur des terrasses aux murs de pierres granitiques. Ces pierres ont été posées une à une depuis des siècles, formant ce qu’on appelle ici les socalcos ! Il y a 2000 ans, les Romains plantaient des vignes partout car boire du vin était moins risqué que l’eau d’un point de vue sanitaire.
Aujourd’hui, avec plus d’une centaine de cépages, la richesse du patrimoine du Douro propose pléthore de vins auprès de plus de 17 000 producteurs et 65% de la production se réalise en altitude. Les plus vieilles vignes ont 110 ans, et certaines peuvent aller chercher l’eau dans le sol jusqu’à 18 mètres de profondeur !
Arrêtons-nous pour une escapade oenotouristique en compagnie de Marta, une passionnée de sa région, à la Quinta do Bomfim dans la petite ville de Pinhão, située à 125 kilomètres de Porto.
La région du Douro débute à 80 kilomètres dans les terres de la célèbre ville portuaire. Elle se distingue en trois zones : Baixo Corgo à l’ouest (plus frais, sous l’influence océanique), Cima Corgo au centre (un peu plus chaud) et le Douro supérieur (plus sec et chaud avec des étés dépassant les 40 degrés).
Une histoire de famille : au cœur de l’empire Symington
Lors de votre visite, vous serez plongés par la fierté et l’attachement des guides comme Marta à cette maison viticole et à sa riche histoire. Depuis cinq générations, la famille Symington cultive un amour pour ce terroir portugais.
Marta explique lors de la visite que chaque membre de la famille continue à partager son temps entre le bureau et la vigne.
L’écossais Andrew James Symington, arrivé dans le pays en 1896, fait de cette propriété, appelée Quinta en portugais, sa maison de cœur dès 1912. Associé à George A. Warre qui décide de retourner en Angleterre, Andrew reprend les rênes de la maison Dow. Il épouse Béatrice, une portugaise et ne quittera plus le pays. Depuis ce mariage d’amour entre deux pays, la famille Symington est devenue un véritable empire dans la région, propriétaire aujourd’hui de 28 quintas, gérant les fermes Dow’s ainsi que les caves à Vila Nova de Gaia.
Une visite oenotouristique ludique et agréable
Dès l’entrée, vous découvrirez un musée convivial et instructif au cœur de l’ancienne cave à vin. Il retrace la richesse de l’héritage familial à travers plusieurs images et textes regroupés par thème – tous religieusement tirés d’un journal qui relatait la vie de la quinta. Entre les paroles de Marta et les photographies à l’appui, vous serez immergés dans les souvenirs de ceux qui ont travaillé dans la propriété avec la même passion que le fondateur.
Chaque visiteur y plongera dès les années 1912, s’imaginant les histoires de cette époque telles que l’existence du paludisme, les inondations, mais aussi tout le travail élaboré dans les vignobles et le transport du vin du Douro jusqu’aux caves de Vila Nova de Gaia par les charismatiques bateaux « rabelos ».
Marta vous emmène ensuite dans la zone de vinification entièrement aménagée d’équipements ultra modernes dont notamment les bassins de foulage. Automatisés par un système breveté par les frères Symington, sous la marque de la maison Dow’s, ces fouloirs reproduisent exactement le geste du pied d’un homme de taille 41 et d’une corpulence de 80 kg.
Lorsque les pales écrasent les grappes de raisins dans les bassins en granit (matériau permettant de maintenir une certaine fraicheur des raisins), elles représentent l’équivalent de 30 hommes. Rapide et économique, ce système répond au défi de trouver de la main d’œuvre pour effectuer cette pénible opération d’une durée générale de 3 à 4 heures.
Le Porto, un nectar qui vieillira au bord de l’océan
Le jus sera ensuite fermenté dans des cuves en inox avant de poursuivre son élevage en hiver dans des tonneaux en chênes français et portugais dans le chai disposé dans un bâtiment annexe. Marta vous y emmènera avec plaisir et tentera de surmonter la chaleur derrière son masque (visites dans les règles sanitaires oblige avec cette période pandémique de Covid-19).
Sous la vieille charpente, la chaleur se fait sentir en cette fin du mois d’août. D’ailleurs, Marta vous confirmera que c’est le défi principal de la région : protéger les vins de la chaleur depuis la récolte à l’élevage sous ses charpentes pourtant ventilées qui font perdre rapidement la couleur au vin, comme le Tawny ! En juillet dernier, la température a atteint des records jusque 56 degrés !
Face à la chaleur, les travailleurs viticoles doivent se dépêcher d’atteindre le chai en moins de deux heures.
Les vendanges, toutes manuelles, débutent dès 4h30 du matin pour profiter encore de la fraicheur de la nuit avant que le raisin ne soit trop chaud, risquant de déclencher une fermentation prématurée !
Les cuves en vieux chêne pourront accueillir des dizaines de milliers de litres de jus dont la fermentation sera stoppée par l’ajout d’eau de vie à 77% d’alcool et devenir un porto Ruby aux arômes primaires de fruits rouges préservés de tout contact avec l’oxygène.
Les Porto Tawny iront dans de plus petites barriques pour apporter un côté oxydatif à ce vin muté qui présentera quelques notes de noix.
Terminez votre dégustation par une balade digestive sur les terrasses des vignes à l’ambiance méditerranéenne avec les nombreux oliviers et figuiers.
Découvrez le vieux puits en granit où est stockée l’eau afin d’irriguer la vigne lors des étés de sécheresse.
Au printemps suivant, les Porto sont emmenés à Vila Nova de Gaia, le long des rives du Douro, au cœur de la ville de Porto pour vieillir au minimum trois ans.
Enchainons avec une visite de la célèbre marque de Porto au logo reconnaissable dans le monde entier depuis 1928 : Sandeman.
Son logo représente un « don » portant un sombrero espagnol et la cape d’étudiant portugais noire !
Pedro, votre guide, vous emmène dans les sombres caves où sont alignées depuis plus d’un siècle les barriques et les foudres.
Elles peuvent accueillir des millions de litres de vins du Douro qui reposeront quelques années, voire même des décennies comme les vieux Tawny ou encore les millésimes (Vintage).
Terminez votre escapade œnologique dans un bar à vins de Porto, tenu par des français, au doux jeu de mots : « A cave do bon vivant » !
Audrey