Porto #2 : une soirée à la Quinta

La croisière sur le fleuve Douro est un moment fort de la vie d’un « coureur de vignes et buveur de vins » qui se respecte. Toutes les compagnies fluviales basées à Porto proposent à peu près le même service, avec la montée en bateau (6 heures) et la descente en train ou l’inverse ; repas servis à bord, ambiance joviale nourrie par le soleil brulant de juillet et les petits verres de Porto blanc servis bien frais.

croisiere Douro2Une fois franchie l’hallucinante écluse de Carrapatelo- la plus haute d’Europe avec ces 36 m de dénivelé- s’ouvre devant vous ce paysage culturel de vignes en terrasse, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, mille fois vu en photo peut-être, mais dont on ne se lasse pas.

Le génie créateur de l’homme a su transformer en terre arable le schiste des rivages du fleuve.

 

Petite pensée pour ces paysans portugais,

qui se sont tués à la tâche durant deux siècles pour construire ces milliers de kilomètres de murets de pierres sèches. Arrivée à Peso de Régua, à 100 km de Porto, un port fluvial où étaient embarquées les pipes de vin sur les frêles rabelos.

arrivée à RéguaIl fallait passer les rapides, malheureusement tous n’arrivaient pas à bon port de Vila Nova de Gaia où se trouvent les entrepôts des expéditeurs ; aujourd’hui le vin est descendu en train ou en camion. Quand le Portugal est entré dans l’Europe, il y a 20 ans, Bruxelles a obligé le démantèlement du cartel des Big 15 ; vous savez les Croft, Rozès, Fonseca, Niepoort, Sandeman, Grahams, Ferreira et les autres qui avaient le monopole de la commercialisation du vin de Porto. Depuis, une cinquantaine de domaines ont obtenu le droit de faire vieillir, mettre en bouteille et commercialiser le vin de Porto sous leur propre marque nous explique César Sequeira, le propriétaire de la Quinta do Marrocos -un beau domaine d’une centaine d’hectares situé au dessus du fleuve- lui-même bénéficiaire de cette mesure de libéralisation.

quinta1L’habitation rénovée évoque l’époque où elle était occupée par les moines franciscains, un peu austère, hors du temps.

Un personnage, ce César, habité d’une passion dévorante pour ses vignes et ses vins, qui s’exprime aussi bien en français qu’en anglais à la plus grande satisfaction de la dizaine d’hôtes, américains pour la plupart, qui avaient souscrit à son offre d’oenotourisme. Ici, vous avez 20 000 exploitations familiales qui livrent leur jus ou leur raisin aux grandes maisons ; tout ça est très contrôlé par notre gendarme, l’Institut des Vins du Douro et Porto.

30 000 ha de vignes ? pas sûr que le vin nourrisse son homme…

A propos, savez-vous comment on fait le Porto ? Une découverte semble-t-il fortuite, a consisté à rajouter de l’eau-de-vie au vin pour le renforcer durant le voyage en mer pour l’Angleterre. Les Anglais ont tout de suite adoré ce vin riche et alcoolisé, d’autant que l’accès aux vins de Bordeaux leur était fermé à l’époque. Depuis le XVIIIème siècle rien n’a changé ou presque ; on continue à rajouter une dose d’eau-de-vie, le brandy, pour quatre doses de vin peu de temps après le début de la fermentation ; celle-ci est alors stoppée.

©Quinta do Panascal

©Quinta do Panascal

Ce vin dit fortifié va être conservé en foudre, puis en barrique, puis en bouteille ; miracle de la conservation, plus il vieillira, meilleur il sera. Après, de nombreux facteurs entrent en jeu, l’emplacement des terroirs- zone A, les meilleures puis B,C,D,E,F- le millésime, etc. Six cépages, tous autochtones, participent à l’élaboration du vin rouge ; tous les raisins sont vendangés en même temps et foulés au pied dans les lagares comme le veut la tradition. C’est très important pour la qualité des jus et pour l’ambiance, les vendangeurs aiment se retrouver comme ça, en chantant nous signale César ; pour la prime aussi, si j’ai bien compris.

 

dégustation César 2Nous descendons dans la cuverie : cuves béton, foudres en chêne de France de 20 000 litres, pipes de 522 litres. Les jus mutés vieillissent tranquillement sous la surveillance de César, de sa fille Rita, oenologue et l’Institut des Vins pour obtenir les autorisations.

Des questions ? Oui, comment fait-on les vins du Douro ? A la Quinta, ici, je n’ai le droit de produire qu’une quantité limitée de vin fortifié ; pour le reste, c’est du vin du Douro, en appellation contrôlée, DOC.

Mais comment fait-on le Porto blanc ?

porto blanc1L’Institut l’a lancé il y a 30 ans pour concurrencer les Jerez et obtenir quelque chose de plus sec ; on nous a dit de planter du verdelho, du malvasia fina et d’autres ; ça marche très bien, notre vin blanc sec Sequeirinha a beaucoup de succès à l’export dans les pays du Nord ; ma fille Catarina pourra vous donner tous les détails. Confirmation M. César, vos hôtes ont apprécié ce vin tout en fraîcheur aux arômes de fleur d’oranger, qui ne manque ni de puissance ni de densité. La dégustation des vieux Porto se déroula après le dîner et la petite visite digestive. Images de club anglais, fauteuil Chesterfield, gros Havane, «Oh ! My dear Watson, how gorgeous is this National Vintage 1985 ! »

Revenons sur terre,

LBV Portola dégustation a lieu au caveau, plutôt banal. Première observation, les Porto ont un nez faible ; tout se passe en bouche. Sautons directement au LBV – Late Bottled Vintage 2001 mis en bouteille en 2007, à 15€. C’est puissant, solidement alcoolisé : 19,5°, des arômes de pruneaux, de cerises confites, de caramel, de cuir et même de cigarillos. La perle du caveau revient au Vintage 2004 ; c’est tellement concentré, puissant, liquoreux qu’on se demande si on n’est pas en train de déguster un vieux Cognac….Nettement plus cher.

Je termine par la question taboue : La culture biologique ? La moue désapprobatrice de César en dit long sa perception du sujet. C’est sa fille Rita, l’oenologue qui devra relever ce nouveau défi ; il en faut pour toutes les générations.

Jean-Philippe

photo à la Une : © quinta de Maroccos

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

Commentaires:

  1. on se souviendra toujours de la visite commentée par Monsieur Cesar,
    du repas du terroir. chez ces vignerons qui portent haut l’ amour de leur travail et du faire partager leure création . ( nous avions fait venir quelque bouteilles et pensons a eux quand nous trinquons )
    nous étions 1 car en visite au Portugal et j’espere bien y revenir bientôt
    Bernard

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