Pénétrer dans le nouveau « palais » du journal Le Monde ne laisse personne indifférent. L’immeuble-pont signé de l’agence norvégienne Snøhetta qui abrite les 1600 collaborateurs du Groupe va bien au-delà du choc visuel et de l’effet waouh !
Vous voilà au cœur de la communauté informationnelle qui tente de déjouer jour et nuit la déferlante guerrière des fake news, qui nourrit le phantasme du scandale dénoncé à la Une et porte encore et toujours «la plume dans la plaie » selon le mot d’Albert Londres.
Revenons sur terre. Le groupe média propose une sélection d’ateliers et cours organisée par la rédaction. Cours de littérature, de géopolitique, de philosophie, ateliers d’écriture et……de dégustation animés par l’équipe du Goût du Monde « vignobles et vignerons » autour de la journaliste écrivaine, historienne et critique du vin, Laure Gasparotto.
ENTENTE OU RIVALITÉ ?
Drôlement gonflé son sujet ! me glisse mon voisin de conférence. Quoi ! déterrer la hache de guerre entre Bordeaux et Bourgogne. Jean-Robert Pitte n’a-t-il pas écrit récemment : Bordeaux Bourgogne, histoire d’une rivalité (Tallandier 2016) ?
Qu’on se rappelle des années Pompidou celles de ma jeunesse où l’on était soit Bordeaux, soit Bourgogne – jamais les deux – et mon père disait : la Bourgogne se boit en cravate et Bordeaux en nœud papillon.
Loin de vouloir relancer la polémique, Laure Gasparotto nous explique que le sujet s’imposait par son casting exceptionnel.
PLUS COMPLICES QUE RIVALES

Nos grandes dames du vin offrent l’image la plus parfaite du grand vin à la Française.
UNE FEMME S’IMPOSE

Depuis, l’entreprise n’a cessé de prospérer : 100 ha en Bourgogne en propriété, 100 AOC, 100 ha en Oregon (USA), 100 salariés, 50M€ de CA. Derrière la business woman, Véronique Drouhin ne peut cacher sa passion pour son métier d’oenologue – 36 millésimes à son actif- elle qui fait corps avec ses climats de Bourgogne.
L’assistance fut saisie d’émotion lorsqu’elle raconta son extraordinaire aventure viticole dans les Dundee Hills (Oregon) : un sol volcanique à défricher, à planter en pinot noir, où elle officiait en tant que winemaker.
UNE FEMME S’IMPOSE (BIS)

Que Madame la Chancelière de l’Académie internationale du vin veuille bien pardonner ce compliment un peu hasardeux mais je peux témoigner que tout, absolument tout dans vos propos atteste de la volonté de hisser toujours plus haut votre grand vin, fleuron de l’appellation Pessac-Léognan. A la question de savoir si le fait d’être une femme avait été un handicap dans sa carrière, elle répond : mais pas du tout, c’est un avantage, j’étais souvent placée à côté des personnes passionnantes….Que pouvait-on refuser à Véronique Sanders ?
CE QUI SUFFIT NE SUFFIT PAS
Le Château Haut-Bailly est une entreprise dix fois plus petite que la Maison Drouhin, mais la taille ne fait pas le renom si l’on en croit leur égal rayonnement à l’international. Le domaine repose sur un joyau viticole de 39 ha, planté uniquement en rouge, exploité depuis 600 ans et plus. On a le devoir d’exprimer le génie de ce terroir. Un seul et même continuum dont le cœur historique, au sommet de la plus haute croupe des graves, abrite les 4 hectares de vignes centenaires complantées, matrice de l’assemblage du grand vin.

Vos vins ne sont-ils pas trop chers ? La question vient de l’auditoire et les réponses sont nuancées. Je puis vous dire que jamais un grand vin n’a perdu de valeur sur le temps long. Devinez qui a fait cette réponse?
Contre-intuitivement on apprend que le changement climatique serait plutôt favorable à Bordeaux. Les cabernets sauvignons sont vaillants dans l’adversité tandis que le merlot s’adapte. Véronique Drouhin concède avec sincérité que le climat devient un vrai casse-tête en Bourgogne avec l’eau, le feu, le gel, la grêle….J’espère qu’on fera toujours du pinot noir.
ET SI ON DÉGUSTAIT ?

Faut-il y voir une zone « secret défense » non-accessible aux quidams ?
Finalement nous- la centaine de convives- nous retrouvons dans un espace fonctionnel-polyvalent qui n’avait probablement jamais accueilli de grands crus classés.
Il faut un début à tout comme le verre Spiegelau qu’on me tend- à rapporter SVP !
Le banc de fromages premium et charcuteries d’exception fut pris d’assaut, laissant le temps aux équipes d’installer les bouteilles.

Il s’agit d’un climat unique qui se fait autant en blanc qu’en rouge. « Blanc sur rouge, rien ne bouge. Rouge sur blanc tout fout le camp » nous étions de nombreux adeptes de cette maxime, alors la queue se faisait longue, longue au stand bourguignon.
Puis vint un moment de grande émotion, lorsque la maîtresse des lieux me versa un trait de son pinot noir si ardemment désiré. Pas le temps de méditer, dommage, ça poussait derrière et mes fromages se sont retrouvés par terre.
DOUBLE-MAGNUM

Le collaborateur de Véronique Sanders se livrait à un exercice périlleux, celui de transvaser le vin d’un double-magnum Haut-Bailly 2004 en carafe. L’objet cérémoniel, manié avec une infinie précaution était saisie par la présidente pour vous servir elle-même.
Quelle délicatesse ! son sourire n’était en aucun cas de circonstance, mais l’incarnation de l’équipe du Château pour qui « Haut-Bailly est plus grand que ceux qui le servent ».
UNE AFFAIRE DE SIÈCLE
Les convives regagnaient les petites tables, habités par le vin divin comme des fidèles ayant reçu la communion, les conversations tenant plus du chuchotement. Mon compagnon éphémère de dégustation me dit avec gravité : vous savez, à Bordeaux, il n’a qu’une propriété par siècle pour s’imposer mondialement avec des qualités gustatives hors-normes. Le XX ème a été le siècle de Petrus. Je suis prêt à prendre le pari que le XXI ème siècle sera celui de Haut-Bailly.
La promesse faîte à Bob….Est-ce possible ?
L’heure avançait, la sécurité nous fit signe de descendre.
Jean-Philippe
Image à la Une : crédit Bouygues Immobilier