Si les vignerons bio sont tout autant exposés à la conjoncture actuelle que leurs confrères en conventionnel, peuvent-ils avoir quelques raisons d’être satisfaits d’avoir un jour décidé de faire le choix du bio ? Alors aujourd’hui dézoomons le cliché instantané, prenons un peu de hauteur, on va parler avec des chiffres, ceux qui sont sortis lors de la présentation du prochain salon SudVinBio 2026.
une filière en progression constante
D’abord ces vignerons ont fait école ! D’après la très officielle Agence Bio, la surface de vignes certifiées bio a atteint en 2024 142 000 ha sur un peu moins de 750 000 ha du vignoble français. Cette surface a doublé en 6 ans ! Certes le nombre de conversion annuel a fléchi pour retrouver celui de 2018. La palme revient à l’Occitanie où 21% du vignoble est en bio. Mais c’est aussi la région, la seule, où s’opère une baisse légère du nombre de vignerons pour des raisons techniques ou économiques. Mais cette croissance est-elle irréversible ?
l’agriculture biologique est un modèle de production vertueux
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C’est une agriculture qui procure de nombreux bénéfices, notamment sur la qualité de l’eau : selon une étude de UFC Que Choisir, 15% des eaux en France sont polluées, la préservation de la biodiversité, la fertilité des sols, la santé de la population et des utilisateurs, risquent d’être en danger. Or, le financement de l’agriculture biologique permet de réduire les investissements sur la dépollution de l’eau et également sur les frais de santé.
Ce sont les aménités du bio. Ces bénéfices ont été en effet confirmés par un rapport de la Cour des comptes française en juin 2022, mais aussi par la Cour des comptes européenne en septembre 2024. Le Bio est consacré par un signe officiel de qualité, défini par un règlement européen qui interdit l’utilisation d’engrais et de pesticides de synthèse mais également interdit ou limite l’utilisation de certains produits ou procédés dont dispose l’agriculture conventionnelle.
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C’est donc un véritable levier de la transition agro écologique avec des objectifs chiffrés bien définis, notamment à l’échelle française avec un objectif de SAU (Surface Agricole Utilisée) visé en 2027 de 18%, mais aussi européen avec 25% de la SAU espérée en 2030.
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Un CA en hausse
Le Chiffre d’Affaires a lui aussi bien progressé : une croissance de 7% en 2024 par rapport à 2023 autant en ventes qu’en volume auprès du circuit des cavistes, restaurateurs, la vente directe par les vignerons en cave particulière.
Toujours d’après l’Agence Bio, les vins bio ont trouvé leur place sur le marché car ils répondent à cette mutation de la consommation qui tend vers moins de consommation de vin, mais mieux. Certes l’arrivée massive de vignes en bio ces dernières années n’a pas permis de vendre ces produits à leur juste valeur et il est nécessaire de leur trouver de nouveaux débouchés, notamment auprès de la Grande Distribution, seul circuit à n’avoir pas progressé alors qu’il est courtisé par les caves coopératives. Le consommateur aurait-il besoin d’être accompagné ?
Et voilà aussi un autre élément de satisfaction : le vin bio français se vend bien à l’export. Pendant longtemps, ces opportunités ont pu être bloquées par manque de volume de vins bio. Aujourd’hui, c’est un frein qui est levé avec l’arrivée des dernières surfaces. Donc on sait, notamment par des études de Business France, qu’il existe de grandes opportunités de développement sur les vins bio à l’export. Mais la volatilité des marchés provoquée par la déstabilisation des relations internationales ne va-t-elle pas remettre l’export du vin bio en cause ?
Mais à quel prix ?
C’est le coeur du problème actuellement et il n’est pas résolu. Sur ce terrain vignerons bio et vignerons HVE font cause commune. Des prix d’achat à la traine qui ne permettent même pas aux vignerons de survivre, cf les récentes manifestations à Bézier, reflet de ce ras le bol viticole.
Alors la solution serait-elle dans les prix d’orientation comme ceux mis en place en IGP Pays d’Oc ? C’est aussi le sens de la démarche effectuée par Inter Rhône.
des prix d’orientation pour les vins bio ou HVE vendus en vrac
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- La CE vient de donner son feu vert à la mise en place, pour 2 ans, de prix d’orientation pour les vins bio et HVE en IGP Pays-d’Oc. Une dérogation exceptionnelle au droit de la concurrence, portée par les Vignerons coopérateurs de France et d’Occitanie avec l’appui de l’interprofession et applicable dès la vendange 2025. Ces prix seront fixés par des commissions spécialisées au sein de l’interprofession, en tenant compte des coûts de production et de l’état du marché. Avec comme objectif : garantir une rémunération juste aux producteurs tout en restant compétitifs, avec des prix situés entre 0 et 20 % au-dessus du coût de revient. Six cépages sont concernés par ce dispositif : sauvignon, chardonnay, merlot, cabernet, cinsault et grenache.
Qui achète du vin bio ?
Pour Agnès Crozet, directrice générale adjointe de l’Obsoco, l’Observatoire Société et Consommation, 39% des Français consomment du vin bio.
Sur l’ensemble des Français, les moins de 35 ans représentent 28% de la population. C’est 31% chez les consommateurs de vins bio : parmi les consommateurs de vins bio, les jeunes sont surreprésentés. À l’inverse, quand on regarde ce qui consomment uniquement du vin conventionnel, les jeunes ne sont plus que 18%. Donc on a vraiment un éloignement de la jeunesse vis-à-vis de la consommation de vin conventionnel…
Les jeunes, ça tombe bien ! Dans leurs achats de produits alimentaires, ils privilégient la qualité, quitte à payer plus cher. Pour eux, la qualité c’est un produit sûr qui ne fait courir aucun risque pour la santé et qui est issu d’une production respectueuse de l’environnement, qui assure une juste rémunération aux producteurs et à leurs salariés.
des zones d’ombre
Mais il reste quelques raisons de s’inquiéter : à commencer par la réduction de près de 50% des solutions cuivre disponibles décidée par l’ANSES en juin dernier. Sans l’usage du cuivre, les vignerons bio se retrouvent dans une impasse technique et les vignerons conventionnels devront utiliser davantage de produits chimiques de synthèse.
Julien Franclet président de SudVinBio : Sachant qu’on est à un moment charnière avec le renouvellement des générations, on sait que quasiment 40% des gens qui veulent s’installer en agriculture, veulent s’installer en agriculture biologique. Si demain on leur dit vous ne pourrez pas vivre de votre métier, ça aura un impact très grand : sur les conversions, mais également sur un risque de déconversion en cas d’impasse technique.
François
Image à la Une : crédit France 3 Aquitaine


