On adore, à Génération Vignerons, suivre le parcours des vignerons que nous avons rencontrés, au fil des années. Leurs histoires ne sont jamais un long fleuve tranquille et elles nous insufflent à chaque fois de grandes leçons de vie.
Tenez, prenez Marine et Simon, ce couple de trentenaires installé sur l’Ile de Ré depuis six ans. Ce soir là ils ne sont pas tout seuls ! lls savourent cet instant, Ils jubilent même dans leur rôle d’hôtesse et d’hôte lorsqu’ils accueillent d’un mot chaleureux chaque invité.
Nous sommes plus de 200 personnes à se presser autour d’eux : élus, banquiers, restaurateurs, cavistes, vignerons coopérateurs, ostreiculteurs et autres artisans de la Charente-maritime, journalistes…
Et bien sûr toute la communauté rétaise en rang serré venue partager leur joie d’avoir enfin abouti leur rêve : créer un domaine de toutes pièces sur l’Ile de Ré avec ses 12 hectares de vignes et ce qui fait aujourd’hui l’objet d’une inauguration, un chai tout neuf de 700 m2 qui parachève leur installation. Un ensemble de bâtiments érigé à l’entrée de Loix-en-Ré flambants neufs parfaitement intégrés dans le paysage insulaire.
Un exploit sur cette île où les places sont chères et bien protégées !
la jeunesse est un art
Marine et Simon le savaient lorsqu’ils avaient envisagé de s’installer sur l’Ile dès 2015. Tous deux jeunes ingénieurs sortis de Supagro Montpellier, lui venant de Nuit Saint Georges et elle originaire de Loix en Ré vont directement frapper à la porte du président de la Communauté de communes de l’Ile de Ré, Lionel Quillet.
Il nous raconte : deux jeunes qui arrivent, souriants, agréables, ils sont beaux, ils sont ensemble, voila Président on veut faire de la viticulture tous seuls, on n’a pas d’argent, qu’en pensez-vous ? …Que voulez-vous, moi ça me parle les passions, la passion amoureuse, la passion du vin, un couple comme ça, on ne peut pas les lâcher !
Un soutien indéfectible qui les accompagnera à chaque étape de leur installation.
terre d’accueil
La plupart des acteurs sur l’Ile se retroussent les manches pour leur faire un place et notamment, Uniré, la coopérative vinicole de l’Ile qui exploite 600 des 650 hectares de vignes de l’Ile et qui aurait pu voir d’un mauvais oeil l’installation d’un vigneron indépendant, le deuxième. Au contraire elle joue le jeu et les aide à se faire une place. C’est la naissance du Domaine Arica, un domaine tout en bio.
Mais on ne va pas vous raconter à nouveau les débuts de Marine et Simon largement présentés en 2021 dans cet article, S’installer à 27 ans : Marine et Simon. Retenons que leur plus grande richesse reste leur jeunesse. Ils sont conscients qu’ils ont le temps devant eux. Ce qui leur permet d’envisager sereinement la construction du chai qui leur manque cruellement.
Pourtant rien de moins simple que de construire sur l’Ile de Ré : quand on n’est pas en zone submersible, on est en zone protégée, ou dans un périmètre historique…
l’obstacle est le chemin
Heureusement la commune de Loix-en-Ré dont le maire est…le président de la Communauté de communes dispose d’un terrain qu’elle gardait en réserve pour une activité agricole. La vente s’effectue donc au profit de nos deux jeunes fermiers -comme ils aiment se définir- et, dès 2017, Marine et Simon confient le projet à l’architecte Jacques Ossola de Ste Marie-en-Ré (encore un Rétais !) avec pour objectif livraison des bâtiments pour les vendanges 2018…
Sauf que l’emplacement du terrain en zone submersible oblige la mairie à demander une dérogation pour accorder le Permis de Construire. Et là c’est le Préfet et le président du département de l’époque, Dominique Bussereau, qui s’y collent pour obtenir pas moins qu’une dérogation ministérielle ! C’est dire si les dieux du vin étaient avec le domaine Arica ! Mais il faudra surélever les bâtiments de 50 cm pour faire face aux risques de submersion marine.
La fin des difficultés ? Non car des fâcheux étaient tapis en embuscade et c’est en passant par la case tribunal, après avoir purgé les recours, que nos jeunes vignerons obtiennent enfin le précieux sésame pour construire leur chai qui sera achevé avec 5 ans de retard : pour les vendanges 2023 !
matin tranquille
Retour à Loix-en-Ré quelques semaines après l’inauguration. En ce petit matin d’hiver, Simon arpente les allées de leur cuvier tout neuf. Ici, en élevage, l’Arica Blanc, l’Arica Rosé : Au domaine on produit 70% de blanc et le reste en rosé. Notre Arica Rosé est très clair, typé Provence avec un nez floral et agrume. Il demande un travail au pressoir précis avec des macérations très courtes pour ne pas aller chercher trop de couleur. Notre objectif c’est de tendre vers 45% de rosé pour répondre à une demande surtout estivale. Et justement on vient de récupérer 3 ha de jolies terres pour le rosé !
Avec un objectif : passer de 75 000 à 100 000 bouteilles.
l’ami des restaurants
Pendant ce temps, dans le chai à barriques, Marine prélève les échantillons des cuvées parcellaires qu’elle va envoyer par Chronopost à leur œnologue conseil situé à Beaune, Bruno Michéa. Elle aura un retour dès le lendemain sur le résultat des analyses en vue des prochains assemblages.
Marine : toute notre production est vendue en bouteilles avec la moitié en vente directe. On a une clientèle à fort pouvoir d’achat, mais saisonnière et exigeante ! L’autre moitié est vendue aux restaurateurs de l’Ile ou de la Rochelle.
La restauration justement. Toute une organisation. Simon : Les restaurants ont des allocations pour qu’ils aient du vin d’avril à novembre. On travaille avec eux l’hiver pour leur mettre les volumes nécessaires de côté. Difficile car il faut faire plaisir à tout le monde ! Mais, pour la plupart, les restaurateurs n’ont pas la place pour stocker les vins : Alors oui c’est un service qu’on leur rend, on les livre deux fois par semaine mais on préfère que les vins soient stockés chez nous à bonne température plutôt que derrière une cuisine où il fait 45 °C !
La bataille d’après
Je surprends cet instant d’impatience chez Simon Pitoizet : Si vous allez au supermarché à Saint Martin, vous trouverez des vins avec, sur l’étiquette, « la petite réthaise » et une nana en vélo : ce sont des vins qui viennent du Sud de la France. Vous faîtes ça en Champagne, le lendemain il n’y a plus de bouteilles dans le rayon !
Autre dérive tout aussi agaçante : J’ai été approché par un négociant qui voulait acheter notre raisin, l’emporter dans son chai bordelais, faire le vin là-bas et revenir le vendre sur l’Ile en tant que vin de l’Ile de Ré ! C’est ça qu’on voudrait protéger…
L’le de Ré est reliée à l’IGP Vins charentais plutôt concernée par les vignes à Cognac alors que les deux bassins producteurs de vins charentais sont à Oléron et Ré !
La solution serait dans la création d’une AOC ? Oui, revendiquer une appellation sur notre territoire aurait un sens, ça se fera un jour. Mais l’INAO nous dit aujourd’hui : tant que vous n’emmenez pas la coop avec vous vous ne pourrez rien faire. Heureusement Il y a de plus en plus de jeunes qui arrivent à la coop et eux aussi sont intéressés par une appellation…
Alors on prend rendez-vous pour l’inauguration de l’AOC Ile de Ré ?
François