La question mérite d’être posée : entre les difficultés liées au changement climatique, le repli général des marchés, les difficultés de recrutement et l’absence de renouvellement des générations, le moins qu’on puisse dire c’est que l’avenir des nouvelles entreprises sur ce secteur n’est pas tout rose et n’encourage pas à lancer son projet.
Pourtant cette vitalité existe, les entrepreneurs -et parfois les investisseurs- sont au rendez-vous. Les jeunes pousses s’exposent sur les salons professionnels après avoir éclot dans les incubateurs. Généraliste comme celui de Centrale Audencia Ensa à Nantes, issu de l’Université de Montpellier comme AgroVallée Incubation, ou du monde du vin comme l’Incubateur Bernard Magrez Startup Win. Ce dernier compte plus de compte plus de 70 startups dans les secteurs du vin, de la bière, des spiritueux et de l’œnotourisme.
De la production à la cave du consommateur, on retrouve des jeunes entreprises sur l’ensemble de la chaine de la valeur de la filière. La plupart des thématiques sont couvertes avec parfois des doublons qui génèrent dès leur naissance des mises en concurrence entre startups. Sans doute y a-t-il des sujets qui suscitent plus l’imaginaire que d’autres et des projets souvent très proches voient le jour d’un incubateur à l’autre : l’étiquetage, la traçabilité, la blockchain, la décarbonation, parmi d’autres…
Pour avoir arpenté pendant plus de 10 ans les espaces innovation des principaux salons internationaux, je peux vous dire qu’il y en a pas mal qui ont fait pschiiit. Le marché les attendait-il vraiment ? Quatre startups ont cependant attiré notre attention sur le dernier Vinitech à Bordeaux.
La Poste augmente ses étiquettes
Installée sur son petit corner à l’entrée du village Startup, une bouteille de bordeaux géante étiquettée en taille douce, Philaposte : Nous sommes une jeune startup née il y a …600 ans ! s’amuse à dire Romain de Villechenon directeur marketing de l’entreprise, filiale du groupe La Poste. On peut s’interroger sur la légitimité de la présence d’un mastodonte comme la Poste dans un espace Startup…
La réponse est à lire dans l’offre proposée : Philaposte forte d’une longue expérience de fabrication de supports authentiques destinés à l’Etat comme les timbres poste, experte de l’impression sécurisée, cette entreprise, donc, propose de faire parler le packaging des bouteilles avec une offre d’habillage sur-mesure et connectée, combinant techniques d’impression ultra sécurisées et services digitaux comme l’Intelligence Artificielle (IA) conversationnelle entre producteur et consommateur via le QR code, data driven marketing pour mieux connaître le consommateur et ses motivations d’achat…
Des muscles en plus
A deux pas de là, une forte agitation règne autour d’un autre stand : des étudiants du lycée viticole de Libourne-Montagne entourent l’un d’eux qui vient de s’équiper d’un exosquelette présenté sur le stand d’HBR Innovation. Il passe de la position agenouillée à la position debout, se penche en avant un sécateur de démo à la main et tout ceci sans effort apparent.
Béatrice Dalzovo directrice de la boite et ancienne formatrice en Prévention des risques liés à l’activité physique, distribue une gamme diversifiée d’exosquelettes : Nous avons choisi de nous concentrer sur certaines zones spécifiques à savoir le dos, les épaules, la nuque ainsi que les mains, les doigts et les genoux. Florian, 19 ans, prépare son BTSA. Il me confie : j’aurai bien aimé en avoir un quand j’ai fait mon stage de taille !
Des équipements qui sont adoptés sur plusieurs domaines déjà : Philippe Bataille, vigneron-chauffeur au Château Lagrange est là pour en témoigner : L’exosquelette utilisé à mon gré pendant la période de taille m’apporte beaucoup moins de tensions au niveau des muscles dorsaux… ou bien Vincent Decup directeur technique du Château Montrose Certains travaux manuels répétitifs comme la taille au vignoble ou le soutirage à l’esquive au chai ont trouvé dans l’exosquelette un moyen de soulager les corps sollicités et/ou usés…
de l’or avec de l’urine
Changement de décor : Toopi Organics est à la fois la startup la plus discrète et la plus spectaculaire du salon du moins de part le sujet qu’elle traite. Et c’est bien de traitement qu’il est question ici : comment se passer d’engrais ? Comment arrêter de faire ses besoins dans l’eau potable ? Comment éviter la pollution des milieux terrestres et aquatiques ? Le point commun : l’urine humaine…déclare Michael Roes fondateur de Toopi Organics.
Vous avez sans doute déjà vues ces drôles de WC: lors d’événements, de festivals de musique, et dans des toilettes très fréquentées utilisant des urinoirs sans eau (aires d’autoroute, sites touristiques, parcs d’attractions, bâtiments privés), l’urine y est collectée et recyclée pour les besoins de l’agricuture.
Elle est ensuite valorisée par un procédé de filtration et de fermentation qui assainit l’urine et permet de l’utiliser comme milieu de culture pour des bactéries d’intérêt agronomique. Toopi Organics a lancé la commercialisation de biostimulants issus de l’urine en France et en Belgique, et développe de nouveaux produits microbiens ciblant le phosphore, l’azote et le stress hydrique, dans le but de fournir aux agriculteurs des alternatives écologiques aux engrais chimique, en préparation des sol ou encore aux pieds des ceps jusqu’à la véraison. Des produits pour lesquels L’Anses a donné son autorisation de mise sur le marché.
L’entreprise girondine plait aux investisseurs : après avoir levé 16 M€ en 2024 pour financer la construction de deux sites industriels en France et en Belgique, Toopi Organics a décroché 8,4 M€ de l’accélérateur EIC, le programme phare de l’Europe pour les startups deeptech.
BioScout toujours prêt
Toujours dans le cadre d’une approche environnementale raisonnée, BioScout, une startup australienne, voudrait se développer sur le marché européen avec une solution de détection automatisée des maladies aériennes.
Bence Bodo, en charge du développement en Europe : BioScout offre une avancée en fournissant des informations précises et quasi en temps réel sur la présence de spores pathogènes.
Comment ça marche ? le système combine un piège à spores, une station météo et une plateforme de gestion des maladies 24h/24. Il capture des particules microscopiques en suspension dans l’air comme des pathogènes fongiques plusieurs semaines avant l’apparition des premiers symptômes, il les identifie en temps réel grâce à l’IA : mildiou, botrytis, oïdium, maladies du bois…
L’utilisateur reçoit des informations sur son téléphone et des alertes par SMS. Couplées aux prévisions météo sur une semaine elles lui permettent de prendre des décisions adaptées et d’éviter les pulvérisations inutiles ou excessives.
Le système bien implanté en Australie fonctionne sur abonnement. BioScout est à la recherche d’un distributeur en France.
Un système qui complète les travaux du Digilab à Bordeaux Sciences Agro sur l’IA perceptive ?
Une conférence sur le sujet animée par Christian Germain avait lieu à quelques mètres du stand BioScout. La vision artificielle par proxi-détection (caméra embarquée sur un tracteur) ou par télédétection (par drone) est capable de mettre en évidence la Flavescence Dorée et l’Esca sur des parcelles atteintes.
Mais pour l’heure, ici on ne parle pas de détection précoce, encore moins d’anticipation.
François
Image à la Une : crédit ESA