Bienvenue à la famille Dhaussy, brasseurs de pères en filles et fils depuis 1895 dans notre blog habituellement destinés aux vignerons.
La visite de la brasserie artisanale La Choulette organisée par mes amis Cht’i m’a convaincu que vignerons et brasseurs conduisent un même combat, celui de la fermentation réussie !
Nous sommes à Hordain dans le Hainaut-Valenciennois en NPDCP- ou pour faire simple : en Hauts-de-France, comme on dira bientôt.
Une ancienne ferme-brasserie qui autrefois cultivait l’orge et c’est Florence Dhaussy, une jeune femme accorte et passionnée, qui nous accueille au petit musée de la brasserie : depuis que l’homme sait cultiver les céréales, il fait de la bière. Cette soupe fermentée posa des problèmes aux Romains car elle faisait éclater les amphores sous la pression du gaz carbonique. Comme on le sait, l’invention majeure est à mettre au compte des Gaulois qui avec le tonneau on pu stocker et distribuer leur cervoise. Mais il manquait à l’époque un élément constitutif essentiel : le houblon.
Rendons grâce à Sainte Hildegarde, une religieuse mystique du XII siècle originaire de Franconie connue pour ses traités de médecine qui créa la bière d’aujourd’hui en introduisant des petites quantités de fleur de houblon dans le brassin fermenté. La bière gagne en saveur, en amertume, en conservation et renforce ses propriétés antiseptiques. En ces contrées septentrionales elle devient alors la boisson qui accompagne l’homme de la naissance au trépas. Osons la comparaison : Hildegarde de Bingen est à la bière ce que Dom Pérignon est au champagne !
Qu’est ce qu’une bonne bière ?
C’est l’alliance d’un bon malteur et d’un bon brasseur. Le savoir-faire du malteur est essentiel, La Choulette s’approvisionne à la malterie du Château en Belgique, très renommée ; malt torréfié pour les brunes, caramélisé pour les ambrées, ajout d’un peu de froment malté pour les blanches ; et puis, nous avons nos petits secrets de fabrication, nous utilisons des levures particulières dont la souche-mère est conservée en laboratoire. Les étapes de la fabrication sont doctement expliquées par Alain, le père, maître-brasseur. Pour faire bref, il y a des cuves de décantation, des cuves de fermentation, de la chauffe ; le processus est minutieusement contrôlé pour aboutir à un jus très finement filtré pour donner cette pureté dorée qui rend la bière si alléchante.
Quand on aborde les aspects économiques de la brasserie artisanale, le visage d’Alain se rembrunit : une petite brasserie comme La Choulette produit 7000 hectolitres par an, des volumes qui n’ont rien à voir avec les géants du secteur. Nous sommes un peu coincés entre les brasseurs industriels et les micro-brasseurs qui eux, peuvent en vivre avec 300 hl/an. Les débouchés se réduisent avec la fermeture des bars dans la région, les contrats d’exclusivité exigés par les industriels et nos coûts qui augmentent comme l’embouteillage et les droits d’accises sur l’alcool, six fois plus élevés que pour la filière vinicole.
Il y a de l’avenir pour l’Artisanat !
On apprend qu’il existe en France 820 brasseurs artisanaux regroupés en syndicats régionaux. Des syndicats qui évidemment ne pèsent pas le même poids que leurs homologues du vin. Le rayon de soleil, l’optimiste retrouvé vient de Moïse, le fils qui rentre de deux années passées à Sydney : Vous trouvez là-bas toutes les sortes de bières artisanales, partout, on ne boit que ça dans les bars qui souvent brassent eux-mêmes, et ça se répand ici, en Grande Bretagne, en Europe. Venez ! C’est l’heure de la dégustation !
Les bouteilles et les verres s’alignent sur le comptoir,
pour la leçon de dégustation. L’œil sera séduit par la clarté céleste de la robe dorée coiffée d’une mousse crémeuse et consistante qui doit chanter à l’oreille. Le nez libère des arômes discrets, plutôt floraux ou caramélisés pour les ambrées. Pour le goût, je laisserai à Philippe Delerm le soin de conclure : Ah, la première gorgée ! Gorgée ? Ça commence bien avant la gorge. Sur les lèvres déjà cet or mousseux, fraîcheur amplifiée par l’écume, puis lentement sur le palais bonheur tamisé d’amertume. Comme elle semble longue, la première gorgée ! On la boit tout de suite, avec une avidité faussement instinctive.
Jean Philippe