Une étude Ipsos récente tend à démontrer que le saké fait partie des spiritueux les plus plébiscités par les Français, en augmentation même de 20% depuis trois ans auprès des plus jeunes de 30-40 ans. 20% des personnes interrogées affirment aussi en consommer pendant un repas.
De quoi s’intéresser à cette boisson millénaire (ou presque) appelée abusivement vin japonais ou 日本酒 c’est à dire nihonshu, une bière de riz fermenté. Rien à voir avec le saké chinois, vous savez, cet alcool distillé qui titre 54°d’alcool et qu’on vous sert dans la fameuse tasse en porcelaine…
Mais plutôt que pénétrer le monde complexe du saké par son histoire ou sa fabrication, on vous propose un plongeon direct dans une dégustation, en vous indiquant des liens où trouver chacun des produits évoqués.
le saké sur un plateau
Sachez que l’un des meilleurs moyens de découvrir le saké est de le déguster accompagné d’un plateau de fromages.* Chèvre, pâtes cuites, attention au choc gustatif, vous allez avoir une révélation !
Et en guise de clin d’oeil, on va commencer par celui qui est peut-être le moins traditionnel ou le plus occidental des sakés : un saké…pétillant élaboré selon la méthode champenoise avec des bulles raffinées, des arômes fruités comme le litchi. Le Mizabasho Pure titre 13% de volume d’alcool et doit être dégusté frais.
Associé à un Rocamadour, ce saké vous apportera en bouche des couches de douceur en nettoyant le palais. On vous le recommande en apéritif.
Avec un Crottin de Chavignolles, osons un saké junmai, c’est à dire sans ajout d’alcool distillé. Il dégage des arômes floraux herbacés et fruités comme la banane rôtie, le melon. En bouche l’attaque sucrée veloutée révèle la présence d’umami. L’umami, vous savez cette cinquième saveur (après le salé le sucré, l’amer et l’acide) très présente dans la cuisine japonaise depuis des siècles. le Schichida Junmai Ginjo titre 16 à 17% de volume d’alcool.
A boire frais et pourquoi pas accompagné de spaghetti alla vongole !
Un saké à découvrir accompagné d’une tranche d’Ossau Iraty, le fromage de brebis du Béarn. Ce saké exploite les qualités de deux riz, ce qui lui confère un goût proche du melon. Le Tsukasabotan hana Junmai Saké titre 14,9% de volume d’alcool. Il est plus sec que les sakés précédents, plus salin et très sapide. On retrouve des arômes de fruits secs, noisettes et aussi de céréales. Son acidité fait saliver !
Il accompagnera un carpaccio de poisson blanc ou un tempura de légumes.
Une Tête de Moine -ce fromage à base de lait de vache cru et entier- pour goûter le Kikumasamune Taruzake, un saké maturé quelques mois en barrique de cèdre de Yoshino traditionnellement considéré comme le meilleur bois pour la fabrication de fûts de saké. Le saké s’imprègne de ces saveurs boisées. Une version plutôt « sèche » riche en umami et qui révèle des notes balsamiques. Il titre 15% de volume d’alcool.
Idéal avec des viandes grillées ou braisées.
On monte en puissance avec un Gouda et un Kawajiri Shuzo, un saké vieilli plusieurs années pour qu’il dégage toute son harmonie. Au contact du fromage hollandais au lait entier de vache, on ressent mieux encore l’umami. On retrouve des arômes de sésame, de châtaignes grillées, de fleurs desséchées et des notes de beurre. Il titre 15,3% de volume d’alcool. Un accord à tenter avec des poissons grillés dans une sauce à base de soja.
A noter que les sakés peuvent être dégustés à différentes températures, entre 5°C et 50°C. Les arômes qui s’en dégagent varient en fonction de la température choisie.
le saké au secours du vin
Le saké se distingue aussi par sa capacité à répondre aux accords là où le vin cale : les oeufs, la crème fraiche, les salades légumes verts ou vinaigrés…C’est un exhausteur de goût pour Xavier Thuizat, le chef sommelier de l’hôtel de Crillon à Paris et passionné de Saké. Il va augmenter les ingrédients de la cuisine : le saké est comme la sauce d’un plat et va dynamiser la bouche !
où l’on parle encore de terroirs
Le saké est LA boisson nationale du Japon. Il existe environ 1200 brasseries : des sakagura. Toutes plus anciennes les unes que les autres. La brasserie Kenbishi près de Kobé a plus de 500 ans et n’a eu de cesse de se moderniser au long des siècles tout en restant dans la tradition. Pour situer de quoi on parle, une jeune brasserie, une startup du saké en quelque sorte, c’est une maison qui a été créée il y a 100 ans…
Juste pour casser le story-telling, il faut noter qu’il existe maintenant des sakagura en France : Kura de Bourgogne au Nord de Roanne qui élabore des sakés culinaires et de dégustation, Les Larmes du Levant installé près de Vienne et qui importe son riz japonais et Wakaze qui élabore trois sakés en région parisienne à partir de riz camarguais.
Mais revenons au Japon. Le territoire s’étend sur plus de 3000 kms et possède une multitude de climats avec d’impressionnants écarts de température de près de 50°C du Nord au Sud. Et comme le riz y est cultivé partout, il en existe des variétés infinies, tout comme les sources d’eau au moins aussi importantes que le riz dans ce process ancestral.
Le riz, l’eau et le koji la levure utilisée, toute l’histoire du saké réside dans celle de ces ingrédients.
La pureté du saké, sa couleur et sa nébulosité sont des critères pris en compte dans les concours et mis en évidence grâce aux choko, ces petites tasses de dégustation en céramique blanche qui comportent un motif bleu en anneau.
Non le saké n’est pas forcément incolore. La clarté varie selon les méthodes de production. Et si le saké est stocké pendant longtemps, il peut prendre des teintes dorées ou ambrées.
Au nez, on peut percevoir un arôme connu sous le nom de ginjo-ka. C’est un arôme fruité avec des notes de pomme, de banane et de melon. Avec un saké âgé on percevra plutôt des arômes de fruits secs ou d’épices.
En bouche, on appréciera sa légèreté, sa faible acidité, sa sucrosité, les acides aminées, l’umami, qui contribuent à l’équilibre gustatif. Sachez que si le saké vous parait court court en bouche, ce sera une qualité très appréciée au Japon !
Pour aller plus loin dans l’univers du saké, écoutez ce podcast passionnant de Le bon grain de l’ivresse consacré à Xavier Thuizat, chef sommelier de l’hôtel de Crillon à Paris.
François
*Dégustation tirée d’une masterclass à WineParis 2023 animée par la sommelière Julia Scavo et reconnue par la Saké Sommelier Association.