Direction la France septentrionale pour ce reportage… plus précisément dans une région autrefois connue comme le grenier à grains du pays et aussi le fournisseur de charbon extrait des mines à l’ère industrielle : nous voici dans les Hauts-de-France, sur un terril.
Autour de cette montagne noire créée au fil des années par accumulation des résidus miniers lors de l’extraction de charbon, se trouvent des vignes. Oui, des vignes ! Car ici, Olivier Pucek a eu l’idée de faire revenir le vignoble dans la région.
Autrefois, les vignes existaient dans le Nord de la France car comme le rappellait l’historien Roger Dion, au XIIe siècle, Laon était une « capitale du vin », tirant parti de sa proximité avec les amateurs du Nord dont la consommation annuelle de vin par habitant montait à 35 litres en 1352.
Des vestiges de vignobles au Moyen Age dans la région de Valenciennes sont partagés par quelques historiens.
la France coupée en deux
Puis, pour des enjeux économiques et politiques, il a fallu faire un choix pour nourrir le pays, scindant la France en deux parties : la production céréalière au nord, suivie de l’exploitation industrielle (dont les mines) et les vignobles au sud.

Le sol est pauvre, permettant à la vigne de développer sa vigueur en allant chercher en profondeur les nutriments dont elle a besoin pour sa croissance.
Les petits raisins murissent facilement et s’avèrent très concentrés. Avec les schistes et grès du carbonifère de type ardoise, il y a peu de rétention d’eau, la vigne développe ainsi sa complexité. Olivier est persuadé que la qualité sera au rendez-vous car le désavantage du climat nordiste (frais et humide) sera compensé par ce terroir unique.
prêt pour le réchauffement climatique
Rapidement, le duo crée une société, Les vins Audacieux, que quatre associés rejoignent pour financer le projet. L’équipe a vite été gênée par l’interdiction de commercialisation des vins qui étaient produits.

Elle se retrouve ainsi pionnière dans la commercialisation de vin du Nord avec la sortie du Charbonnay en catégorie Vin de France, un jeu de mots subtil entre le charbon du terroir et le cépage chardonnay, valorisé ici.
Aujourd’hui, 10 hectolitres sont produits, soit environ 1300 bouteilles dont les deux tiers sont mis en vente et partent souvent en primeur grâce à la communication locale.
Un tiers de la production revient à la ville d’Haillicourt pour ses évènements (banquets, mariages…). L’objectif de l’équipe de vendre 1000 bouteilles est vite dépassé.
un deuxième vignoble pas-de-calaisien
Elle poursuit ses idées de faire revenir la vigne dans le Nord avec la création d’un second vignoble près du parc de loisirs d’Olhain sur un sol calcaire à silex donnant sur le château d’Olhain.

Olivier Pucek, toujours plein d’idées en tête, partage ses envies de créer d’autres cuvées à venir et avec d’autres assemblages. Ce Cotolhain offre un style différent du Charbonnay, qui lui affiche un style bourguignon très classique avec beaucoup de matière, peu d’acidité et quelques notes d’élevage. Le terroir d’Olhain permet de créer un style proche d’un vin de Chablis, mais avec beaucoup plus de tension. Nous sommes très fiers d’avoir été les premiers à ramener la vigne dans les Hauts-de-France. On ne vit pas sur nos acquis et on souhaite aller plus loin dans le développement des vins tranquilles pour faire perdurer ce projet par la transmission ! conclut Olivier.
terre de biodiversité
Sur le terrain, c’est Johann Cordonnier qui s’occupe de l’entretien du terril. Depuis 10 ans, il a accompagné les premières plantations de vignes qu’il soigne au quotidien.

Pour Johann, la faune environnante constitue ses collègues de travail : les buses le soutiennent pour empêcher les étourneaux de s’attaquer aux vignes, les chèvres l’accueillent en chemin, quelques renards se faufilent entre les rangs tandis qu’il se trouve bien souvent entouré par une ribambelle de lézards des murailles.
Aujourd’hui, Johann affronte les vents forts pour terminer la taille des deux dernières rangées de vignes avant de s’attaquer aux 500 nouveaux pieds plantés il y a quatre ans. Les bourgeons font seulement leur apparition en ce début avril alors que les vignobles du Sud présentent déjà de belles feuilles, écart de climat oblige.
Pour comble d’ironie, le grand-père de Johann était mineur. Ce dernier ne supportait pas l’idée d’exploiter ces mines de charbon, patrimoine de l’histoire des mineurs. Mon grand-père ne soutenait pas ce projet de vignes, il aurait préféré préserver le charbon, jusqu’au jour où il a gouté le vin que j’ai produit. Et là il a vite changé d’avis.
combustion spontanée
Johann observe le sol : ici, la terre est légère, un mélange de charbon et de schistes qui a la particularité de brûler encore à certains endroits, transformant le schiste noir en schiste rouge, convoité pour les terrains de tennis.

Difficile de marcher entre les rangs de vignes si pentus, Johann redouble constamment de vigilance pour ne pas tomber. C’est un véritable travail d’équilibre au point que des caissettes spéciales en aluminium de 20 kg ont été créées pour les vendangeurs bénévoles. Les vents permettent d’assécher la vigne et les protéger des maladies comme le mildiou, ce qui réduit nos traitements naturels car nous produisons de manière biologique.
style bourguignon

Une belle cuvée au style bourguignon à déguster en pensant aux nombreux pas effectués quotidiennement par Johann sur cette montagne noire.
Audrey
Image à la Une : crédit Oncle Bacchus

Très intéressant
Merci
Merci pour votre commentaire très encourageant !