Oenotourisme en Armorique

Mais où vont-ils chercher des vignes ? Peut-être sur les coteaux escarpés des monts d’Arrée au sol granitique couvert de genets, de fougères et de bruyère ?

N’anticipons pas le changement climatique, mais regardons ce qui se passe en Grande Bretagne où les Britanniques ont déjà planté 5000 hectares de vigne produisant au bas mot 5 millions de bouteilles, pour l’essentiel des fines bulles (source OIV).

©Office du Tourisme de Roscoff

L’amour ou la baston ?

L’œnotourisme proposé aujourd’hui est celui de la tournée des caves/bars à vins. Ça peut surprendre, certes, mais il ne s’agit en aucun cas de noyer un chagrin d’amour ou chercher querelle dans les troquets du port de Brest.

La visite des caves, la rencontre et l’échange avec les cavistes sont des activités oenotouristiques à part entière que Génération Vignerons ne pouvait laisser de côté. Le caviste est un professionnel, un expert et un passionné ; n’y-a-t-il pas plus belle rencontre pour l’amateur de vins et de spiritueux qui aime autant en parler que déguster ?

Les cavistes bretons se distinguent par deux particularités : n’ayant pas de terroir « maison » à défendre, leurs goûts seraient plus éclectiques. Et ils disposent sur leur territoire, à Vannes précisément, d’une formation en alternance au métier de caviste conseiller commercial, la seule en France, dispensée par l’École hôtelière.

Avant de pousser la porte de la première cave, quelques précautions s’imposent.

Les 12 conseils pour réussir sa visite chez le caviste

- le caviste est un marchand, son temps est précieux, à la différence de l’antiquaire ou du marchand de tableaux, n’en abusez pas,

- annoncez si possible votre visite par un petit message, ou à défaut venez de la part de Génération Vignerons,

- à éviter : la référence aux notes et commentaires vus sur TripAdvisor,

- complimentez-le sur la présentation de ses bouteilles par régions, par couleurs ; il ou elle passe énormément de temps à mettre en valeur sa marchandise et sera sensible à celui que le remarque,

- si un client pousse la porte durant votre échange, faîtes vous discret et plongez-vous dans ses références languedociennes par exemple,

- l’échange avec un caviste n’est pas échange de bons tuyaux ; gardez pour vos copains vos bons conseils, approuvez ses choix et n’hésitez à y aller de votre expérience personnelle sur l’un de ses vins,

- Ne cherchez pas à savoir comment il se procure ses vins, ça paraîtrait inquisiteur et vous percevrez rapidement des signes d’agacement,

- Si l’échange dure plus d’un quart d’heure, faîtes-lui comprendre que vous allez acheter quelque chose,

- Se renseigner sur les conditions de stockage, les possibilités d’achat en ligne, les cours d’œnologie, les dégustations avec les vignerons, etc. Là encore, c’est son savoir-faire et il aimera en parler,

- Questionnez-le sur ses allocations de vins rares, c’est sa plus grande fierté !

- Laisse-le vous proposer le vin que vous allez acheter, si le choix ne vous convient pas totalement, évoquez votre compagne « qui ne supporte que les vins bios »,

- Enfin, éviter le vin disponible à la dégustation -sauf soirée spéciale- il est probablement sans intérêt.

C’est Roscoff, petite cité finistérienne de caractère et important port transmanche qui sera notre terrain d’aventure.

La Route des Vins, située face au port entre la brasserie Les Alizés et la crêperie La P’tite Fabrik ne pouvait trouver meilleur emplacement. Vous y serez accueilli par Chloé Rumayor, pas encore trentenaire, qui mène l’affaire tambour battant depuis 6 ans après sa formation dans la fameuse école hôtelière.

Une affaire familiale et locale

Avec un papa entrepreneur et une maman qui s’affaire en cuisine pour préparer les tapas, la charcuterie du terroir et les produits de la mer. Quand j’ai démarré, je pensais que la cave serait devant mais là clairement le bar a pris de dessus. Chloé me fait faire le tour du domaine : l’espace cave, vins et spiritueux, l’épicerie fine et les paniers gourmands et la dizaine de table, un peu désertée en ce milieu d’après-midi à la différence des tables en terrasse où les clients prennent le soleil. On est ouvert jusqu’à 1 heure du matin les week-ends en été, me dit Paul, le saisonnier.

Il en défile des clients chez Chloé, croyez-moi !

Les habitués, les égarés, les invités d’anniversaire et de « retour de noces » dans la grande tradition des mariages bretons qui durent trois jours.

Je regarde ses bouteilles aux étiquettes familières : Ladoucette, Jadot, Guigal, Gérard Bertrand ; le négoce sérieux qui travaille avec les cavistes et restaurateurs ; Il y a du bio et du non-bio. Je ne suis pas énervé avec le bio me dit-elle.

 

Jolie formule pour clore le débat.

 

Ma carte des vins change souvent, ça dépend des envies, des rencontres ; jai 150 références, ça va de 5 € à plus de cent. Ah ! Un viognier de la famille Rouvière, domaine du Chêne en Ardèche ; je prends celui-là.

Vous pouvez l’ouvrir et la boire sur place, si vous voulez : les clients font ça souvent.

Pourquoi pas ? Moyennant un petit droit de bouchon, on peut déguster sur place le vin de son choix ; un choix autrement plus vaste que les 6-8 références servies au verre.

Je vois ma Chloé tiraillée entre les clients qui entrent, Paul qui lui fait des signes et moi avec mes questions ; allez, il est temps de passer à la caisse, kenavo !

Changement de décor

chez WBS –Wine Beer Supermaket ! Saviez-vous que Roscoff voit débarquer 700 000 touristes britanniques et Irlandais chaque année ? A l’arrivée du ferry de Cork le vendredi soir, vous voyez ces longues files de caravanes et camping-cars lourdement chargés qui oscillent entre la droite et la gauche de la chaussée.

Fred Bossis est le manager de WBS, une cave à vins et spiritueux ouverte 7j/7 qui emploie une vingtaine de collaborateurs en saison sur ses deux sites de Roscoff et Cherbourg. La petite cinquantaine bienveillante, Fred est originaire du pays nantais et son épouse angevine.

Parcours de caviste dans les années 80 : on a racheté l’affaire en 1997, il y avait beaucoup de concurrence à l’époque, maintenant on n’est plus que deux. Un peu de géopolitique : no deal Brexit ? Beaucoup d’incertitudes, vous savez la livre sterling est au plus bas en ce moment ; mais les taxes sur les alcools ne baisseront pas.

Pour bien comprendre les enjeux, il faut savoir qu’une bouteille achetée ici 5€ revient à 10€ en Grande-Bretagne et à 15€ à Dublin.

Alors les Irlandais chargent les camping-cars par dizaine de cartons, en parfaite légalité.

260 références en bière, 250 en whisky et rhum, plus de 1000 en vin.

La demande est là, on fait entrer et sortir 1 million de bouteilles par an. Le site internet permet au client de préparer sa commande à l’avance ; il arrive, on le livre.

Fred n’est pas qu’un logisticien, il est avant tout caviste et amateur de vins.

 

 

Bref parcours dans les rayons de la mondialisation

Afrique du Sud, Australie, Chili, Argentine, mais aussi Espagne, Italie et beaucoup de références languedociennes -tiens, voilà les vins bios de Paul Mas. Fred me conduit dans la cave premium : un espace qualitatif où sont regroupés ses plus belles bouteilles. Chaque année je tourne dans les vignobles, là c’est le Piémont, Barolo, Barbera d’Asti, Langhe. Mon associé Chris Bullimore se rend 2 fois par an en Afrique du Sud et nous ramène à chaque fois un container ou deux.

Mon œil est accroché par la Marginale 2012 de Thierry Germain, domaine des Roches Neuves. Un ami de longue date, on reste fidèle ; ce sont mes pépites de cave comme ce saumur blanc Clos de l’Écotard 2015 de Michel Chevré. Il y a aussi les « oubliés » de cave comme ce Bonnezeaux Petits Quarts 1985, vendu 16€ ; aussitôt vu, aussitôt acheté.

La clientèle française ne cesse de croître à WBS, alors Brexit ou pas, Fred reste serein, toujours sur le pont au milieu de ses équipiers : un manager quoi !

Jean-Philippe

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

Commentaires:

  1. CHEMEREAU dit :

    Comment faire croire que la Bretagne a pas une longue tradition viticole en occultant le vignoble nantais et son célèbre Muscadet. Sans oublier que jusqu aux années 1920 il y avait un grand vignoble littoral breton entre Saint-Nazaire et la presqu’île de Rhuys sans oublier les vignes sur des coteaux de l’estuaire de la Vilaine jusqu’à Redon.

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