Grâce à sa position stratégique en bord de Loire, le vignoble de Bourgueil est, depuis longtemps, un bon exportateur de vins de qualité, ouvert sur la mer, allant vers les pays flamands dès le XVIIème.
Bourgueil 2018, au sommet des cabernets ?
Pourtant certains se demandent si Bourgueil a bien obtenu la place qu’elle méritait parmi les vins Ligériens, Chinon lui aurait volé la haute marche du podium.
Et ce, bien que son territoire viticole recèle de nombreux atouts : historiques, climatiques et parcellaires.
Une appellation qui mérite que notre webmagazine s’y intéresse.
deux maisons des vins, mais laquelle choisir ?
Jean Carmet ne s’y est pas trompé, il buvait les cabernets de Bourgueil certes, mais seulement les vieux millésimes à leur apogée, qu’il savait dénicher avec son ami Chabrol dans les caves des habitants récemment disparus.
La ville a eu la bonne idée de créer sa maison des vins de Bourgueil dans la demeure de son grand-père sur la place du village.
Un hommage mérité.
On y trouve des vins en dégustation gratuite, des bouteilles à la vente, des conseils avisés, quelques millésimes anciens et des animations.
Il en existe cependant une deuxième version à deux pas du château de Langeais. Un arrêt obligatoire pour faire plus ample connaissance avec un large choix de vignerons qui exposent leur production à portée de verres. Le travail de diffusion ou de présentation des vins de l’AOC marque des points.
Cabernet je t’aime … ou pas !
Ouh là là… ces notes de feuilles de tomates, menthol et poivron vert. Cette acidité ?!
Si c’est ce souvenir tenace de dégustations qui vous hante, vous allez changer d’avis.
Les vins rouges exhalent des notes de fruits rouges et de fruits noirs. Certains, plus amples, révèlent alors des arômes plus complexes, cacaotés, légèrement fumés ou épicés. Avec l’âge des saveurs de sous-bois ou de truffes.
Vous serez séduits par le caractère du cabernet, sur les sables où il se montre souple mais de garde moyenne. Dans les vins mûrs de Bourgueil on trouve des arômes plus persistants, avec parfois des notes d’amertume qui allongent la persistance du vin en finale.
Mais sur les tuffeaux, argiles et les sols calcaires, dès lors qu’il y a un élevage maîtrisé, on découvre un vin de gastronomie. Ses tanins se mêlent au fruité et donnent de grands vins de garde.
Les grands virages historiques, années 80 et versions bio
La revue Le Rouge & le Blanc* racontait comment Pierre Jacques Druet, figure historique, fut l’un des premiers à mettre en valeur des cuvées de lieux dits comme Vaumoreau et Grand-Mont.
Belle intuition, car l’appellation possède des « climats » comme en Bourgogne.
Son vaste coteau est orienté au sud, incluant des découpages de terrasses et de croupes très qualitatives.
Qualité qui s’est donc rapidement retrouvée dans les vins.
Enfin, en trois décennies un joli groupe de vignerons phares (presque stars) a tracé la route du succès et de la reconnaissance (Jacky Blot, Catherine et Pierre Breton, Pierre Caslot, Mathieu Vallet, Yannick Amirault…).
Mais l’autre grand changement vient du passage au bio de 25 % sur l’AOP Bourgueil, contre 44 % des surfaces bio dans le Val de Loire. Tandis que la biodynamie, encore sporadique, gagne du terrain. Il en ressort des pratiques vigneronnes nettement plus saines, donnant des vins plus précis, vivants, réellement expressifs et persistants.
2018… ? Assurément une TRÈS BONNE année !
Il y a quantité et qualité avec un vin déjà ouvert. Il rattrape une année 2016 catastrophique = 70 % de pertes. Puis un millésime 2017, frais avec des arômes moins expansifs. Moins taillé pour la garde ?
Nos visites chez plusieurs vignerons de grands talents confirment la tendance :
Bertrand Galbrun notre COUP DE CŒUR pour ce vigneron exigeant, travailleur discret et précis. Avec lui « ça infuse et j’accompagne ».
Ses vins sont en biodynamie, touchants et souples. Ses 3 cuvées « Chatrois, Impétueuse et Tempérance » nous ont enthousiasmés car reflétant finement le terroir de Bourgueil.
Très équilibrés, fruités, les jus expriment du volume. L’acidité apporte de la fraîcheur (sans agresser). Les tanins restent poudreux. Très bon ! 10 €
Stéphane Guion, vigneron bio, cultive les vignes familiales qui n’ont pas vu de chimies depuis les années 1960.
Ses vins sont une expression très fidèle des terroirs de Bourgueil. Les cuvées peuvent traverser le temps avec élégance comme la Cuvée Prestige au nez expressif, fumé, minéral, aiguisée par un soupçon de violette.
Des notes de cassis, de tabac rehaussées par des tanins veloutés qui lui donnent une belle ampleur.
Finale poivrée. 10,50 €
Au Domaine des Ansodelles nous rencontrons enfin une femme, courageuse qui met toute son énergie dans son aventure vigneronne.
Nous notons ses bulles rosées « Étincelles » fraîches et séduisantes.
La cuvée de rouge RENCONTRES, à part, demande une légère aération, elle possède un beau fruit, une amplitude en bouche, des tanins ronds et souples avec un petit profil sudiste singulier. 12,50 €
Et le blanc dans tout ça ?
Si Montlouis et Vouvray sont en position de leader sur le marché des blancs, sachez qu’on travaille avec fermeté sur l’idée que Bourgueil pourrait les rejoindre à moyen terme. Pourquoi pas pour 2030 ?
Avec un chenin ancré sur argilo-calcaires, blanc sec qui historiquement existe depuis 1718 mais n’appartient pas encore à l’AOC. Des plantations de ce cépage ont débuté sur 15 à 20 hectares, et plusieurs vignerons pionniers en testent la production sur les meilleurs terroirs.
La demande internationale et française étant là, l’aura et la qualité de Bourgueil ne cessant de progresser, ne pas y répondre semblerait économiquement suicidaire.
Jean-Luc
Photo à la Une : Par Duch.seb — CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/
*Le Rouge et le Blanc (N°116, L’Autre face des rouges de Loire)
Excellent article ! Je me permets de recommander en plus un super vin que j’ai pu goûter d’une vigneronne du pic Saint-Loup.